Monsanto à BabyloneL’agriculture millénaire irakienne détruite par les multinationales agro-alimentaires américainespar Joëlle PénochetC’est au cœur de la Mésopotamie qu’a été inventée l’agriculture – avec un système d’irrigation sophistiqué –, voici plus de dix mille ans. La plaine alluviale exceptionnellement fertile située entre le Tigre et l’Euphrate offre des conditions idéales pour la culture des céréales. C’est là qu’est apparu le blé sauvage dans l’Antiquité. On y faisait pousser presque toutes les variétés connues aujourd’hui dans le monde (plus de 200 000). Les palmiers dattiers, autre ressource vitale du pays, abritaient des plantes potagères très variées. Les «semences de la démocratie»1Depuis son invasion en 2003, l’Iraq n’a pas été seulement spoliée de sa souveraineté politique, de son patrimoine archéologique, de ses ressources pétrolières, mais aussi de sa souveraineté alimentaire. En violation de la Constitution irakienne et des conventions de la Haye et de Genève, qui stipulent que l’occupant doit respecter la juridiction du pays occupé, l’administrateur provisoire Paul Bremer a édicté, avant l’installation d’un gouvernement fantoche par Washington, cent ordonnances scélérates qui ont force de loi. L’ordonnance 81 du 26 avril 2004 a livré le pays en pâture aux nécro-entreprises géantes qui contrôlent le commerce mondial des graines, comme Monsanto (le fabriquant de l’agent Orange). Elle conduit à la destruction irréversible de l’agriculture Iraquienne. L’Afghanistan avait subi le même sort en 2002. Biopiratage dans le jardin d’EdenCette circulaire, rédigée de façon très perverse, a institué de fait une obligation pour les fermiers irakiens d’acheter chaque année une licence et des semences transgéniques aux multinationales américaines, alors que la juridiction irakienne interdisait toute privatisation des ressources biologiques. Les fermiers iraquiens rançonnés par les géants semenciersCette ordonnance a rendu illégales les traditions antiques de sélection des meilleures semences par les agriculteurs pour les réutiliser d’une année sur l’autre, et d’échanges entre voisins. (Selon la FAO, 97 % des fermiers irakiens réutilisaient encore leurs graines, ou les achetaient sur le marché local en 2002). Par croisements, ils avaient créé des variétés hybrides adaptées au dur climat de la région. Vers le contrôle total de la chaîne alimentaire de l’Iraq par les transnationales américaines
En plus de subir les exactions quotidiennes des occupants, les fermiers iraquiens, devenus des serfs, sont désormais condamnés à produire des plantes artificielles, destinées pour moitié à l’exportation mondiale (ou aux troupes d’occupation, comme les variétés de blé réservées à la fabrication de pâtes, étrangères au régime alimentaire irakien), au seul bénéfice de Monsanto et consorts. Ceci alors même que la population irakienne souffre de la faim. Les chimères issues des nécro-technologies, représentent un très grave danger sur les plans environnemental, sanitaire, économique et éthique. Ils entraînent une pollution environnementale aussi irréversible que celle qui a été provoquée par l’uranium appauvri. Ils peuvent par ailleurs être utilisés dans le cadre de guerres biologiques ou bactériologiques silencieuses.2 Source: www.votresante.org du 5/2/08 1 «Nous sommes en Irak pour y répandre les semences de la démocratie de façon à ce qu’elles y prospèrent et se propagent dans toute la région où règne l’autoritarisme.»(George Bush). «Contrôlez le pétrole, et vous contrôlez des nations entières; contrôlez le système alimentaire, et vous contrôlez les populations.» Henry Kissinger |