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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°44, 7 novembre 2011  >  Belgique: une agonie interminable [Imprimer]

Belgique: une agonie interminable

«Les Verts européens jettent allègrement les Etats à la poubelle»

par Pierre Hillard, Paris

hd. Les élections de juin 2010 ont permis au parti flamand indépendantiste, la NVA de Bart de Wever, de briguer la première place avec 28% des voix. Début septembre 2011, un sondage du journal «Het Laatste Nieuws», a révélé que ce parti explosait son score pour atteindre 39%. Entre temps, la NVA a été exclue des négociations entre partis politiques flamands et francophones.
En effet, depuis la mi-juillet 2011, ce parti a quitté la table des négociations permettant au dirigeant socialiste wallon Elio di Rupo d’avoir les coudées franches. La formation politique de Bart de Wever opposait une fin de non recevoir aux propositions francophones les estimant trop timorées. Il est vrai que les statuts de ce parti stipulent clairement que la Flandre doit devenir une république indépendante dans le cadre de l’Union européenne. Par conséquent, pendant des mois, on a assisté à une montée des enchères en faveur d’une Flandre toujours plus autonome empêchant ainsi la formation d’un gouvernement belge stable. La situation est devenue ubuesque quand la Belgique a battu le record irakien sans gouvernement.
Désormais, ces négociations semblent mieux réussir puisque des accords ont été obtenus sur BHV (Bruxelles Hal Vilvorde) et sur la loi de financement chargée de donner des pouvoirs accrus aux régions sans trop affaiblir théoriquement l’Etat belge. Toutes ces combinaisons, pour ne pas dire ces acrobaties politico-financières, sont censées donner forme à une nouvelle Belgique. Sans pouvoir affirmer à l’heure où sont écrites ces lignes si ces négociations vont réussir à donner à notre voisin outre-Quiévrain un véritable gouvernement pour la rentrée parlementaire du 11 octobre 2011, une chose paraît certaine: la Belgique devient de plus en plus une coquille vide. Cette évolution s’explique en raison de l’émergence d’une Union européenne de plus en plus puissante parallèlement à la formation d’un fort pouvoir régional. Entre ces deux strates, les Etats sont pris dans un étau. A quoi peut donc servir un Etat quand les fonctions régaliennes (battre monnaie, diplomatie …) sont aux mains des représentants de l’UE. Le chef de file indépendantiste Bart de Wever, classé idéologiquement entre la droite et l’extrême droite, a résumé d’une manière lapidaire mais fort juste cette évolution: «La Belgique finira par s’évaporer entre l’Europe et les régions.»
Cette fragmentation des Etats européens concerne en priorité ceux qui sont déjà touchés par des revendications ethno-régionalistes comme en Catalogne ou encore en Ecosse. Cependant, cette évolution concerne aussi les régions n’ayant pas sur son sol un groupe ethnique affirmé. Nous assistons à l’émergence de féodalités jalouses de leurs prérogatives aux dépens des Etats. Cette situation est voulue et accélérée dans le cadre des instances européennes. Le cas belge est particulièrement probant comme nous allons pouvoir le constater.
En effet, au sein du Parlement européen, les Verts de Daniel Cohn-Bendit, parti à la pointe du mondialisme, jouent un rôle primordial. Prônant une Europe à structure fédérale doublée d’une autonomie régionale renforcée, les Verts européens jettent allègrement les Etats à la poubelle. Cependant, à y regarder de plus près, leurs actions sont encore plus insidieuses. En effet, ce parti est un binôme dont le vrai nom est «Verts/ALE» (Verts/Alliance libre européenne). Les ALE regroupent une trentaine de partis régionalistes indépendantistes écossais, gallois, basque, catalans etc. Or, il est très intéressant de noter qu’on trouve dans cette liste … la NVA.1 Ce parti réputé à droite voire à l’extrême-droite se retrouve au sein d’un parti, l’Alliance libre européenne, qui épouse les actions mondialistes des Verts. Cette caractéristique prend un tour plus vif quand on sait que le président des ALE, Eric Defoort,2 est le co-fondateur de la NVA.3
Ces collusions s’inscrivent dans le vaste programme de déstructuration/restructuration des Etats en faveur de l’émergence d’eurorégions. Celles-ci regroupant des régions de différents Etats par-delà les frontières devenues obsolètes doivent constituer les véritables rouages de la machinerie européenne. Dans le cas d’un éclatement de la Belgique qui se fera tôt ou tard, il est prévu d’intégrer la Wallonie à un bloc régional appelé «Grande région» et regroupant le Luxembourg, la Lorraine, la Rhénanie Palatinat, la Sarre et Eupen/saint Vith.4 C’est la renaissance d’une Lotharingie chère à Charles le Téméraire. Dans cette affaire, les autorités politiques allemandes sont loin d’être neutres. Nous rappelons que les textes européens traitant de la régionalisation, de la coopération transfrontalière et de la protection ethnique sont en fait d’inspiration allemande. Cette persévérance dans cette politique s’est exprimée par l’intermédiaire de l’ambassadeur d’Allemagne en Belgique qui a remis la «grande croix du mérite» à Karl-Heinz Lambertz5 président de la communauté germanophone d’Eupen et de saint Vith en mars 2010. Dans son message, l’ambassadeur s’est plu à rappeler l’engagement du président Lambertz à la tête de la communauté germanophone de Belgique en faveur d’une Europe des régions. Ce même Karl-Heinz Lambertz est aussi le président de l’institut européen – en fait allemand: l’Association des régions frontalières européennes (l’ARFE) – chargé de transformer les frontières nationales en frontières administratives. Dans la perspective d’une Belgique éclatée même si les dirigeants politiques arrivent à prolonger quelque temps son existence, le rôle de cet homme sera primordial.
Cette parcellisation en perspective de la Belgique et des Etats européens s’inscrit dans la crise économico-financière qui touche le monde entier. L’endettement phénoménal des Etats, la crise de l’euro conduisant à une refonte profonde dans l’organisation interne de l’Union européenne, une économie américaine chancelante présentant de plus en plus de ratés sont autant d’outils permettant à l’oligarchie de procéder à une mutation généralisée; c’est-à-dire la destitution des Etats et de leurs prérogatives régaliennes au profit de grands ensembles continentaux européen, nord-américain, sud-américain etc. soumis à la dictature du monde de la finance. La machine permettant la concrétisation de cet idéal babélien est lancée. Notre sort va se jouer au cours de la décennie 2010.    •

1    www.e-f-a.org/parties.php?name=*
2    www.e-f-a.org/bureau.php
3    www.levif.be/info/actualite/belgique/eric-defoort-n-va-allez-y-sans-nous/article-1194993067249.htm
4    www.granderegion.net/fr/grande-region/index.html
5    www.euregio-aktuell.eu/archives/11238-DG-Grosses-Verdienstkreuz-der-Bundesrepublik-Deutschland-fuer-Lambertz.html

Qui sont les partisans de l’écologie profonde

«Avec le temps, savez-vous en effet ce dont je suis le plus fier? Les séminaires que j’ai dirigés, tous ces jeunes gens qui pendant des années sont venus de loin pour travailler avec moi et écouter ce que j’avais à leur dire. […]
Quand avez-vous commencé ces séminaires?
Au moment où j’ai quitté l’université de Vienne, en 59.
Vous l’avez quitté… de votre plein gré?
Oui et non. C’était un milieu étouffant. Il faut se souvenir que l’Autriche a été occupée jusqu’au milieu des années cinquante par les armées alliées. L’université était sous surveillance étroite. Il y avait beaucoup de sujets que l’on ne pouvait pas aborder. Moi, je voulais parler de la nature. Et la nature, pour ces gens-là, c’était un thème nazi. On me jetait sans cesse à la figure le Tier­schutzgesetz de Hitler.…
Vous étiez plutôt un homme de gauche, pourtant?
Et cela n’a pas arrangé les choses parce que d’autres m’ont au contraire soupçonné de sympathie pour les communistes.… Non, je vous dis, il vaut mieux ne plus parler de cette époque. Pour un esprit libre, c’était l’enfer. […]
Finalement, je me suis dit: ne gardons que ceux qui savent écouter. Et j’ai ouvert un séminaire ici même.
Dans cette maison?
Non, dans la précédente. Elle était plus près de Salzbourg et un peu plus vaste. Il y avait une grande pièce qui servait aux banquets de chasse. C’est là que nous tenions nos réunions.»

Extrait de: Jean-Christophe Rufin, Le parfum d’Adam, p. 456 sq.