Premières écoles à apprentissage autorégulé en Suisse alémanique – un signal d’alarme!Les critiques du Plan d’études 21 se confirmentpar Marianne Wüthrich, docteur en droit et enseignanteDans la commune de Niederhasli (canton de Zurich), 150 parents, grands-parents, enseignants de cours particuliers et d’autres personnes intéressées se sont rassemblés le 7 novembre 2015 dans la cour d’école d’un collège pour protester contre le radicalisme de ce qu’on appelle «apprentissage autorégulé» («selbstorganisiertes Lernen», SOL) pratiqué depuis deux ans à l’école secondaire Seehalde. Sur les panneaux, on pouvait lire: «SOL = Seehalde sans enseignants» ou bien: «SOL = stress, impuissance, souffrance».1 Les parents exigent que leurs enfants soient à nouveau instruits par leurs enseignants. Une brève émission documentaire de la Télévision suisse SRF donne un aperçu de l’«enseignement» auquel nous, ou plutôt nos enfants, serons confrontés suite au Plan d’études 21 et à la formation correspondante des enseignants dans tous les cantons de la Suisse alémanique. Quiconque regarde ce film, comprend qu’il y a urgence: la formation des enseignants dans les hautes écoles pédagogiques (HEP) va aujourd’hui déjà dans cette direction, les manuels correspondant sont en élaboration. Nous devons stopper ce développement dangereux, aussi rapidement que possible. Impressions de l’«enseignement» par apprentissage autorégulé2Une grande salle de classe, dans laquelle se trouvent uniquement des places individuelles séparées par des parois; 2–3 tables avec plusieurs chaises sont dispersées dans la pièce, puis il y a des coins avec canapés. Les jeunes se trouvant dans la salle ont entre 13 et 16 ans, travaillent donc en groupe multiâges. Au cours des 6 minutes, temps de durée de l’émission, presque tous les élèves changent de place; certains s’occupent dans leur cabine avec leur tablette iPad, trois discutent assis à une table, un enseignant est assis à côté d’eux et étudie des documents, d’autres se tiennent sous la porte et parlent avec un enseignant, au fond de la salle huit ou neuf élèves se sont rassemblés, certains assis d’autres debout, quatre filles se sont regroupées dans un des coins canapés, l’une d’entre-elle manie un ordinateur portable, sans que les autres puissent voir l’écran. Il y a un va-et-vient constant dans la salle. La tablette, moyen d’apprentissage et de travail essentiel de chaque élève, est omniprésente. La matière d’apprentissage est numérique et peut être téléchargée par les adolescents. Personne ne semble être concentré sur son travail – une fille dans une cabine individuelle sur laquelle la caméra se dirige, laisse rapidement disparaître quelques feuilles sous la table. Personne ne sait de quoi les divers groupes parlent: explique-t-on un exercice de maths ou discute-t-on les résultats du dernier match de foot? Apparemment, il ne fait pas partie des tâches de l’enseignant de savoir ce que font ses élèves. Structure systématique – condition sine qua non de l’apprentissageLe manque de structure systématique de la matière a de graves conséquences. Même un étudiant d’université doit apprendre ses contenus à l’aide d’une structure logique – bien qu’on puisse attendre de lui qu’il trouve lui-même le soutien nécessaire. Mais à l’école obligatoire, la transmission structurée des matières par l’enseignant est inéluctable et doit être accompagné par un enseignement en classe. Celui qui n’a que le droit de poser des questions sans réellement comprendre la matière risque tôt ou tard d’abandonner tout apprentissage et prendra de gros retards au niveau de ses connaissances. Il ne s’agit pas là de savoir si une école est «moderne» ou pas. Il est évident qu’aujourd’hui les élèves en classes secondaires travaillent, là où cela fait sens, avec leurs ordinateurs. Mais ces phases doivent aussi être dirigées par l’enseignant et intégrées dans son enseignement. En naviguant ici et là, aucun savoir ne peut s’ancrer sans qu’il y ait déjà de bonnes bases. Supprimer les manuels scolaires et numériser l’ensemble des contenus aurait des conséquences néfastes. Le boom des cours de soutien – et que se passe-t-il avec ceux qui n’en ont pas?L’organisation privée offrant des cours particuliers contre rémunération dans la commune a vu doublé la demande depuis l’introduction de l’apprentissage autorégulé à l’école secondaire Seehalde. De nombreux élèves ont pris beaucoup de retard dans leur apprentissage. Souvent, les enseignants de ces cours particuliers doivent retravailler systématiquement les matières avec leurs élèves.3 Mais ce soutien n’est possible que pour les enfants de parents ayant les moyens financiers nécessaires. L’apprentissage autorégulé, un avantage pour la vie professionnelle? Que nenni!A l’école secondaire Seehalde, il n’y a pas d’emploi du temps, suite auquel on pourrait s’informer sur les matières enseignées: «Il n’y a pas de matière spécifique au programme ce matin», déclare la journaliste, «chaque élève travaille individuellement, comme il devra le faire plus tard dans sa profession. C’est l’idée de l’enseignement individualisé et de l’apprentissage autorégulé, selon le chef d’établissement.» [mise en valeur par Horizons et débats] L’image adéquate: un élève couché sur le canapé, jambes surélevées avec son iPad. Ce sera cela son activité professionnelle future? 1 Sources: SRF, Schweiz aktuell, 9/11/15; Zürcher Unterländer, «Eltern demonstrieren gegen selbstorganisiertes Lernen», 8/11/15 Ce qu‘un conseiller d‘Etat élu par le peuple pense du souverainChristoph Eymann, conseiller d’Etat de Bâle-Ville et président de la «Conférence des directeurs de l’instruction publique» (CDIP) a tenu dans un interview accordé au quotidien allemand «Die Zeit» des propos que chaque Suisse va retenir. M. Eymann a tout fait pour que le Plan d’études 21 soit introduit à Bâle-Ville déjà en été 2015, comme premier canton de toute la Suisse alémanique. Die Zeit: Il n’est donc pas nécessaire que les parents sachent de quoi ce plan d’études relève? Eymann: Ils ne sont pas le public-cible. C’est délicat de dire que cela ne regarde pas les parents. Die Zeit: Mais c’est ce que vous voulez dire? Eymann: Un peu. Comment un conseiller d’Etat élu par le peuple s’y prend pour contourner l’opposition des enseignantsDie Zeit: En vue de cet entretien, je me suis entretenu à Bâle avec plusieurs enseignants. Ils disent: nous n’avons pas même eu le temps d’organiser la résistance! Eymann: Nous les avons certainement un peu surmenés avec notre rythme. «Next practice» au lieu de «Best practice»: l’Institut SOL d’UlmLe bureau de communication conseillant la direction de l’établissement secondaire Seehalde de Niederhasli dans ses activités, est l’organisme allemand «SOL-Institut Ulm»6 prônant selon ses propres dires une «approche systémique-constructiviste de l’apprentissage»: «L’apprentissage est une ‹intrication des perspectives›, non pas la ‹transmission de savoir›»«A cause de l’autorégulation, on ne peut pas instruire les êtres humains. L’apprentissage se fait toujours par interaction et mène à l’intrication des perspectives. Par l’interaction, on développe un nouvel imaginaire commun.» En clair: cela revient à l’abolition fondamentale de tout enseignement ou encore pire: la transmission de l’expérience et des connaissances humaines d’une génération à l’autre – les fondements du développement humain – est éliminée d’un trait de plume. Selon l’idéologie constructiviste, l’enfant crée lui-même sa réalité, selon sa propre perspective. «Interaction» signifie une éventuelle communication avec un des enseignants présents, car la communication se limite à placer devant soi une plaquette sur laquelle est marqué «Nous avons une question.», «Nous désirons de l’aide.», «Tout est en ordre.», «Nous faisons la pause.» L’interaction, dans ce contexte, est celle qui a lieu entre l’enfant et son iPad. «Des phases d’apprentissage au lieu de matières scolaires»Une exigence principale de la plupart des initiatives populaires cantonales contre le Plan d’études 21 est le maintien des diverses matières distinctes avec ces objectifs annuels. Cela met le holà à la révolutionnarisation de l’école selon une idéologie systémique-constructiviste. |