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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°6, 15 fevrier 2010  >  Plainte contre Angela Merkel et Wolfgang Schäuble [Imprimer]

Plainte contre Angela Merkel et Wolfgang Schäuble

pour incitation à la violation de l’article 143 du Code pénal suisse: «soustraction de données»

par René Schneider, Münster, www.schneider-institute.de, plainte déposée le 4 février 2010

Ministère public de la Confédération
Taubenstr. 16
3003 Berne

P L A I N T E
c o n t r e
Mme la Chancelière fédérale Angela ­Merkel, née le 17 juillet 1954 à Hambourg,
A c c u s é e
Chancellerie fédérale, Willy-Brandt-Str. 1, 10557 Berlin, Allemagne
et
M. le Ministre fédéral des Finances ­Wolfgang Schäuble, né le 18 septembre 1942 à Fribourg-en-Brisgau,
A c c u s é
Ministère des Finances, Wilhelmstr. 97,
10117 Berlin, Allemagne
p o u r
suspicion de délits selon le droit suisse, en particulier pour incitation à la violation de l’article 143 du Code pénal: «soustraction de données».

Mesdames, Messieurs,
Par la présente, je dépose plainte contre Mme Angela Merkel et M. Wolfgang Schäuble pour suspicion de divers délits.
Je vous prie en outre de m’envoyer un accusé de réception et de m’indiquer la référence auprès du Ministère public de la présente plainte.

Faits

A)
Les accusés Merkel et Schäuble sont ­membres du gouvernement allemand depuis 2005, l’accusée en tant que Chancelière et l’accusé en tant que Ministre de l’Intérieur de 2005 à 2009 (16e Bundestag) et de Ministre des Finances depuis 2009 (17e Bundestag).
Pendant la législature du 16e Bundestag, lorsque l’accusée Merkel était déjà Chancelière, se sont produites deux affaires – affaire Heinrich Kieber (Liechtenstein) et affaire Klaus Zumwinkel (Allemagne) – caracté­risées par le fait que le ministre des Finances de l’époque, M. Peer Steinbrück, ait acheté et utilisé officiellement des données volées par le criminel Heinrich Kieber en violation du droit de la Principauté du Liechtenstein.

Article 131a du Code pénal du Liechtenstein («vol de données»)

Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait des données électroniques, est passible d’une peine priva­tive de liberté de 3 ans au maximum ou d’une peine pécuniaire de 360 jours-amendes au maximum. Les deux peines peuvent être infligées simultanément.

Le versement de la somme, qui s’élevait approximativement à 5 millions d’euros, a constitué un signal contraire à l’esprit d’un Etat de droit. Autrement dit, en versant une somme si incroyablement élevée pour acquérir ces données et en permettant aux autorités et aux tribunaux de les utiliser, on a délibérément encouragé les imitateurs, comme cela vient d’être le cas en Suisse.

B)
On sait, d’après des informations des médias accessibles à tous, qu’une personne, dont on ne connaît pas encore le nom, a, en janvier 2010, proposé au gouvernement allemand de lui vendre des données qu’elle avait achetées à un certain N.N. qui lui-même se les étaient procurées en violation du droit pénal suisse.

Article 143: Soustraction de données

En effet, l’article 143 du Code pénal suisse intitulé «soustraction de données» dispose que:

1. Celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait, pour lui-même ou pour un tiers, des données enregistrées ou transmises électroniquement ou selon un mode similaire, qui ne lui étaient pas destinées et qui étaient spécialement protégées contre tout accès indu de sa part, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
2. La soustraction de données commise au préjudice des proches ou des familiers ne sera poursuivie que sur plainte.
Les accusés se sont exprimés à ce sujet dans les médias. Voici quelques citations:

«SPIEGEL ONLINE» du 1er février 2010, 14h27

Merkel défend l’achat du CD de données sur les fraudeurs du fisc

La Chancelière a pris une décision: l’Etat doit tout faire pour obtenir le CD contenant la copie de données illégales sur des fraudeurs allemands du fisc. Le gouvernement envisage maintenant d’acheter le CD. La Suisse refuse toute assistance administrative.

Berlin – La Chancelière Angela Merkel (CDU) s’est prononcée clairement en faveur de l’achat du CD contenant des données sur des fraudeurs du fisc présumés. Etant donné le but de l’opération, nous devrions prendre possession de ces données si elles sont pertinentes, a déclaré ­Merkel. Il faut tout tenter pour obtenir les données concernant d’éventuels fraudeurs allemands du fisc. Toute personne raisonnable sait que la fraude fiscale doit être pour­suivie. Toutefois, nous devons mener des entretiens à ce sujet.

Source: www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,675251,00.html

«SPIEGEL ONLINE» du 2 février 2010, 14h20

Schäuble annonce l’achat du CD sur les fraudeurs du fisc

Le ministre des Finances Wolfgang ­Schäuble a annoncé l’achat du CD explosif sur les fraudeurs du fisc: «En principe, la décision est prise. Etant donné la procédure adoptée lors de l’affaire du Liechtenstein, on ne pouvait pas prendre une autre décision à propos des données suisses», a déclaré le ministre.
Berlin – Le gouvernement va acheter le CD contenant des données sur des fraudeurs allemands du fisc. Le ministre des Finances Wolfgang Schäuble (CDU) a déclaré à l’Augsburger Allgemeine: «En principe, la décision est prise». Il a confirmé le point de vue exprimé la veille: «Juridiquement, cette affaire est semblable à celle des comptes de fondations du Liechtenstein il y a deux ans. «Par conséquent, nous ne pouvions pas prendre une autre décision.»

Source: www.spiegel.de/politik/deutsch­land/0,1518,675498,00.html

Situation juridique

A)
Du moins sur le papier, la République fédé­rale d’Allemagne est constitutionnellement un Etat de droit. L’article 20 de la Loi fondamentale stipule ce qui suit:
Article 20 [Fondements de l’ordre éta­tique, droit de résistance]

(1) La République fédérale d’Allemagne est un Etat fédéral démocratique et social.
(2) Tout pouvoir d’Etat émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations et par des organes spéciaux investis des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.
(3) Le pouvoir législatif est lié par l’ordre constitutionnel, les pouvoirs exécutif et judiciaire sont liés par la loi et le droit.
(4) Tous les Allemands ont le droit de ré­sister à quiconque entreprendrait de renverser cet ordre, s’il n’y a pas d’autre remède possible.

Selon ce principe d’Etat de droit (et de garantie d’Etat de droit) l’Etat, lorsqu’il agit au travers de ses organes et de leurs fonctionnaires, doit, dans chaque cas particulier, fonder son action sur une base légale.
Il ne fait aucun doute qu’une telle base légale n’existe pas pour l’achat des données dont il est question ici (Kieber/Liechtenstein et NN/Suisse).
B)
C’est pourquoi les accusés Merkel et ­Schäuble agissent de manière anticonstitutionnelle selon le droit constitutionnel allemand et, selon le droit étranger (Liechten­stein et Suisse), de manière manifestement «criminelle».
A cela s’ajoutent d’éventuelles violations du droit international qui pourraient entraîner des demandes de dommages-intérêts de la part du Liechtenstein et de la Suisse. En 2008, j’ai déjà rédigé un rapport d’expertise juridique après l’«affaire Kieber et Zumwinkel». Mais en cette matière, c’est la Cour internationale de Justice des Nations Unies (La Haye) qui est compétente, si bien que je n’aborderai pas ici les aspects relevant du droit international.
Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de mes sentiments respectueux.

René Schneider, Münster

(Traduction Horizons et débats)