HarmoS et le Plan d’études 21: Pas avec nos enfants!Plusieurs initiatives populaires sont lancées dans différents cantonspar Marianne WüthrichPartout dans les cantons suisse alémaniques, des parents, des enseignants et d’autres citoyens luttent en commun contre le Plan d’études 21 (Lehrplan 21). Un groupe de parents a rédigé une lettre aux parents très informative dans laquelle ils prennent position contre le Plan d’études 21 qui se moque de tout modèle d’éducation et revendiquent à la place une bonne formation scolaire pour leurs enfants. (www.elternfuereinegutevolksschule.ch/) Les cantons ayant adhéré au concordat HarmoS, devraient mettre le Plan d’études 21 en pratique. C’est ce qu’affirmait la CDIP encore récemment avec persévérance. Maintenant que les citoyens prennent de plus en plus l’affaire en mains, les directeurs cantonaux de l’instruction publique voient fondre leur espérance. Ils ressortent à reculons et expliquent le contraire – pour sauver HarmoS ou le Plan d’études 21 ou les deux à la fois? Les cantons ne sont pas obligés d’introduire le Plan d’études 21 – La CDIP s’empêtre dans des contradictionsD’un coup, le secrétaire général de la CDIP, Hans Ambühl déclare dans la presse quotidienne: «Le concordat ne prévoit pas de programmes scolaires pour les régions linguistiques mais une harmonisation des plans d’études au sein de la région. Chaque canton de la Suisse alémanique reste libre dans l’application du Plan d’études 21.» («Neue Zürcher Zeitung» du 22/10/14) Le directeur de l’instruction publique de Saint-Gall, Stefan Kölliker commence à prendre la fuite en avant face aux deux initiatives populaires. Il répond de manière surprenante à une journaliste lui demandant s’il introduirait le Plan d’études 21 même si l’initiative pour la sortie d’HarmoS dans le canton de Saint-Gall aboutissait: «Oui, premièrement parce qu’il n’y a pas de rapport entre HarmoS et le Plan d’études 21. […]» (St. Galler Tagblatt online du 25/10/14) L’approbation de HarmoS s’est faite à l’aide d’allégations mensongèresDans les cantons, dont la population a approuvé il y a quelques années le concordat HarmoS, cela s’est déroulé avant tout en raison de la fausse promesse, qu’il soit plus facile pour les enfants d’une famille qui déménage dans un autre canton, de s’y retrouver dans la matière. Avant les votations, les gouvernements cantonaux affirmaient en outre qu’avec HarmoS, on n’harmoniserait que quelques valeurs de référence fixées dans l’article 62 al. 4 de la Constitution fédérale. Ceci est écrit dans la brochure explicative du Conseil d’Etat du canton de Zurich à propos de la votation du 30 novembre 2008: «L’harmonisation dans les domaines de l’âge d’entrée à l’école, de la scolarité obligatoire, de la durée et des objectifs principaux des niveaux d’enseignement se trouve au centre du concordat HarmoS. Les nouvelles dispositions constitutionnelles sur l’éducation, approuvées par le peuple et les cantons le 21 mai 2006, engagent les cantons à faire ce pas. La loi sur l’école obligatoire de Zurich du 7 février 2005 correspond aux directives du concordat dans tous les points. La seule modification de la loi qui sera nécessaire dans le canton de Zurich avec l’adhésion au concordat HarmoS est l’avancement de l’âge d’entrée à l’école de trois mois.» (Brochure d’explications, p. 10) Parenthèse en matière d’instruction civiqueQuant à la position du peuple souverain dans la démocratie directe: Dans la démocratie directe suisse, le souverain occupe toujours le niveau suprême de l’hiérarchie, également dans les cantons – ceci comme rappel, au cas où un exécutif cantonal l’aurait oublié. Les «objectifs essentiels des niveaux d’enseignement»: à propos de l’interprétation de l’article 62 al. 4 de la Constitution fédérale6Selon l’un des directeurs cantonaux de l’instruction publique à la presse quotidienne, les prises de position critiques à propos du Plan d’études 21 seraient en partie «abstruses» et l’orientation sur les compétences serait «diabolisée». Avec de telles affirmations, il montre que lui-même n’en sait pas grand’chose – par contre il dispose d’une des «compétences» qui figure dans le Plan d’études 21, c’est-à-dire la compétence de «savoir s’exprimer» sans connaissances approfondies du sujet. 1 Accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire (concordat HarmoS) du 14/6/2007, en vigueur depuis le 1/8/09 Nouvelle version du «Plan d’études 21» – aucun véritable changementLe 7 novembre, la CDIP des cantons suisses alémaniques a présenté au public une version «dégraissée» du Plan d’études 21. Celui-ci comprend maintenant un peu moins de pages et de «compétences» mais sans changement de l’orientation fondamentale critiquée par les opposants. En réalité, on n’a rien fait d’autre que de «supprimer certains passages, éliminer des répétitions et regrouper des compétences […]». Dans le communiqué de presse, on peut lire avec étonnement que dans certains domaines on a abaissé les exigences mais «dans les domaines de l’allemand, des langues étrangères, des mathématiques et des sciences les exigences de base correspondent toujours au compétences fondamentales en vigueur dans toute la Suisse (standards nationaux de formation).» De quels «standards nationaux de formation» parle-t-on? Avons-nous raté quelque chose? En lisant – également la version abrégée du Plan d’études 21 –, on réalise que cela ne comprend pas le fait que les élèves doivent savoir lire, écrire et calculer après neuf ans d’école. Mathias Binswanger: «Apprendre n’est pas toujours amusant et parfois, cela peut être dur»mw. Nous donnons ici la parole à un spécialiste de l’éducation qui – comme de nombreuses autres voix importantes – n’a pas été consulté par la CDIP: «L’acquisition de compétences n’est-elle pas plus importante que le rabâchage de faits et de dates? Binswanger: Personne n’exige qu’il faille simplement rabâcher les connaissances à l’école. Mais sans connaissances de base, un élève ne peut être ni compétent ni capable de discernement. Il est utile que les élèves connaissent les tables de multiplications, il est utile qu’ils sachent quand ont eu lieu les Première et Seconde Guerres mondiales. Si l’on veut pouvoir communiquer dans une langue étrangère, on doit connaître du vocabulaire. On ne peut pas constamment chercher la traduction des mots sur son iPhone. Apprendre n’est pas toujours amusant et parfois, cela peut être dur. On doit parfois acquérir des connaissances qui, dans un premier temps, ne vous intéressent pas. Il ne suffit pas de posséder la compétence de rechercher des faits sur Google. Le développement du Plan d’études 21 a coûté plusieurs millions. Faut-il stopper tout le projet? Binswanger: Il ne suffit certainement pas de réduire le programme de 20%, comme le prévoit la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique [CDIP] suite aux critiques émises lors de la consultation. Un plan d’études ne doit pas être une œuvre monumentale décrivant des recettes détaillées pour l’enseignement comme dans un livre de cuisine. Un plan d’études doit être réduit et contenir un certains nombre de principes formulés de manière précise. Pour son élaboration, on a manqué l’occasion d’intégrer largement les enseignants. La grande majorité n’avait aucune idée de ce qui se tramait à huis clos. Moi j’abandonnerais ce projet. Cela n’a pas de sens de mettre en vigueur quelque chose de mal ficelé uniquement parce que beaucoup d’argent y a déjà été investi.» Source: «Die Lehrer fühlen sich als Deppen» Konrad Paul Liessmann: Du point de vue historique, l’idée des compétences n’a pas ses racines dans la pédagogie ou la théorie de l’éducation mais dans l’économieL’éducation face à …«Cependant, même si cela peut blesser les spécialistes de l’éducation au plus profond de leur âme, le sens de l’école moderne – outre les obligations économiques qui furent à l’origine des programmes d’alphabétisation – était et est toujours de regrouper, systématiser et transmettre les connaissances et les résultats les plus importants de l’aspiration de l’homme au savoir des derniers millénaires pour créer les bases sur lesquelles la créativité et l’originalité, dont tout le monde raffole, peuvent s’épanouir. Le fait de vouloir offrir aux enfants beaucoup de temps pour qu’ils puissent redécouvrir la roue, sonne bien, mais en réalité, on leur vole leur temps de vie.» … l’orientation sur les compétences«Du point de vue historique, l’idée des compétences n’a pas de racines dans la pédagogie ou la théorie de l’éducation mais dans l’économie, c’est-à-dire dans la volonté de pouvoir mesurer, comparer et optimiser le rendement des personnes.» Source: Konrad Paul Liessmann, Geisterstunde. Die Praxis der Unbildung. Eine Streitschrift. Vienne 2014, p. 40 et p. 45s.; ISBN 978-3-552-05700-5. L’auteur est professeur à l’Institut de philosophie de l’Université de Vienne. |