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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°49/50, 29 décembre 2010  >  Conviction – La Croix-Rouge et la Suisse [Imprimer]

Conviction – La Croix-Rouge et la Suisse

Un cadeau fait au monde

par Philippe Bender, historien, collaborateur du Service de la communication de la CRS

La Suisse a vu naître la Croix-Rouge. Elle en tire un prestige certain sur le plan international. L’idéal d’Henry Dunant a marqué la politique étrangère du pays. Et à l’avenir?
En cette année du centenaire de la mort d’Henry Dunant (1828–1910), il est une question qui appelle réponse ou, du moins, suscite la réflexion.
Faut-il toujours célébrer, avec orgueil, les liens qui unissent la Suisse à la Croix-Rouge, depuis sa fondation, au milieu du XIXe siècle? Exalter le symbole des deux emblèmes, la croix rouge et la croix blanche, si puissant qu’il distinguerait notre nation parmi les nations du monde, en la désignant comme l’authentique expression de l’Humanitaire?
Déjà, en 1963, le conseiller fédéral Friedrich Traugott Wahlen avait déclaré avec fierté que «la Croix-Rouge était le plus beau cadeau que la Suisse ait fait à la communauté des peuples». Quelques années plus tard, son collègue Hans-Peter Tschudi avait renchéri: «S’il fallait justifier l’existence de notre petit Etat suisse, cette création (la Croix-Rouge) et sa gestion fidèle durant plus d’un siècle pour le bien de tous les habitants de la terre, seraient, à elles seules, une justification suffisante … Notre bannière nationale est depuis cent ans étroitement liée à l’idée de charité et de miséricorde …»
A l’inverse, un courant d’opinion, minoritaire, voudrait occulter ce mariage fécond. Sorte de ruse de l’Histoire, l’action humanitaire ne viserait qu’à soulager la misère et les souffrances au lieu de les éradiquer. Mais n’est-ce pas là nier la nécessité et l’utilité de l’aide apportée chaque jour dans le monde, du combat mené contre l’injustice?
Or, c’est un fait, la Croix-Rouge est née en Suisse. Elle y a pris racine et prospéré, notamment grâce à «l’Esprit de Genève» et à la politique de neutralité. Grâce aussi à un peuple suisse qui n’a jamais mesuré sa générosité dans les temps difficiles. Et quand les autorités, cédant à la Realpolitik, ne voulaient pas agir, il se trouva heureusement des hommes et des femmes, de grande valeur, pour incarner la Suisse humanitaire. La Seconde Guerre mondiale nous fournit d’admirables exemples de ces «Justes», qui placèrent, «s’il le faut au-dessus des lois de la Cité, les exigences de l’amour des hommes et de la vie», selon le mot du grand historien Jean-Claude Favez, professeur à l’Université de Genève.
Certes, le rappel des liens étroits entre la Suisse et la Croix-Rouge ne saurait être prétexte à cultiver un nationalisme humanitaire. Mieux, il doit enrichir le débat sur le rôle de notre pays, de sa diplomatie dans la construction de relations internationales fondées sur la liberté, l’égalité et la justice. Sur les devoirs qui nous incombent pour demeurer fidèles à l’idéal d’Henry Dunant, en promouvant la solidarité avec les plus vulnérables, en défendant l’intégrité de chaque personne, et pour œuvrer à la paix, au-delà du choc des civilisations et des intérêts.
En définitive, l’évocation de cette union soulève la question, centrale, de la place de notre pays dans le monde, de sa vocation: la Suisse, un Etat mineur en Europe, ou une nation qui tend à l’universel par son attachement à la Croix-Rouge et au droit humanitaire, ultime rempart de la dignité contre la barbarie?    •

Source: Magazine «Humanité» de la CRS, no 4/2010