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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°46/47, 7 decembre 2009  >  Le «Plan Loup» doit être révisé [Imprimer]

Le «Plan Loup» doit être révisé

Manifestation du 20 novembre 2009 sur la Place fédérale à Berne

thk. Pour une fois la place fédérale offrait une autre coulisse que d’habitude. La place était entièrement entre les mains des éleveurs de moutons et de chèvres et des amis de la garde des animaux de ferme. Le nombre de manifestants était considérable. La place fédérale était bien occupée et les organisateurs parlaient d’environ 800 participants. Mais ce n’étaient pas seulement des humains engagés qui ont peuplé la place. Des chèvres et des moutons avaient fait le voyage de la capitale fédérale et ont donné ainsi à bon nombre de citadins une impression insolite et tout à fait sympathique.
Ils sont tous venus suite à l’invitation de la Fédération suisse d’élevage ovin (FSEO) de la Fédération suisse d’élevage caprin (FSEC) et de l’Association de défense contre les grands prédateurs (ADGP). Sur différentes pancartes et banderoles les organisateurs ainsi que certains éleveurs et propriétaires d’animaux ont attiré l’attention sur la situation actuelle intenable et ont ainsi soutenu un changement de perspective en matière de la conservation des espèces. Toute la Suisse y était représentée: de l’extrémité des Grisons jusqu’en Romandie, du Tessin jusqu’au canton de Schaffhouse. Personne ne voulait se priver de cette rencontre et de la possibilité de manifester en commun pour une solution raisonnable. La solidarité ainsi que l’intérêt pour une politique raisonnable à propos des grands carnassiers sont vifs. Des éleveurs de moutons et de chèvres concernés ont même fait le voyage depuis l’Italie et la France limitrophes pour faire preuve de leur solidarité et certainement aussi pour montrer quelles sont les conséquences d’une «politique du loup» qui n’est pas orientée vers le bien commun. Les éleveurs et amis de la garde des animaux de ferme français et italiens souffrent de dommages massifs causés par les loups. Plusieurs personnes présentes ont exprimé leur espoir qu’avec cette manifestation et les interventions politiques «la raison se réinstallera au parlement», que les services fédéraux responsables reconnaîtront enfin l’échec du «Plan Loup» et le réviseront. Malgré la gravité du problème – sur de différentes images on pouvait voir quel champs de bataille atroce le loup laisse derrière lui dans un troupeau de moutons ou de chèvres – les manifestants se sont montrés optimistes et sont convaincus que ça bouge dans l’affaire des grands carnassiers.

Construire des ponts entre la population citadine et campagnarde

La manifestation a attiré beaucoup de passants qui ont écouté attentivement les différents  intervenants.
Le début a été fait par le président de la Fédération suisse d’élevage ovin, German Schmutz, co-organisateur des cette manifestation impressionnante. Dans son discours il a invité à un dialogue constructif avec les services fédéraux mais aussi avec la population. «Nous voulons construire des ponts entre les populations des villes et des campagnes», a-il souligné, «et empêcher ainsi que les grands carnassiers soient la raison d’une division de la population.» Ce n’est pas possible que la protection du loup domine la protection des animaux de la ferme. «Le concept actuel n’est pas équilibré, il protège de façon unilatérale et doit être révisé d’urgence.» German Schmutz exige «un avenir pour les animaux de la ferme» et remercie les conseillers nationaux et des Etats qui ont repris  dans différentes motions la requête des associations de la garde des animaux de la ferme.

La Suisse – trop peu d’espace vital pour le loup

Le conseiller national Roberto Schmidt ne mâche pas ses mots en constatant sans équivoque: «Le loup n’a rien à voir en Suisse!» L’espace alpin suisse est trop petit, trop exigu, trop peuplé et dans ces circonstances «un ensemble d’animaux de la ferme avec le loup n’est plus tolérable dans les conditions cadres actuelles». Il se montre solidaire avec les Valaisans dont les moutons ont été les premières victimes du loup «revenu en Suisse en 1995, ou même réintroduit».
Schmidt met en garde contre la formation de meutes. La population de loups est en constante augmentation, il n’a pas précisé si «c’est le fait d’immigrations ou bien même d’implantations». Le fait est que dans 11 cantons vivent déjà 15 loups, parmi eux des femelles qui se reproduiront les années à venir. Comme le président Schmutz a déjà souligné le conseiller national Roberto Schmidt répète le souhait d’une solution commune et sensée. D’après lui, la manifestation montre «que les éleveurs de moutons et de chèvres et les chasseurs sont prêts au dialogue avec la politique et les associations pour l’environnement». Leurs interventions au parlement ont montré comment s’attaquer à ce problème. Schmidt s’en est réjoui et a remercié le Conseil fédéral d’être entré en dialogue politique.
«Je remercie le Conseil fédéral d’avoir accepté ma motion et celle du conseiller national  Lustenberger en faveur d’une régulation de la population de loups et d’être prêt à réviser l’ordonnance sur la chasse. Les cantons devraient à l’avenir pouvoir régler eux-mêmes la population des loups lors de dommages des animaux de compagnie et de la ferme, mais aussi lors de dommages dans le gibier, […] plus vite, de manière moins compliquée et sans passer par des tests génétiques d’échantillons de selles et d’analyses au laboratoire qui coûtent cher. Avec des tirs isolés nous ne maîtrisons plus le problème du loup.»
Le conseiller national Schmidt ne laisse aucun doute qu’il n’accepte pas de laisser tuer d’abord 50 bêtes par le loup avant qu’on puisse entreprendre quelque chose contre un seul loup.
Parfois, les animaux restent avec de grandes douleurs pendant des journées entières quelque part dans la brousse jusqu’à ce qu’ils meurent. Pendant ce temps le loup retourne plusieurs fois vers sa victime et la dévore au fur et à mesure sans la tuer.
Le conseiller national Schmidt et ses collègues voient un grand danger dans le fait que sans changement de ce concept, l’élevage de moutons et de chèvres sera abandonné tôt ou tard et qu’ainsi les Alpes comme espace vital important ne seraient plus cultivées, ce qui causerait des dommages irréversibles pour l’environnement. Pour lui il n’y a qu’une solution: «Nous devons nous battre pour que la protection du loup soit diminuée ou bien tout à fait abandonnée.»
C’est pourquoi il exige la suppression du statut de protection du loup et la démission de la Convention de Berne». Il regrette le manque de courage du Conseil fédéral qui n’a pas oser faire ce pas jusqu’à présent.

Démissionner de la Convention de Berne

Le conseiller national Oskar Freysinger a d’abord critiqué la nouvelle loi fédérale sur la protection des animaux qui, d’après lui et de manière complètement exagérée, s’engage pour le soi-disant bien-être du poisson d’or et du hamster. Mais 30 moutons égorgés qui crèvent ignominieusement quelque part, alors là ce ne serait plus un problème? Ce qui compterait c’est que le loup s’en tire bien ? Freysinger lui-même, avec 81 collègues du Conseil national, a exigé la démission de la Convention de Berne qui fait que la Suisse a les mains liées et empêche que le pays puisse décider souverainement comment gérer ses montagnes et comment agir en ce qui concerne le loup. Pendant que d’autres pays ont fait une réserve en ce qui concerne les grands carnassiers, L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) de Moritz Leuenberger a intégralement accepté cette convention.
Le conseiller national Freysinger a souligné que la Suisse était un Etat de paysans et disposait pour cette raison de la démocratie directe. La Suisse n’est pas un Etat de l’aristocratie, comme les pays tout autour l’ont été. La Suisse ne l’a jamais vécu, mais tout est parti de trois paysans qui ont pris leur destin en main. «Nous aussi, nous ne voulons pas nous laisser dicter de l’extérieur ce que nous avons à faire dans nos montagnes.» Nos ancêtres déjà ont cultivé le pays de manière écologique «comme aucun écologiste ne pourrait faire mieux» et maintenant on veut «endommager et affaiblir cela». Freysinger a encore souligné l’importance de la société paysanne suisse qui a créé un Etat pour lequel il vaut la peine de lutter.  

L’implantation du loup, un produit de la société d’abondance

Comme troisième conseiller national c’est Erich von Siebenthal qui a pris la parole. En tant que paysan il peut dire de sa propre expérience ce que signifie la souffrance d’un animal. Pour lui il est absolument incompréhensible que des politiciens au Palais fédéral ne veuillent pas le comprendre. Ses homologues au Palais fédéral ne savent pas répondre à la question: Qu’est-ce que un loup a à chercher en Suisse, un pays si peuplé, et quel en serait l’avantage? Et malgré tout, rien n’est entrepris contre le fait qu’il y ait de plus en plus de grands carnassiers dans notre pays, ce qui est «une honte» pour notre démocratie. «C’est inacceptable». Selon lui tout investissement pour la réimplantation du loup est un «produit de la société d’abondance». Il trouve que c’est d’autant plus important que tant de gens se soient réunis à Berne et manifestent leur volonté. Il espère que cela aura des répercussions sur ses homologues au Conseil national.

Résoudre de manière appropriée le problème du loup en Suisse

Vers la fin de la manifestation, c’est le président de l’Association de défense contre les grands prédateurs, Doro Vanza, du Tessin qui a pris la parole. Il a estimé la manifestation comme pas décisif afin de rendre attentif au problème du loup. Il a également souligné que la démission de la Convention de Berne était nécessaire pour que la Suisse puisse résoudre librement et indépendamment, et d’une manière digne du pays, la problématique du loup. Le Tessin en est aussi concerné et il est grand temps que la politique change de cap. Il a rendu hommage à Jürgen Rohmeder du Valais, le secrétaire de l’Association de défense contre les grands prédateurs, pour son engagement qui a rendu possible cette manifestation.

Pas un denier des contribuables en faveur d’une protection insuffisante des troupeaux

Le dernier orateur était le membre du comité de la Fédération suisse d’élevage caprin (FSEC), Toni Arnold du canton d’Uri. Il a fait remarqué qu’une grande somme d’argent des contribuables était dépensée pour la protection des troupeaux et cela notamment pour des mesures douteuses qui ne peuvent être réalisées qu’insuffisamment et qui ne représentent pas de protection efficace pour les moutons et les chèvres. Cette année, les loups ont dévoré plus de 200 bêtes, et il faut encore prendre en considération un grand nombre de victimes cachées, car on n’a pas pu examiner toutes les bêtes mortes. Le nombre de bêtes qui se tuent dans leur fuite ou qui ne sont pas retrouvées n’est pas pris en compte. C’est épouvantable de regarder les bêtes agonisantes et Toni Arnold demande haut et fort: «Mais où donc se cache Kessler [un des plus militants défenseurs des animaux en Suisse, ndlr.] avec ses belles photos?»
De plus il s’est montré soucieux que le «Plan Loup» actuel puisse provoquer des actions illégales, ce qu’il ne voudrait en aucun cas. Il faut changer quelque chose au «Plan Loup», il n’est pas question d’autre chose.

Chercher des solutions au-delà de toute idéologie

Après cette manifestation il était clair pour tout le monde qu’on avait discuté et argumenté librement au-delà de toute idéologie et d’agenda politique. Il est d’autant plus clair que le «Plan Loup» doit trouver une nouvelle base où il ne s’agit plus de peser les avantages et les désavantages comme le département Leuenberger l’avait pratiqué pendant longtemps tout en rejetant chaque argument raisonnable. Mais malgré toute idéologie il semble que quelque chose se soit mis à bouger, et cela en premier lieu grâce aux activités des fédérations d’éleveurs. L’office fédéral de l’environnement (OFEV) a signalé d’être prêt à la discussion et le Conseil fédéral veut rétrograder le loup sévèrement protégé au stade d’«animal protégé». Simplement, avec ça, la régulation de la population des loups pourrait être plus simple et empêcher que la région des Alpes comme espace vital ne devienne inhabitable, ce qui perdrait une bonne partie des traditions suisses. Mais il faut continuer de débattre de cette question. Cela semble être l’opinion des propriétaires et des éleveurs d’animaux de la ferme. Ils invitent au dialogue tout en trouvant du soutien au sein du parlement. Les associations de la protection de la nature et le WWF se sont montrés peu coopératifs. Juste avant la manifestation à Berne d’après German Schmutz, les défenseurs des animaux auraient essayé de faire circuler de faux chiffres sur des animaux ayant péri par des forces naturelles (coup de foudre, chute de pierres etc.) pour relativiser et minimiser le nombre des victimes dévorées par le loup. C’est bien sûr inadmissible. Chaque animal qui meurt est une perte – et cela non seulement du point de vue financier – et si l’on peut l’empêcher, il faut le faire. German Schmutz a confirmé que 2000 à 4000 moutons périssaient chaque année par les forces naturelles. Mais si la population des loups se développe en Suisse comme en France et en Allemagne, il y aura bientôt encore bien plus de victimes.
German Schmutz a de graves craintes que les éleveurs de moutons et de chèvres abandonnent leur profession avec le temps ce qui aurait non seulement de graves conséquences pour la protection du paysage et conséquemment pour le tourisme, mais serait aussi du point de vue social une catastrophe. «Pour beaucoup de personnes, le rapport avec les bêtes représente une satisfaction dans leur travail et pour les éleveurs une compensation dans leur quotidien professionnel et si cela n’est plus possible, on peut se demander ce que ces gens feront à la place.» Pour lui l’importance de la garde et de l’élevage des bêtes dépasse de loin la question matérielle. Pour cette raison, les indemnisations fédérales ne pourront jamais combler la perte. Et justement en nos temps de crise économique, de telles occupations ont une toute nouvelle importance particulière.
La manifestation du 20 novembre sur la place fédérale a encore montré autre chose, à savoir l’importance du dialogue sur pied d’égalité parmi les gens et le fait que cela conduira à des solutions constructives et sensées dans une démocratie qui fonctionne bien, comme c’est le cas en Suisse. La démocratie directe, qui relie les gens entre eux, donne aux citoyens la possibilité de contribuer de manière active à la solution de questions concrètes. La manifestation s’est avérée une contribution importante.     •

«Personne ne peut être contre qu’un grand carnassier chasse un gibier pour apaiser sa faim comme le fait le lynx. Cependant, le loup ne chasse pas pour apaiser sa faim, mais pour tuer. Des douzaines d’animaux sont égorgés et agonisent atrocement – et il n’en dévore que très peu. Il est tellement occupé à tuer qu’il en oublie de manger! Je souhaiterais que les parlementaires et les défenseurs des animaux regardent une fois l’image de ces animaux déchiquetés, et pas seulement l’image du loup vaillant qui dans le clair de lune regarde dans nos vallées.»

Roberto Schmidt, 20/11/09

Meutes de loups en France

thk. Des bergers venus de France ont raconté que par exemple dans le district du Périmont dans le sud de la France, la population avait augmenté à plus de 150 loups et que trois grandes meutes s’étaient formées. Tout en protégeant les troupeaux, on n’a plus aucune chance d’empêcher les loups d’égorger les moutons. En partie, les gens concernés – et ce ne sont pas seulement les éleveurs – se défendent par leurs propres moyens contre ces menaces et s’exposent ainsi à des poursuites pénales.

Les éleveurs de moutons et de chèvres
exigent de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV):
•    la diminution ou la suppression de la protection du loup.
•    la baisse du nombre fixé de bêtes égorgées comme condition pour abattre le loup.
•    l’indemnisation de toutes les pertes financières et des coûts indirects causés par la présence de loups.
•    Le choix d’influencer les prises de décision et de participer à la définition des mesures de protection tolérables.
•    d’être représentés dans les commissions importantes.
•    que les intérêts de l’agriculture et de l’élevage de moutons et de chèvres en particulier soient pris en considération dans l’élaboration de la politique du loup en Suisse

Fédération suisse d’élevage ovin (FSEO)

Fédération suisse d’élevage caprin (FSEC)

Association de défense contre les grands prédateurs (ADGP)