Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°15, 18 avril 2011  >  La protection de la sphère privée – un bien précieux dans un Etat libéral [Imprimer]

La protection de la sphère privée – un bien précieux dans un Etat libéral

Hanspeter Thür, préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, un entretien avec Susanne Brunner, dans l’émission «Tagesgespräch», Schweizer Radio DRS

ev. Dans un arrêt exemplaire du 30 mars 2011, le Tribunal administratif fédéral (TAF) a donné raison sur tous les points essentiels au préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, Hanspeter Thür, qui avait porté plainte contre le service «Street View» de l’entreprise Etats-unienne Google Inc. Le service «Street View», en ligne depuis 2009, enfreint la sphère privée des gens et par conséquent aussi la législation suisse. Selon l’arrêt du TAF, Google doit «veiller à ce que les visages et les plaques de contrôle soient rendus méconnaissables avant la publication des images sur Internet.» Lorsque des gens sont montrés dans un entourage sensible, ce qui inclut l’espace public – hôpitaux, prisons ou centres d’accueil pour femmes battues, etc. – l’anonymat doit par ailleurs être garanti par «la suppression d’autres caractéristiques personnelles, comme la couleur de la peau, l’habillement, les moyens auxiliaires utilisés par des personnes handicapées, etc.» De même des domaines privés, d’habitude inaccessibles aux regards des passants ne doivent pas être montrés. Le traitement de données, effectué dans le contexte de «Street View» «porte en effet atteinte aux principes fondamentaux de la Loi fédérale sur la protection des données (LPD) régissant le traitement des données et ne se laisse pas justifier par un intérêt prépondérant privé ou public.»
C’est un des principes d’une société libre et démocratique que l’être humain – dans le sens du droit à l’autodétermination en matière d’information – puisse décider lui-même où et quand quelles informations sur sa personne peuvent être publiées.
C’est un arrêt qu’on ne peut que saluer car il renforce les droits de la personnalité et avec cela aussi les droits de l’homme. Il ne permet pas que de grands systèmes économiques et de politique d’hégémonie portent atteinte à la personnalité.

Susanne Brunner, Radio DRS: Hanspeter Thür, vous avez porté plainte contre une multinationale d’environ 25 000 employés et vous avez gagné, qu’est-ce que vous ressentez?

Hanspeter Thür: Oui, un grand soulagement, de prime abord. Cet épisode a représenté un grand défi intellectuel et il fallait avoir des nerfs solides.

Des nerfs solides, pourquoi?

Vous venez vous-même de dire qu’il s’agit d’une multinationale. On sent tout de suite qu’on a à faire avec un groupe mondial et qu’il ne s’agit pas simplement d’aller au corps à corps avec monsieur tout le monde, mais qu’il y a quelque chose de plus là derrière.

Comment est-ce que cela se ressent?

Vous pouvez imaginer la campagne média­tique que cette entreprise met en place, tout le pouvoir des relations publiques dont elle dispose. D’une certaine manière il y a eu aussi une pression publique. Il y a différents points de vue: Les uns trouvent ça bien, les autres pas tellement. Donc une certaine pression s’est établie. J’étais persuadé que nous allions soumettre une question de principe au tribunal, laquelle méritait d’être éclairée. Il s’agit de droits de la personnalité fondamentaux. A l’époque de l’Internet, il est particulièrement important de réviser ces glissières de sécurité et de les redéfinir.

Vous vous êtes donc rendu compte, Hanspeter Thür, que Google, comme entreprise américaine est bien expérimentée en ce qui concerne les plaintes? C’est ce que disent au moins beaucoup d’autres qui ont affaire à des entreprises américaines, je pense ­également au domaine politique, par exemple aux capitaux fugitifs dans le cadre de l’Holocauste …

Oui, bien sûr on sent bien que Google considère cette confrontation en Suisse comme un projet pilote. De ce point de vue tout s’est concentré sur notre pays. Cependant il faut savoir que Google a aussi de gros problèmes avec des procès dans d’autres pays. La Federal Trade Commission, l’autorité de contrôle en Amérique, a récemment stigmatisé une violation claire de la protection des données de la part de Google et elle l’a même obligée à se faire contrôler chaque année durant 20 ans par une instance indépendante sur sa conformité en matière de protection des ­données. Cela montre déjà que ce modèle commercial en discussion essaie par principe de sonder toutes les possibilités existantes tout en frôlant les limites – et probablement parfois au-delà des limites de la légalité.

L’arrêt a été publié hier après-midi et dans la soirée. Quelles sont les réactions que vous avez reçues?

Beaucoup de réactions positives. Mais bien sûr aussi négatives. C’est clair, nous nous y attendions, on ne peut pas plaire à tout le monde. Je crois que mon devoir est de protéger ces droits constitutionnels – la protection de la sphère privée, un bien précieux dans un Etat libéral – et de protéger avant tout les gens qui réclament cette protection et qui veulent être protégés. Pour les autres qui s’en fichent ce n’est pas nécessaire, c’est clair.

Et ce sont ceux qui ont réagi négativement, qui ont trouvé que vous exagériez un peu … et qui ont dit que vous étiez à cheval sur les principes etc.

Naturellement, oui, c’est exact.

Est-ce qu’il y a eu des réactions de l’étranger? Je sais que ce procès a été observé attentivement par d’autres responsables de la protection des données à l’étranger.

Nous avons déjà eu différentes réactions de France et d’Allemagne. Hier et aujourd’hui des réunions de préposés à la protection des données ont lieu à Bruxelles, il y aura certaine­ment beaucoup de discussions.

Vous avez porté plainte parce que ­«Google Street View», ce programme de Google, a, entre autre, filmé, c’est-à-dire photographié des personnes lorsqu’ils [les collaborateurs de Google] ont parcouru les rues pour prendre des prises de vue dans les rues. Là, on voyait aussi des visages et on les à mis sur Internet. On pouvait voir des plaques de contrôles bien lisibles, ça c’est l’autre chose. Après cet arrêt – susceptible de recours au Tribunal fédéral, mais supposons que cela soit maintenant définitif ou approuvé par le Tribunal fédéral – est-ce que c’est maintenant certain que, si par exemple mon visage était sur une des prises de vue de Google, il serait maintenant flouté ou rendu méconnaissable?

Lorsque l’arrêt sera exécutoire, si Google ne s’y oppose pas, alors c’est clair. C’est un verdict judiciaire qui doit être suivi. Si Google ne le faisait pas, ce serait une violation de ce verdict et cela aurait des conséquences.

Alors cela veut-il dire que je pourrais porter plainte si ce n’était pas le cas. Ou bien je pourrais vous appeler ou plutôt m’adresser à un tribunal?

Non, bien sûr, si Google dit qu’ils ne veulent pas s’y tenir, alors il y a plusieurs possibilités de procédure, jusqu’à des amendes qui peuvent être prononcées si l’on ne s’en tient pas à l’ordre d’un juge.

Le droit à sa propre image, c’est ce que le Tribunal administratif fédéral a confirmé. Qu’est-ce que cela veut dire concrètement?

Je vais le décrire dans ce contexte de façon un peu simplifiée: Avec ce verdict, chacun en laissant derrière lui la porte de sa maison et son appartement lorsqu’il va dans la rue, peut compter qu’il ne sera pas photographié, filmé et mis sur le réseau sans son consentement.

Cela veut dire que ma sphère privée ne s’arrête pas simplement devant la porte de ma maison.

C’est le point décisif que le tribunal a fixé: Même en faisant ses achats, en flânant, en étant assis quelque part dans un salon de thé, en faisant n’importe quoi, on a le droit de ­rester en privé. Il y a des domaines ou ce n’est pas autant possible, mais en principe le Tribunal administratif fédéral a dit clairement que dans l’espace public la protection de la sphère privée et nécessaire et légale.

Cependant, de nos jours on a l’impression que partout où l’on va, on se retrouve en quelque prise de vue, soit avec des caméras de surveillance ou – vous avez parlé des salons de thé, – je pense aussi à des domaines skiables, les gens sont assis sur la terrasse au soleil, il y a là une Live Webcam, je pourrais par exemple voir si un de mes employés est en train de bronzer au lieu de …. Ça existe presque partout, de nos jours. Pourquoi justement Google? Dans le fond on rencontre cela partout.

Oui, bien sûr. Mais là aussi, c’est tout à fait clair: Lorsque quelqu’un installe de telles Webcam et filme et photographie les gens, nous sommes intervenus à diverses reprises. Ce n’est pas autorisé. Si l’on installe une telle Webcam pour le contrôle d’une entrée, alors c’est autre chose, on a un but précis, mais si l’on observe l’espace de façon non spécifique et que l’on n’a pas d’autorisation, cela n’est pas légal. Et la même chose vaut bien sûr pour Google, lorsqu’ils parcourent les rues et filment les gens qui sont quelque part en route alors qu’ils n’ont pas donné leur accord pour ces prises de vue.

Et lors d’un match de football? Là, le public est également filmé, on y voit constamment les visages. Est-ce qu’on est prêt à accepter cela?

C’est un bon exemple. Chacun qui va regarder un match de foot et sait que ce match va être transmis, donc là la question de l’accord est claire. De l’autre côté on ne doit pas non plus tout tolérer lors d’un match de football. Il ne s’agit pas de montrer les spectateurs en détail, mais de montrer le match de football. Si maintenant une caméra vise systématiquement des gens et les choisis en particulier, par exemple pour la couleur de leur peau, ou pour une couleur de cheveux spéciale, cela ne serait pas acceptable non plus pour une caméra de la télévsion.

Cela veut donc dire si quelqu’un est montré sur une durée plus longue. Parfois ils piquent des fans habillés de façon spécialement colorée ou maquillés avec les couleurs de leur équipe sur le visage …

Oui, alors là le rédacteur qui permet la transmission de cette image doit se demander s’il y a un intérêt spécial à publier cette image. Et s’il peut répondre à cette question … Mais c’est lui qui porte alors la responsabilité. Eventuellement il se trompe et là il devrait s’attendre à une plainte. Mais l’exemple de Google montre justement qu’avec le traitement automatique du matériel d’images, cette évaluation, ce contrôle, cet examen du partage entre intérêt public et intérêt privé ne peut pas avoir lieu.

A quelques mètres d’ici se trouve la Place fédérale. Lorsque je m’y promène ou regarde les fontaines, même un journaliste n’a donc pas le droit de me photographier?

Un journal n’a pas non plus le droit de vous y photographier – simplement une prise de vue sans contexte. Mais lorsque par exemple un conseiller fédéral ou un politicien donne une interview sur la Place fédérale et qu’une caméra est en train de filmer, et que quelqu’un passe par hasard derrière cette personne interviewée, il faut a) supposer que cette personne voit la caméra et pourrait passer ailleurs si elle ne veut pas être photographiée. De l’autre côté on peut b) aussi dire: C’est tout à fait insignifiant ce qui se trouve en plus sur cette prise de vue, c’est la personne au premier plan qui est au centre de l’intérêt. Mais si par exemple cette personne trébuche et se trouve tout d’un coup en position gênante, dans ce cas-là le journaliste doit se dire: Cette image ne peut pas être transmise si la personne est reconnaissable.

Google, c’est un côté, les médias c’est l’autre, des match de football etc. Maintenant il y a aussi les sites Internet, les réseaux sociaux comme par exemple «Facebook». J’ai des échanges avec des amis ou avec des gens que je désigne comme amis, ce ne sont peut-être pas uniquement des gens que je connais. J’y charge d’autres photos, par exemple de ma grand-mère ou d’autres amis, cela je n’oserais pas le faire non plus sans l’avoir demandé.

Oui, c’est clair, vous avez tout à fait raison.

Mais cela se fait en masse.

C’est un grand problème. Là, la question qui se pose est, qui porte la responsabilité. Ce sont les utilisateurs qui y mettent ces images. Nous avons sur notre page d’accueil l’information tout à fait claire que, pour les ­images rendues publiques sur Facebook pour son propre compte, on doit avoir l’accord de la personne qui est sur les images. C’est une réglementation tout à fait claire. Certes, là où il n’y pas de plaignant, il n’y a pas de tribunal. Mais lorsque quelqu’un lors d’une fête de son entreprise, se voit par exemple tout d’un coup sur Facebook de façon non justifiée, sans avoir jamais donné son accord, cette personne pourrait porter plainte contre ce procédé. Dans ce cas-là on peut même se poser la question: Quelle est la responsabilité de Facebook elle-même si elle offre de telles possibilités? Mais c’est là un thème sensible qui exige d’autres examens, d’autres travaux de réflexion.

C’est donc une chose qui vous occupe en tant que préposé de la protection des données?

Naturellement, car il existe toujours des gens qui signalent les images posées dans le réseau sans l’accord de la personne visible. C’est un scandale. Il faut se rendre compte que de plus en plus de logiciels pour la reconnaissance de visages sont à disposition. C’est aujourd’hui techniquement déjà très avancé. Cela signifie alors qu’un tel logiciel peut sélectionner, dans une grande quantité d’images, celles qui sont identiques et les attribuer à une personne ­unique, et donc l’identifier. Cela veut dire: Si ces logiciels s’imposent largement sur le marché, on pourrait à l’avenir attribuer chaque image à une personne sur Internet.

Nous voilà revenus à Google. Google est en train de développer un logiciel pour télé­phones portables avec lequel je peux prendre une photo de quelqu’un, la faire chercher, afin qu’apparaisse sur mon mobile l’identité de cette personne. Si, lorsque – dans le meilleur des cas – je tombe amoureuse de quelqu’un dans la rue, et que je voudrais connaître l’identité de cette personne, alors je pourrais la faire rechercher de la sorte?

Vous avez parlé du logiciel que je viens de mentionner. Google dit bien sûr – car il s’agit d’un point sensible – «Nous ne l’amorcerons pas pour l’identification de personnes». Mais cela, quelqu’un d’autre peut le faire. Techniquement c’est possible. Si ce n’est pas Google, c’est quelqu’un d’autre qui le fera. Pour cette raison, je suis aussi sévère en exigeant que les images mises sur Internet n’y arrivent pas sans l’accord de la personne concernée.

Nous venons de parler presque un quart d’heure de cas possibles – nos images se ­trouvent à tant d’endroits, ce sont nos ­images. Il existe tant de possibilités d’utilisation. Ne doit-on pas aussi dire que de nos jours, il faut en quelque sorte accepter qu’il en soit ainsi?

C’est le fait du législateur, s’il veut changer les conditions-cadre juridiques et dit: Bon, tant pis, techniquement ça va dans cette direction, nous l’acceptons. Moi, en tant que préposé de la protection des données je suis obligé de demander l’application des lois existantes. Vu sous cet angle, ce n’est pas mon devoir d’affaiblir les conditions-cadre. Au contraire car je ne remplirais alors pas bien mes devoirs.

Pour en revenir à la plainte contre «Google Street View», ce ne sont pas en premier lieu les plaintes des gens que vous avez prises en considération, mais d’abord votre propre motivation parce que vous l’avez considéré comme votre devoir?

Non. Dans ce cas concret, nous avons eu beaucoup de plaintes. C’est pourquoi nous sommes devenus actifs. Nous ne gardons rien en réserve. Nous avons assez à faire. La motivation y est aussi, bien sûr. Dans ce sens, en esprit libéral, je suis persuadé que la protection de la sphère privée, ancrée dans la Constitution, représente un droit fondamental important des êtres humains, lequel est aussi un point central au plan du développement de la société humaine. Mais en même temps, c’est un ordre juridique que j’ai pris en compte. Dans ce cas-là, il ne s’agit pas en premier lieu de vivre ma motivation, mais de respecter l’ordre décrétée par la loi.

Votre propre motivation, joue-t-elle un rôle dans cette affaire? Je veux dire avez-vous été fiché à un moment donné, est-ce que vous connaissez cette situation?

Je ne crois pas que cela soit une motivation. La motivation c’est le devoir et c’est d’accomplir correctement ce devoir qui est exigé de moi par cette fonction. Fondamentalement, je me sens très à l’aise dans cette fonction et je la remplis aussi avec un grand enthousiasme et avec conviction.

Il y a eu des critiques en ce qui concerne ce verdict. Des critiques disant que vous aviez été trop actif. On a dit que c’était une cam­pagne de dénigrement contre ce groupe américain, que vous en avez fait une pure question de principe, qu’aujourd’hui tout cela avait changé et qu’il s’agissait d’une conception surannée de la protection des données. J’aimerais mettre l’accent sur un aspect particulier. Il y a des gens, des jeunes gens, qui manifestement ne comprennent pas, qui n’ont pas cette conception de la protection des données. Dans «20 minutes online» il y a eu une lettre de lecteur: «Je ne comprends pas». Quelqu’un écrit: «Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qu’il y a à protéger? Je veux dire, je comprends de quoi il s’agit, mais il me semble que c’est comme si l’on voulait m’interdire de voir, de regarder…Non, cette comparaison n’est pas fausse. Je suis assis dans le tram et passe à travers la ville de Zurich, je suis assis un peu plus haut, comme la caméra de Street-View. Je vois des gens dans la rue, sortant de leur maison, des voitures, des jardins, etc. – et tout cela sans censure. Qu’est-ce qui est différent là de Street-View? Rien! Que veut-il donc protéger, Monsieur Thür?» Ce sont de telles réactions que vous avez reçues?

Oui, on en arrive à l’extrême. Il n’est pas interdit de voir, mais c’est l’enregistrement de ce qu’on a vu qui est réglé sans être interdit. On formule certaines conditions-cadre disant que l’image d’une personne photographiée sans son accord ne peut être diffusée sans fondement et sans justification. C’est cela, notre situation juridique. Si ce jeune homme ne veut pas le comprendre, cela devrait être dispensé dans l’enseignement scolaire.

Donc une campagne de sensibilisation – par exemple le préposé de la protection des données qui viendrait à l’école.

Cela, nous le faisons aussi, et je trouve qu’il est très important de commencer par l’école. Nous avons déjà développé une campagne pour sensibiliser au problème de la personnalité. Nous pensons que c’est important avant tout pour beaucoup de jeunes gens, qui grandissent maintenant avec la technique, d’avoir rapidement l’information dont ils ont besoin. Et là, tout le monde est interpellé: Les ­écoles, les parents et chacun d’entre nous. Il ne faudra pas que plus tard quelqu’un se plaigne de retrouver son image d’un événement peu avantageux sur Internet. Et qu’il nous appelle après: «Mais, est-ce que mon employeur ose aller regarder ces images sur Internet?» Alors là, je ne peux que sourire et dire: Pardon, mais maintenant il a au moins fait une première réflexion, c’est une première prise de conscience.

Mais c’est ce qu’il faut parfois, et cela dépend peut-être aussi des générations et de la façon dont on considère la protection des données et de la personnalité.

Oui, bien sûr.

Le combat contre Google a déjà commencé en 2009, et vous n’avez qu’un petit bureau. Ce bureau a-t-il été complètement absorbé par ce combat, ou a-t-il pris le temps de s’occuper aussi d’autres affaires?

Oui, bien sûr, ce fut ainsi. L’année passée, cette affaire nous a considérablement tenus en haleine. Mener parallèlement plusieurs affaires pareilles, ce serait impen­sable. Nous avons encore d’autres tâches très volumi­neuses, par exemple dans le domaine de la santé, du travail, des caméras de surveillance. Il y a aussi le problème de tout le développement technologique qui pose sans cesse de nouvelles questions. Nous devons rester attentifs.

Est-ce que vous pouvez venir à bout de tout cela? Par exemple en engageant des spécialistes en informatique?

Oui, c’est ce que nous faisons. Nous devons fixer des priorités. Et les priorités que nous avons fixées dans ce cas-là étaient très ­claires. Nous considérons que la solution de cette question comprenait un problème juri­dique de principe. Nous nous réjouissons que le Tribunal administratif fédéral nous ait suivi dans ces réflexions.

Est-ce que le problème de la protection des données se situe aujourd’hui avant tout sur Internet ou est-ce qu’il existe d’autres endroits auxquels on ne pense même pas – tellement Internet et le grand écho de ces plaintes contre Google captivent l’attention.

Internet est certainement très au centre de l’intérêt parce que tout va très vite, la transmission d’informations, d’images dans le monde entier, tout cela va très vite. Le problème qui se pose, ce sont aussi les conditions-cadre juridiques des lois nationales. Des sociétés internationales mettent aussi en jeu de façon ciblée les différences des lois des divers pays. Il y a un grand besoin de coordination, d’information. Finalement, il faut des accords à l’échelle internationale pour le travail avec Internet en ce qui concerne la protection de la sphère privée sur Internet. Il faut des règles cohérentes qui soient les mêmes partout. Autrement nous risquons de voir des situations où l’on joue un pays contre l’autre.

Si le verdict demeure, Google devra rendre les visages méconnaissables et les plaques des véhicules aussi. Cela coûtera quelque chose à Google. Bien que ce soit une entreprise de 10 milliards (de bénéfice) par an, cela coûtera à Google. Que pensez-vous, l’entreprise va-t-elle recourir au Tribunal fédéral?

Je ne suis pas apte à répondre à cette question. Lorsque je considère ce verdict, de presque 60 pages – extraordinairement bien fondées, pas à pas –, alors je ne puis imaginer qu’une prochaine instance puisse en juger autrement.

Vous attendez donc avec calme?

Exactement.

Monsieur Hanspeter Thür, je vous remercie de cet entretien.    •

Source: Das Tagesgespräch. Schweizer Radio DRS I du 5/4/11
(Traduction Horizons et débats)

L’euphorie pour l’électronique commence à se calmer

•    L’ouvrage «1984» nous a promis un monde dans lequel le grand frère voit, entend et contrôle tout. Tout ce que nous en avons entendu fait pâle mine comparé à la réalité de nos jours. Si seulement une partie infime de ce que le Pentagone a comme projets – et par conséquent le gouvernement américain – se réalise, on se rendra compte des faits suivants: «La guerre contre le terrorisme» sera prise comme justification d’un véritable contrôle de la pensée dans le style d’Orwell qui s’avère être de loin pire qu’une censure ordinaire …
•    Parmi la stratégie nommée par le Pentagone lui-même «Full Spectrum Dominance», il a aussi des projets de contrôler la communication par Internet. Ce projet fait partie des soi-disant «Information Operations». Si les protagonistes de ces projets arrivent à les réaliser, le monde sera d’un seul coup sous l’emprise d’un contrôle beaucoup plus absolu et plus ample. Le National Security Archive de la George Washington University a déterré des projets inouïs. Le document intitulé «Information Operations Roadmap» a vu la lumière du jour de l’opinion publique par erreur, selon tous les experts en la matière, dans une pile de documents destinés à la consultation publique dans le contexte de la loi sur la libre consultation des documents étatiques «Freedom of Information Act». Des agents du Pentagone ont rédigé ce projet déjà en 2003 à l’époque de la guerre d’Irak. Le ministre de la Défense d’alors, Donald Rumsfeld, l’a signé ...
•    Ce document du Pentagone décrit un champ d’action inquiétant d’activités militaires, contrôlé par les armées. Ce contrôle commence avec les officiers des relations publiques qui in­forment les journalistes, passe aussi par les groupes d’intervention psychologiques tâchant de manipuler la pensée et les convictions d’un ennemi. Et il passe ainsi par les experts en infraction dans les réseaux informatiques essayant de mettre les réseaux informatiques de l’ennemi hors état de fonctionner. Toutes ces activités font partie des soi-disant opérations d’information. L’aspect le plus alarmant de cet agenda est qu’on admet que des informations destinées à l’ennemi en tant que partie d’opérations militaires psychologiques – des «Psyops» dans la terminologie du Pentagone – apparaissent sur les écrans ou téléviseurs de l’Américain moyen. Dans le document du Pentagone, on peut lire littéralement: «Des informations qui sont destinées à un public étranger, les domaines diplomatie publique et Psyops inclus, sont de plus en plus consommées par nos spectateurs et lecteurs concitoyens. Des messages Psyops sont souvent diffusés par les média pour un public beaucoup plus vaste, opinion publique américaine incluse» …
•    Trois semaines après les attaques du 11 septembre 2001, le Pentagone a conclu selon des documents consultés un contrat volumineux avec le Rendon Group (ce sont les plus grands spécialistes des média à Washington). En même temps, le Pentagone de Rumsfeld a créé une organisation secrète (!) nommée «Office of Strategie Influence» (OSI). Parmi les tâches de cette organisation OSI, il y a des campagnes de désinformation et de dissimulation, ainsi que le placement d’informations erronées dans les journaux télévisés tout en cachant l’origine. «L’armement nucléaire» de Saddam Hussein en est un «chef d’œuvre» qui s’est avéré être un pur mensonge. Le vice-président d’alors, Dick Cheney, a commenté cette affaire par les propos ingénus: «… il est parfois utile, du point de vue militaire, de participer à des manœuvres de dissimulation en vue de projets futurs» …
•    Dans le document du Pentagone, on lit ensuite: «Les Etats-Unis devront aspirer à être en mesure d’exercer un contrôle maximal sur toute la panoplie électromagnétique.» De plus, les armées US devront pouvoir «saboter en s’infiltrant toute la panoplie des systèmes naissants de communication mondiale, les capteurs et les systèmes d’armement qui dépendent d’un réseau électromagnétique». Dans le langage en dehors du Pentagone, cela veut dire que l’armée US est explicitement autorisée à développer la capacité de mettre hors fonction partout sur notre globe (!) tout appareil téléphonique, tout ordinateur connecté à un réseau, tout système de radar. Le fait que le «Information Operations Roadmap-Plan» est soutenu explicitement par le ministre de la défense permet de supposer que ces projets sont vraiment pris très au sérieux au Pentagone. Le roman de George Orwell «1984» ne peut donc plus concurrencer les projets de Washington …
•    Mais il y a pire: le site Internet américain de révélations «prisonplanet.com» révèle un projet gouvernemental ultrasecret. Des groupes de dirigeants de l’église (!) sont coachés (!) par des agents fédéraux afin d’«éliminer toute insoumission de la population» et de motiver les gens à obéir au gouvernement lors d’une déclaration de droit de guerre. Cela sert à la préparation de la déclaration de droit de guerre, à la saisie d’armes et autres biens, or inclus, à la réalisation de campagnes de vaccination obligatoire et de déportations forcées.
•    Le premier ordre aux prêtres était de prêcher «Romains 13» dans leurs pa­roisses. Il s’agit du passage de la bible qui est souvent cité hors contexte, qui doit garantir le consentement des chrétiens afin de leur imposer «l’obéissance envers le gouvernement» en temps de droit de guerre. «Romains 13» était déjà le passage préféré d’Adolf Hitler et de ses sbires. On a expliqué aux prêcheurs que le fait d’imposer des quarantaines, du droit de guerre et des déportations (!) posait un problème pour l’administration fédérale et la police locale à cause de la mentalité de «cowboy» de quelques citoyens. On a souligné que les clercs devaient commencer à temps de prêcher l’obéissance envers les organes du gouvernement et que cela signifiait «le meilleur pour la paroisse» …

Source: Vertraulicher Schweizer Brief no 1282 du 1/4/11
(Traduction Horizons et débats)