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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°26, 4 juillet 2011  >  La protection de l’environnement est-elle un prétexte? [Imprimer]

La protection de l’environnement est-elle un prétexte?

 Les «ismes» populaires et le besoin de gouverner d’en haut

par Václav Klaus*

Chacun possède une liste – la plupart du temps implicite – de problèmes, de défis qu’il considère – en fonction de ses expériences, de ses préférences, de ses préjugés, de ses priorités – comme actuels, essentiels, menaçants. Je vais essayer de vous révéler quelques-uns d’entre eux qui figurent sur ma liste. Ils sont tous inévitablement liés à quelque chose qui n’existait pas durant la plus grande partie de ma vie sous l’ère communiste.
Je pense naturellement à la liberté, chose à laquelle les Américains accordent une valeur capitale bien qu’ils n’aient pas fait personnellement l’expérience de son absence. Notre expérience nous a donné une sensibilité, voire une hypersensibilité à cet égard.
Où vois-je, en ce début du XXIe siècle, les principaux dangers menaçant la liberté? Je ne parlerai pas des sujets à la mode dont les journaux sont pleins. En particulier, je ne parlerai pas de nos ennemis extérieurs, des talibans, d’Al-Qaïda, du fondamentalisme islamiste car je n’ai rien de spécial à ajouter sur ce sujet et n’ai pas envie de répéter des faits et des arguments bien connus. […] Il me semble plus important de parler de nos défis intérieurs. Notre aptitude à aller de l’avant et à faire finalement face aux dangers dépend en grande partie de nos croyances, de nos visions, de nos convictions, de notre force intérieure, de notre cohérence. […] Je vais, par conséquent, me concentrer sur trois principaux défis de l’heure.
Le premier est en rapport avec le communisme. Comme tous les autres anciens pays communistes, nous avons vécu une transition difficile. Nous avons compris très tôt que nous devions l’effectuer nous-mêmes, qu’il était impossible d’importer un système élaboré à l’étranger. Nous avons compris également qu’un changement aussi fondamental n’était pas un exercice d’économie appliquée mais un processus humain évolutif et que nous devions trouver notre propre voie, notre «voie tchèque» vers une société et une économie fonctionnant de manière efficace.
Il y a 10–15 ans, j’ai parlé plusieurs fois aux Etats-Unis du processus de transition, de son coût, de ses avantages, de ses principes et de ses pièges.
Comme je l’ai dit, nous avons réussi à nous débarrasser du communisme, mais […] nous croyions à tort que les tentatives de réprimer les libertés et d’organiser, diriger, réglementer, contrôler toute la société (et l’économie) appartenaient déjà au passé, que c’était un vestige presque oublié. Mais, à notre grande déception, elles sont toujours là. J’en vois davantage d’exemples en Europe et dans la plupart des organisations internationales, mais on en trouve aussi ici.
La raison en est qu’il existe de nouveaux «ismes» très populaires dont les visions et les projets sont contraires aux libertés individuelles. Il s’agit de la social-démocratie (qui n’est rien d’autre qu’une version soft du communisme), du droit-de-l’hommisme (fondé sur l’idée de droits, pour la plupart positifs, applicables dans le monde entier), de l’internationalisme, du multiculturalisme, de l’européanisme, du féminisme, de l’environnementalisme et d’autres idéologies similaires.
Le communisme appartient au passé mais les tentatives de diriger d’en haut sont toujours, ou peut-être de nouveau là.
Le second défi principal est lié à notre expérience de l’UE, mais va au-delà, car il fait partie d’une tendance plus large à la dénationalisation des pays, au supranationalisme et à la gouvernance globale.
Cette sensibilité particulière que je partage avec nombre de mes compatriotes me fait envisager bien des tendances actuelles en Europe de manière assez critique. Mes adversaires semblent ne pas entendre mes arguments et continuent de rejeter à priori les idées qu’ils n’aiment pas. Pour comprendre mes critiques, il faut connaître le développement de l’UE, sa métamorphose progressive qui a fait d’une communauté de nations qui coopèrent une union de nations non souve­raines aux tendances supranationales. […]
J’ai toujours été partisan d’une coopération amicale, pacifique et enrichissante pour chacun entre les Etats européens. Toutefois, j’ai déclaré à maintes reprises que la tendance vers une Europe toujours plus fermée, ce qu’on appelle «approfondissement» de l’Europe, l’intégration politique rapide et les tendances supranationalistes en l’absence de véritable identité européenne, d’une demos européenne, ne sont pas nécessaires pour la liberté et la démocratie mais au contraire nuisibles.
La liberté et la démocratie, ces deux valeurs qui nous sont si précieuses, ne peuvent pas être garanties sans la démocratie parlementaire d’un territoire étatique clairement défini et c’est précisément ce que les élites poli­tiques européennes et leurs sympathisants tentent d’éliminer. Et cela m’inquiète.
La troisième principale menace aux libertés réside, à mon avis, dans l’environnementalisme. Pour être plus précis: je comprends les inquiétudes à propos d’une dégradation de l’environnement mais le problème réside pour moi dans l’environnementalisme en tant qu’idéologie.
L’environnementalisme prétend viser seulement la protection de l’environnement, mais derrière une rhétorique de respect de l’homme et de la nature, les tenants de cette idéologie tentent ambitieusement de réorganiser et de changer le monde, la société, les individus et leurs comportements aussi bien que leurs valeurs.
Il est évident que notre devoir est de protéger rationnellement la nature en vue des générations futures, mais les tenants de l’idéologie environnementaliste ne cessent de nous présenter des scénarios catastrophes dans le but de nous persuader d’appliquer leurs idées à la société humaine tout entière. C’est non seulement injuste mais extrêmement dangereux. […]    •
(Traduction Horizons et débats)

*    Extraits d’un exposé présenté au CATO Institute de Washington le 9 mars 2007. Le texte complet, intitulé «Environmentalism and Other Challenges of the Current Era», peut être consulté sur le site www.cato.org/pub_display.php?pub_id=9301

Cet exposé se trouve également en allemand dans le livre ci-dessous.