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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº6, 13 février 2012  >  Guerre d’Iran: Lettre ouverte du 24 janvier 2012 au gouvernement fédéral allemand [Imprimer]

Guerre d’Iran: Lettre ouverte du 24 janvier 2012 au gouvernement fédéral allemand

par Christoph R. Hörstel

Madame la Chancelière fédérale,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,

Nous sommes actuellement confrontés à une situation1,2 dans laquelle le monde n’est ­éloigné que d’un pas minuscule d’une grande guerre symétrique que l’OTAN, sous la pression des USA, dissimule ou mène de façon asymétrique depuis plus de dix ans.
Le gouvernement fédéral que vous représentez, mène notre pays dans cette position actuelle totalement agressive, malgré d’innombrables avertissements de l’extérieur et de l’intérieur, notamment de notre voisin russe,3 dont nous lésons de toute façon les intérêts de sécurité justifiés de façon permanente, dans le cadre de l’OTAN.
Inquiet, le monde regarde deux démarches hautement provocantes des puissances occidentales majeures qui accordent le droit à l’Iran – pour autant que le droit ait encore de la valeur sur notre planète mal dirigée par les alliés des USA – de tirer immédiatement sur les porte-avions américains croisant dans le golfe Persique et sur les navires d’accompagnement français et britanniques. Permettez-moi s’il vous plaît de préciser que je n’admets ni oublie les centaines de violations des droits de l’homme, de prévarications et de corruption commis en Iran. Cependant ce sont nos alliés américains, dont le ministre de la Justice de l’époque de Bush, qui justifièrent la torture, fondèrent et entretiennent jusqu’à présent le camp de torture de Guantánamo et qui ont contribué directement ou indirectement, durant ces dernières vingt années, à la mort d’environ trois millions de musulmans.4 Heureusement, l’Iran possède une tradition de paix vieille de plusieurs centaines d’années, dont l’Allemagne, les USA et l’OTAN ensemble ne peuvent cependant que rêver. J’expliquerai cela comme suit:
L’Union européenne, comme clairement annoncé lundi matin par vous, Monsieur le ministre Westerwelle, décide de sanctions sévères contre l’Iran. Ces sanctions vont frapper les gens de ce pays, au départ aussi cultivé que germanophile, encore plus durement que ne l’a déjà fait notre politique inintelligente pratiquée jusqu’ici. De pareilles sanctions destinées à empêcher un pays de maintenir des relations commerciales internationales ordonnées, nuisent fondamentalement à son fonctionnement économique, politique et social. On ne peut comparer ces sanctions qu’au blocus maritime agressif des USA contre le Japon, alors régionalement très agressif et oppresseur, qui força le pays dépendant totalement des importations à la contre-attaque: avec les forces aériennes japonaises sur Pearl Harbour, le 7 décembre 1941. On sait que la guerre se termina par l’épouvantable crime terroriste du largage de deux bombes atomiques sur les grandes villes de Hiroshima et de Nagasaki. A présent, avec l’Iran, les USA mettent à nouveau un pays dans cette situation, dans laquelle il ne peut finalement que recourir aux armes auxquelles quelques pays membres de l’OTAN recourent maintenant déjà. La politique américaine rend une grande guerre de plus en plus difficilement évitable. Et l’Allemagne y participe toujours, comme si ni hier ni demain existaient.
Aujourd’hui, la base américaine de Diego Garcia abrite d’immenses bombes à l’uranium de 15 tonnes, uniquement pour l’engagement contre l’Iran.5 Israël a reçu des centaines de bombes à l’uranium destinées uniquement à une attaque planifiée contre l’Iran. Ces armes qui, en raison de leur effet de masse diffus, blessent forcément aussi en partie des populations civiles, violent le droit en vigueur et auraient dû être interdites depuis longtemps. Contrairement à la loi, l’Allemagne n’a rien entrepris pour aider à obtenir une pareille interdiction. Monsieur le ministre Westerwelle, lorsque les meilleurs experts de notre pays s’adressèrent à votre cabinet pour expliquer les effets dévastateurs, génocidaires de ces armes et pour exiger des démarches politiques contre leur usage répété par nos alliés les plus importants, vos fonctionnaires les ont froidement éconduits. L’­Allemagne, qui ne possède méritoirement pas d’armes à l’uranium, est cependant coresponsable des crimes en question, parce qu’elle est l’alliée et qu’elle coopère avec des Etats qui les commettent.
Revenons aux sanctions contre l’Iran. L’Europe et les USA justifient ces sanctions par un mauvais comportement iranien dans la poursuite de son programme atomique6 qui est en réalité aussi justifié que légal. Oui, c’est vrai: les premières années, l’Iran n’a pas révélé correctement ses activités. Mais les USA, l’Allemagne et d’autres pays occidentaux étaient intensément occupés durant des décennies à vendre autant au Pakistan, pays livreur principal de l’Iran, qu’à celui-ci directement, tous les équipements et pièces nécessaires, à préserver les acheteurs des deux pays des poursuites par les autorités et forces de sécurité occidentales et à «accompagner» véritablement les programmes atomiques des deux pays. Aux USA, un témoin de la CIA, prêt à témoigner en justice de ces événements, fut très sévèrement harcelé et sa vie professionnelle et privée furent ruinées. Laissons en suspens qu’il y eut partiellement du sabotage dans la politique de livraison des USA. Ces faits avérés et certifiés ne sont surpassés que par une corruption sans exemple de la politique occidentale, principalement américaine, autour de l’Agence atomique internationale de Vienne. Non content que l’ancien directeur de l’AIEA Mohammed El-Baradei ait personnellement été mis sous pression pour falsifier des conclusions objectives de son agence dans le sens d’une politique de pressions américaines contre l’Iran, allant jusqu’à des attaques d’écoutes téléphoniques contre l’agence, il faut savoir en plus que celles-ci sont combinées avec des attaques d’écoutes constantes contre l’ONU. Non content que notre allié américain fût intervenu massivement et en violant toutes les règles de la bienséance dans la décision concernant le deuxième mandat d’El-Baradei, c’est en plus actuellement un zélé directeur de l’AIEA complaisant surtout envers les USA qui est en fonction et qui cause par son attitude des dégâts considérables aux deux, à l’office et à son autorité.7 Il aurait aussi été le devoir de l’Allemagne de faire obstacle à ces machinations dangereuses et d’empêcher ainsi que la communauté d’Etats occidentale continue de perdre sa réputation dans le monde, réputation déjà éprouvée par de nombreuses agressives infractions à la loi.
Le dernier rapport de l’AIEA fourmille par conséquent d’affirmations contraires à la vérité, de vieilles histoires vérifiées sur place et réfutées, basées sur des sources de services secrets fausses et falsifiées. Il tire des conclusions fausses, cite en plus de façon illégale des noms de soi-disant scientifiques atomistes qui travaillent effectivement mais seulement en partie pour le programme atomique iranien. Mais au vu du programme américano-israélien d’assassinats, il met en danger la vie de toutes les personnes citées, ainsi que celle de leur entourage, y compris les membres de leur famille et d’autres innocents qui n’y sont pour rien. Tout ceci se déroule bien que beaucoup de courageux connaisseurs du programme atomique iranien comme El-Baradei, l’expert de l’office de l’énergie atomique us-américaine Clinton Bastin et bien d’autres, affirment clairement que l’Iran ne travaille ni à la construction d’armes atomiques ni sera à longue échéance capable de fabriquer de pareilles armes.
Ces actions et de nombreux autres attentats meurtriers, des attentats à la bombe et d’autres opérations armées de services secrets, allant jusqu’à l’incitation à la révolte de la population, particulièrement d’ethnies agitées, et de plus une opposition contre le gouvernement de Téhéran, requinquée artificiellement au-delà de son état habituel, seraient difficilement pensables sans la présence de porte-avions américains devant les côtes de l’Iran. Par conséquent, en application du droit à l’autodéfense, l’Iran serait en droit d’attaquer des troupes qui depuis des années sont de plus en plus impliquées dans des activités agressives et hostiles contre le territoire et la population iraniens.
La deuxième grande provocation de l’OTAN consiste dans le fait que, malgré les avertissements francs et justifiés de l’Iran, deux porte-avions des USA, accompagnés par des unités des marines britannique et française, ont pénétré ces dernières heures dans le golfe Persique. Un troisième se tient à portée de tir contre l’Iran. Trois groupes de porte-avions suffisent pour attaquer l’Iran; l’Irak a d’ailleurs été illégalement attaqué la dernière fois en 2003 avec une force armée de cette importance.
Ces dernières années, comme des milliers de citoyens allemands, j’ai adressé au Bundestag et à vous-même directement des avertissements et des demandes disant qu’en cas de guerre, l’Allemagne, en raison de l’utilisation de guerre américaine des bases aériennes US sur sol allemand, deviendrait automatiquement, selon le droit international public, nation combattante de chaque agression future dirigée par les USA. Ce qui fait que l’Allemagne se trouve prise en otage. A vous, Madame la Chancelière et Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, je reproche que vous n’ayez pas, malgré votre serment professionnel, voulu préserver notre pays de ce dommage et de tous les autres dommages qui pourraient éventuellement encore en résulter, en violation8 de la Loi fondamentale (art. 26,1). A cette occasion, Madame la Chancelière Merkel, vous devez accepter qu’on vous demande pourquoi, le 28 octobre 2009 vous n’avez pas levé la main9 pour confirmer votre dernier serment professionnel: était-ce pour ces raisons, et en toute connaissance de cause? Si c’était le cas, toutes les violations dommageables du droit de votre politique commises depuis seraient placées automatiquement sous le soupçon d’un acte délibéré.
Le monde ne se trouve pas loin de l’éclatement d’une guerre, qui pourrait très bien dégénérer en guerre mondiale si d’autres peuples se comportent ne fût-ce qu’à peu près aussi agressivement que votre politique et celle de l’OTAN depuis des jours, mois, années et décennies à l’encontre du peuple iranien, lequel, en comparaison, est pacifique.
Qu’est-ce qui peut encore vous émouvoir, vous deux qui avez effectué votre carrière professionnelle dans ce paysage politique? Peut-être la déclaration de l’ancien secrétaire d’Etat à la défense Willy Wimmer, CDU, un membre de longue date de la Commission des Affaires étrangères du Bundestag qui parla précisément à la radio iranienne10 d’une trace de sang que la communauté des valeurs occidentale aurait laissée dans la politique internationale depuis 1998? Sont-ce les événements de la Seconde Guerre mondiale avec ses 56 millions de morts, qui paraissent apparemment si lointains que plus personne ne semble envisager leur répétition, bien qu’elle s’amorce durant ces heures? N’est-ce pas carrément pervers que l’Allemagne coresponsable se trouvera alors impliquée et se fourre dans la troisième guerre mondiale, cette fois avec les droits d’un volontaire et d’une direction faite d’une politique de lâcheté, de faiblesse et de corruption? Je vous le demande: êtes-vous deux en train de faire en sorte qu’à l’avenir les guerres d’agression d’Adolf Hitler apparaissent comme les précurseurs de la politique criminelle de l’OTAN?
Madame la Chancelière Merkel, au mépris de notre Loi fondamentale, vous avez déclaré raison d’Etat la sécurité de l’Etat d’Israël qui, ces dernières années, se comporte de façon de plus en plus agressive. Croyez-vous que l’actuelle marche à la guerre sera en mesure de vous rapprocher de votre but – ou rendra la région plus sûre?
Croyez-vous que la complicité allemande actuelle avec les USA est bonne pour l’amitié de nos peuples – et ne nuit pas en vérité à l’allié parce que politiquement celui-ci s’écarte désespérément du droit chemin? Et pensez-vous aux gens des deux pays qui sont de plus en plus critiques envers leurs dirigeants politiques et ne savent plus s’y prendre avec ce désagréable mélange de promesses électorales rompues, de lois violées et de politique corrompue, comment peuvent-ils opposer quelque chose à ce mélange entre-temps devenu explosif?
Vous êtes-vous demandé comment les futurs écoliers du monde entier vont juger vos décisions actuelles?
Pouvez-vous nier que le monde tombe aussi dans cette situation explosive et dans une guerre qui s’en suivra, parce qu’une forte dégringolade attend les USA – la puissance dirigeante de l’OTAN – ainsi que l’Union européenne, grâce à une politique économique, financière et monétaire avide, stupide et notamment corrompue? Croyez-vous que le peuple soit assez bête pour ne pas remarquer cette dernière sale combine de votre politique? Ou croyez-vous que, depuis qu’il y a des armes irradiantes11, avec lesquelles on peut, sans laisser de traces, plaquer au sol des manifestants devant la Chancellerie, où ils hurlent de douleur, vous puissiez vous retrancher dans le quartier du gouvernement?
A la fin d’une lettre, il y a normalement des salutations polies. Mes problèmes commencent par la question de savoir comment je peux séparer mon respect de votre fonction de mon épouvante concernant l’évolution de la situation, de mon rejet profondément ressenti de votre politique et de mon grand souci pour la paix, pour notre avenir à tous. Je sollicite votre indulgence: ce n’est ni de l’impolitesse, ni mon intention, mais simplement mon impuissance de trouver ici les mots qui conviennent.     •
(Traduction Horizons et débats)

1    www.spiegel.de/politik/ausland/0,1518,810695,00.html
2    www.spiegel.de/politik/ausland/0,1518,810732,00.html
3    www.spiegel.de/politik/ausland/0,1518,810770,00.html
4    Christoph R. Hörstel: Sprengsatz Afghanistan, München 2007, S. 167f.
5    www.heraldscotland.com/news/world-news/final-destination-iran-1.1013151
6    http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/geostrategie/john-lanta/iaea-mit-unlauteren-tricks-gegen-den-iran.html
7    www.guardian.co.uk/world/julian-borger-global-security-blog/2010/nov/30/iaea-wikileaks
8    http://info.kopp-verlag.de/hintergruende/-europa/john-lanta/aussenpolitische-kriminalitaet-friedens-aufruf-stoert-die-taeter.html
9    www.rp-online.de/politik/deutschland/die-hand-beim-eid-blieb-unten-1.2297636
10    http://german.irib.ir/analysen/interviews/item/200391-interview-mit-willy-wimmer
11    http://en.wikipedia.org/wiki/Active_Denial_System

Faits concernant le détroit d’Ormuz

Quand il est question d’une éventuelle aggravation du conflit concernant les installations nucléaires iraniennes, on mentionne souvent la possibilité du blocage du détroit d’Ormuz par la marine iranienne. C’est une raison suffisante, pour se pencher de plus près sur ce détroit par lequel sont transportées la majorité des cargaisons du pétrole destiné à approvisionner notamment la Chine, l’Inde et le Japon. C’est une des raisons principales pour laquelle les Etats susmen­tionnés n’ont participé qu’à contre cœur aux mesures de boycott imposées à l’Iran …
En réalité, la marine iranienne dispose de bien plus de possibilités d’intervention dans le détroit d’Ormuz que ce que la plupart des observateurs (superficiels) en savent. En fin de compte, l’ensemble du trafic maritime y a lieu en coordination avec elle et la marine du sultanat d’Oman! Les conventions actuelles prévoient que tous les navires ayant l’intention de transiter dans le golfe Persique doivent impérativement passer par les eaux iraniennes et les navires dans la direction opposée (d’ouest en est) doivent passer par les eaux territoriales d’Oman.
Jusqu’à présent, l’Iran a autorisé de bonne foi (et conformément aux dispositions de la Partie III de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer) le passage de tout navire par le détroit d’Ormuz dans la mesure où il navigue de manière «continue et rapide entre un port et une partie de la haute mer». Dans cette Convention le «passage en transit» est prévu pour le détroit d’Ormuz comme pour tout autre détroit. Mais du point de vue purement juridique, Téhéran n’est pas obligé de s’y tenir, car il a – tout comme les Etats-Unis – bien signé cet accord mais ne l’a jamais ratifié. Cela pourrait être l’occasion d’une revanche. Lors d’événements belliqueux, l’Iran serait, selon l’actuel droit international de la mer, autorisé à interdire tout trafic maritime international dans ses eaux territoriales dans le détroit d’Ormuz, sans porter atteinte à un quelconque accord international!
Dans les deux directions, le trafic maritime devrait alors trouver son chemin à travers les eaux territoriales omanaises, et dans ce cas, la plupart des spécialistes en navigation s’attendent à de sérieuses perturbations. La marine américaine – qui a actuellement au moins un porte-avion, dix croiseurs et cinq grands bâtiments amphibies dans les eaux du golfe Persique – en serait d’ailleurs également concernée. Une «sortie forcée» par le détroit d’Ormuz ne semble guère possible en raison de son étroitesse, au cas où l’Iran s’y oppose. Au point le plus étroit, le passage n’a qu’environ 20 kilomètres de largeur et l’Iran dispose de centaines de petits torpilleurs – dont chacun peut tirer une douzaine de missiles –, de nageurs de combat bien formés et d’autre matériaux de guerre qui en situation de crise peuvent, suite à la proximité, représenter un danger très sérieux – même pour les navires les mieux protégés.
Dans une étude top secrète de la marine américaine, on prévoit – en cas d’une confrontation ouverte dans le détroit d’Ormuz – une éventuelle perte totale de toute la flotte et la mort de près de 20 000 soldats américains! Ce n’est pas en dernier lieu pour réduire cette importance stratégique du détroit d’Ormuz que la plupart des émirats travaillent de toutes leurs forces à la construction d’un oléoduc.

Source: Vertrauliche Mitteilungen, nº 3964 du 31/1/11