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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°36, 21 septembre 2009  >  L’impôt à la source, une solution d’avenir pour la Suisse [Imprimer]

L’impôt à la source, une solution d’avenir pour la Suisse

ww. Dans l’interview qu’il a accordée à la NZZ (9 août 2009), Konrad Hummler insiste sur le fait que l’impôt à la source, en particulier pour des pays comme l’Allemagne, serait plus productif que l’«échange automatique d’informations». Ce dernier aurait pour seul résultat un déplacement d’argent. Pour l’Allemagne, il s’agit ici finalement de récupérer le plus d’argent possible. C’est un argument de poids en ces temps de «caisses vides». Hummler préconise un modèle simple, celui d’un impôt à la source incontournable.
L’objectif stratégique devrait être que les pays qui reçoivent de l’argent de la Suisse apprécient notre place financière. Il faut qu’ils aient avantage à ce que la fortune de leurs citoyens soit gérée en Suisse. Sinon ces derniers placeront leur argent ailleurs ou quitteront même le pays. Hummler est convaincu que le modèle d’une «Suisse percepteur» pourrait bien fonctionner pour les deux parties et que le problème de la fraude fiscale disparaîtrait.
Cela vaut tout particulièrement pour l’Europe. Il ne faut pas que la Suisse soit éternellement en conflit avec l’UE. Notre pays pourrait tout à fait s’entendre à ce sujet avec l’UE sans devoir y adhérer.
L’impôt à la source n’entre pas en ligne de compte pour les pays qui ne respectent pas les principes de l’Etat de droit et de la démocratie. La Suisse ne doit pas devenir la «complice d’Etats voyous» en leur transférant de l’argent. Nous reproduisons ci-dessous quelques extraits importants de l’interview de Konrad Hummler. Le banquier préconise un «front» contre l’érosion du secret bancaire.

Neue Zürcher Zeitung: En quoi consisterait ce «front»?

Konrad Hummler: Il existe dans le monde un grand besoin de secret en matière financière. Au siècle des possibilités presque infinies de transfert de données, il s’est encore renforcé.
Il existe des modèles financiers suscep­tibles de le satisfaire, même lorsque l’on excepte les aspects fiscaux. […]
La gestion de fortune a une longue histoire en Suisse. Plusieurs millions d’étrangers ont profité de notre secret bancaire. Il est évident que nous ne devons pas trahir nos clients. Le secret bancaire a été égratigné par la procédure UBS et par l’adoption du Code de l’OCDE en matière d’échange d’informations. Nous ne pouvons pas aller plus loin. Ce serait un acte de déloyauté.
Mais c’est ce que visent plusieurs Etats qui veulent un échange automatique d’informations entre les autorités fiscales.
Je crois qu’en matière d’impôts, nous avons une plus grande marge de manœuvre que nous croyons. Une solution serait ce que j’ai appelé swiss compensation tax, c’est-à-dire un impôt à la source, une imposition des avoirs des étrangers à hauteur de ce qu’ils paieraient dans leur pays de résidence et qui serait reversée de manière anonyme. Il n’y aurait plus fraude et l’argent irait effectivement remplir les caisses des autres pays. L’article 26 de la Convention modèle de l’OCDE n’entrerait plus en ligne de compte. Des pays comme l’Italie et l’Allemagne, qui connaissent un impôt à la source, nous montrent la voie.

Dans l’UE, la tendance paraît être l’échange automatique d’informations. L’idée d’un impôt à la source ne vient-elle pas trop tard?

Je ne crois pas. La situation des budgets des Etats s’est tellement détériorée que la per­spective de recettes supplémentaires serait un argument de poids dans des négociations.

Comment procéder pour appliquer une telle stratégie? Quels pays seraient prioritaires?

A mon avis, sont prioritaires les pays qui ont déjà un impôt à la source, par exemple l’Allemagne. L’Allemagne justement! Mais il faut considérer que ce pays est notre partenaire le plus important en Europe. La Suisse ne peut pas se permettre d’entretenir de mauvaises relations avec lui.

Pensez-vous qu’avec l’impôt à la source, on n’aurait plus de débats sur le secret bancaire et sur la fraude fiscale?

La question est de savoir ce que l’Allemagne veut vraiment. Si elle veut que la totalité des capitaux placés en Suisse – et non pas seulement une partie des rendements – retourne à l’Allemagne et puisse être contrôlée par le fisc allemand, l’impôt à la source n’est pas l’instrument qu’il faut. Mais pour moi, c’est totalement chimérique. Les capitaux partiraient dans toutes les directions. Pour l’Allemagne, il s’agit ici finalement de récupérer le plus d’argent possible. C’est pourquoi je crois que nous avons une chance. […]

Cela veut dire que l’impôt irait au-delà de l’imposition des intérêts du capital.

Evidemment. […]

Quelles conséquences aurait un impôt à la source pour les clients?

Ils auraient le choix entre un vrai paradis offshore, qui ne serait évidemment pas la Suisse mais une île ou une autre place financière, et le rapatriement de leur fortune. Ou, troisième possibilité, ils pourraient choisir la Suisse. Notre pays présenterait l’avantage de leur offrir un véritable secret bancaire, contrairement à leur pays de résidence. Ce serait une selling proposition de la place financière suisse. Mais, en compensation de l’impôt, il faudrait leur offrir des services de qualité. Je ne suis pas si pessimiste. Il n’existe aucun autre pays qui peut pratiquement traiter avec la totalité du monde financier. Nous pouvons le faire!

Alors on ferait peur à ceux qui ne veulent pas déclarer leur argent et on attirerait ceux qui recherchent nos services et notre savoir-faire.

C’est ça mon idée. Qu’est-ce que, dans le passé, la Suisse a offert en plus du secret bancaire? Ça a toujours été les relations personnelles entre le client et son conseiller et le contexte dont font partie le tourisme, l’infrastructure des transports, la ponctualité, la fiabilité. Si on pouvait faire valoir ces avantages en les détachant de cette question fiscale gênante, j’ai l’impression que ce serait un très bon modèle d’avenir pour notre place financière. […]

Qu’est-ce qui vous rend si sûr que le «front» que vous avez esquissé aura du succès?

L’échange automatique d’informations est manifestement un modèle qui ne fonctionne pas, même dans l’UE. Il n’est pas possible que des Etats en difficultés financières ne choisissent pas la solution la plus favorable financièrement. […]
L’objectif stratégique de la Suisse devrait être que les pays auxquels nous restituons de l’argent apprécient notre place financière. Ils devraient comprendre qu’il vaut mieux pour eux que les gens fassent gérer leur fortune en Suisse et que les impôts leur reviennent plutôt que leurs citoyens choisissent une autre destination ou fuient leur pays physiquement. Il y a là-derrière, je l’avoue, un modèle pour la position de la Suisse en Europe. J’ai l’impression que la Suisse pourrait très bien s’accorder avec l’UE là-dessus sans devoir y adhérer. Nous ne pouvons pas être éternellement en conflit avec elle. C’est pourquoi le statut particulier de la Suisse en tant que percepteur pourrait profiter aux deux parties. Ce serait l’objectif.

Quand ce modèle deviendra-t-il réalité? Le deviendra-t-il jamais?

Je ne le défendrais pas si je ne croyais pas qu’il puisse se réaliser. Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour atteindre cet objectif. Et notamment parce qu’il nous permet d’écarter le problème moral que représente la fraude fiscale. Nous ne pouvons pas nous permettre d’apparaître aux yeux du monde comme des profiteurs systématiques.
(Traduction Horizons et débats)