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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°8, 1 mars 2010  >  Courrier des lecteurs [Imprimer]

Courrier des lecteurs

Gaza et Israël

Souvenez-vous: Il y a plus d’un an, l’armée israélienne lançait son opération «Plomb durci». Cette agression contre la population de Gaza, ce massacre de civils innocents a fait près de 1400 morts, des milliers de blessés et provoqué des destructions immenses que l’Etat d’Israël interdit encore à l’heure actuelle de réparer, confinant la population dans cette prison à ciel ouvert qu’est la Bande de Gaza. Ce crime contre l’humanité ne peut prétendre à aucune justification, comme le démontre le rapport Goldstone.
On ne saurait laisser la chape du silence se refermer sur cette plaie atroce.
Puisqu’on parle d’Israël, pourquoi ne pas dire toute la vérité?
Les recherches de l’historien et ancien professeur à l’Université de Haïfa Ilan Pappe, exilé en Grande Bretagne, montrent clairement que dès le début, les sionistes ont choisi la guerre pour chasser les Palestiniens de Palestine. Il s’agit d’une colonie classique avec épuration ethnique.
L’Etat d’Israël, soutenu par une puis­sante diaspora, accrédite depuis soixante ans le mythe d’une nation menacée par ses voisins arabes et luttant héroïquement pour sa survie. Le professeur Pappe rétablit la vérité en démontrant que déjà avant, mais surtout durant la «guerre d’indépendance» de 1948, par des massacres et la terreur, les colons juifs ont chassé les populations palestiniennes des ­villes d’abord, puis de toute la plaine côtière et de Jérusalem Ouest. En 1967, l’armée israélienne a occupé la Cisjordanie et depuis lors aucun gouvernement israélien n’a jamais mis un sérieux frein à la spoliation et la colonisation des terres palestiniennes.
Actuellement, en raison de la mollesse de la communauté internationale, qui tolère presque sans broncher le mépris total par Israël du droit international, on se trouve dans une situation semblable à l’Afrique du Sud au plus fort du régime d’Apartheid.
Selon Pappe, il ne s’agit pas d’un conflit entre deux nations, mais d’un conflit entre une société de colons et une population indigène. Pour promouvoir la paix, il faut des processus de réconciliation, de recherche de vérité, un changement de langue et non pas des discussions de paix diplomatiques.
La paix n’est possible que si Israël met fin à l’occupation sans conditions et reconnaît le droit au retour des réfugiés. Car il s’agit bien d’un droit, et non d’une concession négo­ciable. Bien entendu, son application pratique est problématique, mais sans reconnaissance de la nature de ce droit, la solution est impossible.
Un mot encore concernant l’antisémitisme. Les Juifs ont de tout temps été pour le moins tolérés en pays d’Islam, les musulmans les appelant d’ailleurs le peuple du livre. En re­vanche, l’Occident chrétien porte une ­lourde hérédité d’antisémitisme et de pratique de pogroms. Dès lors, c’est bien une attitude colonialiste qui fait payer notre dette de sang juif aux Arabes du Proche-Orient.
Lorsque je suis rentré de Jérusalem après mission pour le CICR et que j’ai dit – un peu comme une boutade – à mes amis qu’en 1945, en réparation de l’holocauste, les Alliés auraient très bien pu exiger des Allemands qu’ils libèrent la place pour accueillir six millions de Juifs, la réponse a été unanime: «Tu es fou, ce n’est pas la même chose!» Evidemment: déloger d’honorables Européens n’est pas comparable à faire la même chose (en l’occurrence sans justification!) avec des Arabes …
Pour le moment, la situation est probablement la pire que les Palestiniens aient connu. Mais peut-être les gouvernements occidentaux reviendront-ils peu à peu à de meilleurs sentiments et, à l’instar de ce qui s’est passé en Afrique du Sud, exerceront-ils les pressions nécessaires sur le gouvernement israélien pour débloquer la situation. A nous, citoyens épris de justice et de respect du droit, d’informer l’opinion publique et par là, d’agir sur nos dirigeants politiques.

Pierre A. Krenger, Pully (VD)