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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°7, 20 février 2012  >  Le Mexique – un pays en mouvement [Imprimer]

Le Mexique – un pays en mouvement

par Lisz Hirn

Quand on veut découvrir le Mexique, on ne peut pas ne pas passer par Tenochtitlán, le nom aztèque pour la ville de Mexico. Cette ville offre un début parfait pour un voyage à travers le Mexique. C’est ici que bat le cœur du pays, c’est ici que l’histoire a été écrite, et qu’elle l’est toujours. En arrivant dans cette ville on sera surpris. Elle est, en même temps, toute différente de ce qu’on s’est imaginé, et pourtant exactement comme ça: pleine de bruit, étouffante et pleine de gens. Mais surtout, elle est pleine de contradictions.
Comment des groupes humains si différents peuvent-ils vivre ensemble? Le Mexique compte 112 millions d’habitants, dont 21 millions à Mexico même. Il est inévitable qu’apparaissent beaucoup de difficultés dans un espace aussi densément habité: la drogue, les nuages de pollution, la violence, le chômage, la pauvreté, les catastrophes naturelles, les discriminations, la criminalité. Il est vrai que les «gringos», c’est-à-dire les Américains des Etats-Unis, sont impliqués dans cette misère mexicaine, les deux pays étant étroitement liés tant historiquement qu’économiquement. Le commerce de la drogue est l’un de leurs casse-têtes. Le président Felipe Calderón a décidé d’y mettre bon ordre. La lutte contre les criminels du monde de la drogue a déjà coûté la vie à des milliers de personnes. Mais tant qu’il viendra de l’argent des Etats-Unis, il y a peu d’espoir que cela cesse, car, comme on sait, l’offre suit la demande. Par ailleurs, ce trafic permet de vivre à de nombreux Mexicains, il en est un élément de survie et assure leur avenir. Ce qui n’est pas le cas de l’Etat.

La révolution et La Calaveria Catrina

Il y a peu de pays qui aient connu autant de «révolutions» que le Mexique. Il est courant qu’un système politique soit remplacé violemment par un autre, en attendant que ce dernier soit lui-même soumis à la corruption et remplacé par un nouveau renversement. Il y eut des rois indigènes, des vice-rois hispaniques, une occupation française, un empereur originaire des Habsbourg, le premier président indigène de l’Amérique, une dictature et le pouvoir d’un parti unique, et depuis 2006 il y a Felipe Calderón (PAN: chrétien-démocrate conservateur) à la tête du pays.
Mais il n’y a pas que des révolutions et des changements violents. Il existe, ici et là, une espèce de rébellion intellectuelle. En visitant le pays, on aperçoit de temps à autre des squelettes bizarres aux costumes excentriques. C’est José Guadalupe Posada qui les a inventés pour critiquer les élites et l’ordre politique et social, dans la période prérévolutionnaire du Mexique. Le plus connu est certainement le squelette au large chapeau et aux habits élégants – La Calavera Catrina. On rencontre cette dame un peu partout au cours du voyage, car elle fait partie de la culture du pays très variée, de même que la «cocina mexicana».

Mole et machisme

Dans la mesure où l’on est gourmet, on ne peut éviter la cuisine mexicaine. On trouve rarement une telle union entre la culture et la nourriture comme au Mexique où chaque région possède ses propres spécialités, ses propres recettes et les contes qui les accompagnent. L’héritage indigène se révèle par le maïs utilisé dans la cuisine mexicaine et dont on trouve des champs partout et sur de grandes surfaces. Il est l’élément essentiel de l’alimentation. Les différentes Salsa et Moles dévoilent l’origine régionale du cuisinier. Au Mexique, la cuisine est très épicée, surtout pour les hommes qui veulent ainsi montrer leur virilité. Le ménage et la cuisine sont l’affaire des femmes. Alors même que ce ne sont pas tous les Mexicains qui portent le sombrero, il n’en reste pas moins que nombreux sont les clichés touchant les deux sexes. La femme est responsable de la maison et des enfants et l’homme, selon la tradition, du revenu principal et du maintien de la famille. Alors même que les différences s’atténuent, les femmes restent prétéritées, que ce soit dans la formation, dans la profession ou dans la vie de tous les jours. Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est la violence envers les femmes dans les grandes villes comme Ciudad Júarez et dans les villages isolés. Le gouvernement actuel et son président Felipe Calderón s’occupent de ce problème, car ils ont compris depuis longtemps: alors même que les femmes portent encore, dans l’ensemble, leurs merveilleux costumes brodés, et que les hommes portent selon la tradition les pentalons, rien ne va plus au Mexique sans les femmes – ni l’économie ni la vie sociale.

Stabilité sociale et les «fiestas»

Comme cela a déjà été évoqué, la vie sociale a de la peine à s’établir. Les fêtes, les «fiestas», sont un moyen d’y remédier temporairement. Ces dernières ne sont pas que des amusements pour la population, mais aussi un lien social, affirmant la solidarité des indigènes et d’une population composée essentiellement de métis. Il y a de nombreuses occasions de fêtes au cours de l’année, et deux de ces dernières, à côté des fêtes catholiques traditionnelles, ont une importance particulière.
La plus grande fête du Mexique a lieu le 15 septembre, ce jour de 1810 où le Mexique se détacha de l’Espagne. C’est depuis ce jour que le prêtre révolutionnaire, Miguel Hidalgo, du village Dolores, est fêté comme héros national et on retrouve son nom dans les rues et les places de toutes les villes mexicaines. Ces jours sont fêtés démesurément dans toutes les parties du pays. Le président prend, selon le rite, une place importante dans les cérémonies puisqu’il lance à minuit le Grito de Dolores («le cri de Dolores») – «Viva Mexico!». Les préparatifs de la fête commencent bien des semaines auparavant pour décorer les places publiques et préparer la vente de babioles telles que drapeaux, sifflets, ballons aux couleurs du drapeau du pays.
La deuxième fête a lieu le 2 novembre, le Dia de los Muertos («le jour des Morts»). On visite les tombes des parents disparus, les décorant de douceurs préparées ou achetées, on offre de petits cadeaux aux enfants et l’on s’adonne à des banquets fort arrosés. A l’origine, ce jour de fête provient d’une tradition indigène, car on s’imaginait que ce jour-là les morts revenaient vers les vivants et qu’il fallait donc banqueter convenablement pour reprendre des forces après ce long voyage depuis les enfers. Alors qu’en Europe on fête modestement et dans le calme le jour des Morts dans la tradition chrétienne, au Mexique c’est l’occasion d’un spectacle plein de couleurs et de joie, ayant réuni au cours des siècles les traditions indigènes et chrétiennes.

Des têtes de morts doucereuses et la puissance du catholicisme

Après que les conquérants (conquistadores) aient, sous la direction de Hernán Cortes, conquis le pays en 1521, le soumettant à la couronne espagnole, les missionnaires espagnols se mirent à convertir la population indigène au christianisme. Ce fut un succès grâce au fait d’avoir repris et incorporé les fêtes et rituels précolombiens dans les usages catholiques. Les têtes de morts doucereuses qu’on peut acheter le jour des Morts est un exemple marquant du mélange réussi de deux conceptions religieuses différentes. Actuellement, la puissance de l’église catholique reste intacte, car 90% de la population confesse la religion d’Etat; ce chiffre n’est dépassé qu’au Brésil. Les églises et les cathédrales sont bien visitées et la vente de souvenirs religieux offre une source importante de revenus pour beaucoup de familles.

L’héritage politique de Cortes

Une autre source de revenus est constituée par le tourisme pratiqué essentiellement par les «gringos» sur la presqu’île de Yucatan. Montezuma s’était imaginé que l’arrivée de Cortes représentait le retour du dieu de la tribu, une admiration qui coûta cher à son peuple et à lui-même. Ce ne fut qu’une des nombreuses expériences négatives que vécut son peuple avec les occupants «blancs». Et aujourd’hui, ce sont surtout les vacanciers états-uniens qui sont considérés comme tels. C’est pourquoi nombreux sont les indigènes qui se tiennent à l’écart des gringos et des Européens leur marquant nettement une méfiance développée au cours des siècles du fait des discriminations et des oppressions subies. On aime en même temps qu’on déteste les gringos du fait qu’on a besoin d’eux. Que ce soit pour les relations dans l’export-import ou dans le tourisme. Ce dernier prend toujours plus d’importance pour la prospérité des Mexicains, c’est pourquoi on a pris des mesures policières toujours plus rigoureuses afin de rendre les centres touristiques plus sûrs. On ne sait vraiment pas dans quelle direction le pays va se développer. Le Mexique est un pays qui ne peut trouver de répit. C’est ce qui fait peut-être sa force, mais de toute façon son charme.    •

Lisz Hirn, docteur en philosophie, est active comme auteure et philosophe, mais aussi comme conférencière dans le domaine de la formation de la jeunesse et des adultes. Elle est aussi artiste libre engagée dans divers projets internationaux et dans des expositions. Cette femme, grande voyageuse, vit actuellement en Autriche. Récemment, la maison d’édition Hernals a publié de cette auteure: «Friedrich Nietzsche» (2009), «Global Humanism – Möglichkeiten und Risiken eines neuen Humanismusmodells» (2010) et «Vernünftige Wege zum Glück – ein philosophisches Arbeitsbuch» (2011).
Courriel: lisz.hirn@gmx.at
Repris de: International. Die Zeitschrift für internationale Politik IV/2011. www.international.or.at
(Traduction Horizons et débats)