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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°44, 7 novembre 2011  >  Comment on appâte les communes avec l’idéologie de la protection de la nature [Imprimer]

Comment on appâte les communes avec l’idéologie de la protection de la nature

Interview d’un représentant d’un mouvement citoyen. Entretien mené par Erika Vögeli

ev. Aux réseaux d’organisations qui font avancer l’idéologie des parcs et des loups appartient aussi l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’Union européenne et la Fédération Europarc, financée entre autre par l’UE. Leurs directives et règlements – par exemple les directives de l’UICN, valables mondialement – n’ont pas tous un caractère impératif. Cela à la différence des lois sur l’environnement à l’échelle nationale ou à l’échelle des Länder allemands ou bien de la Directive Habitats Faune Flore (HFF) de l’UE qui sont contractuelles pour les pays intégrés. Mais même des directives non impératives livrent des points de repères, des déterminants auxquels se réfèrent de leur côté des institutions privées ou publiques des pays individuels, afin de légitimer leur politique. Ainsi se crée une interaction entre les lois, les autorités et les administrations sur le plan national et des organisations et des directives internationales ainsi que des organisations privées de la protection de la nature; une interaction qui, pour les citoyens d’une région concernée, est souvent impossible à démêler. Lorsque les citoyens concernés se plaignent auprès d’une autorité, celle-ci se réfère aux directives ou à la compétence d’autres et se soustrait ainsi à la discussion objective avec la population.    
    Le bourrage de crâne non qualifié de certains médias a pour effet que des forestiers et des bûcherons doivent se justifier vis-à-vis de promeneurs et cyclistes hyper-agités et se voient contraints d’expliquer pourquoi ils mettent de l’ordre dans un bout de forêt atteint par le scolyte. Il n’y a que peu de gens qui savent qu’à l’époque de la tempête «Lothar» le directeur de l’Office fédéral de l’Environnement, des Forêts et des Paysages (OFEFP) a déclenché l’invasion des scolytes par sa décision fatale de «tout laisser par terre»! La base des propriétaires de forêts n’a pas été interrogée. Auparavant, ils avaient réussi en collaboration avec les offices cantonaux des forêts à limiter les dégâts par le scolyte grâce à un entretien soigneux des forêts. Là où c’était nécessaire on a mis des pièges odorants. Dans les régions montagneuses en Autriche des versants entiers sont érodés depuis, parce qu’on avait décidé, après «Lothar», de ne rien faire.    
    Dans la Forêt bavaroise également, des dommages indicibles apparaissent: Ce n’est pas la pluie acide qui aide le scolyte à se développer, mais la directive de ne pas débarrasser les parcelles forestières endommagées par la tempête et de conserver par contre des arbres pour les scolytes. Des experts de forêts affirment que c’est tout à fait contreproductif du point de vue écologique: Lorsqu’on laisse se décomposer de grandes surfaces de forêt c’est, du point de vue du CO2 tout à fait insensé, car cette décomposition produit beaucoup de CO2, alors que l’entretien et l’utilisation durable de la forêt seraient neutres en ce qui concerne le CO2. En plus, d’après les experts forestiers, on prévoit pour l’Allemagne déjà actuellement pour l’an 2020 un manque de ravitaillement en bois de plus de 30 millions de mètres cube et mondialement on attend pour l’an 2050 un manque de plus de 7000 millions de mètres cube. Et cela à une époque où les écologistes ne cessent de demander le remplacement des combustibles fossiles par des ressources renouvelables. Où est la logique? Que la «nature pure» dans un monde globalisé avec ses émissions et les nuisances en conséquence ne soit pas réalisable, sauf si l’on enferme la région concernée sous une cloche à fromage, tout le monde devrait comprendre les faits. Pourquoi donc toutes ces exigences?     
    Concrètement, tout cela signifie que de plus en plus de surfaces devront être attribuées à une zone protégée où une interdiction totale de l’exploitation sera prescrite et l’accès y serait interdit aux êtres humains. Des citoyens concernés en Allemagne parlent dans ce contexte d’un quasi-dépeuplement ou d’une expropriation insidieuse de la population indigène qui se sentira d’autant plus trompée qu’il y a beaucoup de familles qui, par exemple dans la Forêt bavaroise, ont exploité, la nature pendant des siècles dans un contrat de générations, l’ont soignée et maintenue. En Europe, en particulier, beaucoup de ces beaux paysages représentés dans des images superbes sur les sites de ces organisations sont devenus ce qu’elles sont aujourd’hui uniquement par le soin des êtres humains. Dans l’interview ci-dessous, Franz Kerschbaum nous exposera la situation de manière plus détaillée.

Horizons et débats: Monsieur Kerschbaum, vous êtes co-initiateur d’un mouvement de citoyens pour la protection de la Forêt bavaroise qui s’est battue contre l’élargissement du parc national. Comment cela s’est-il fait que votre commune ait participé à ce projet?

Franz Kerschbaum: Pour réaliser de tels projets, les communes sont incitées à dire oui par des moyens financiers et des propositions attractives. Chez nous, à l’époque, le gouvernement Stoiber a mis à disposition de la commune – Frauenau et d’autres communes – des moyens financiers du budget étatique issus des recettes de la privatisation. Mais ils ne nous ont pas dit que c’étaient seulement les intérêts qui pouvaient être utilisés – les communes ont naturellement calculé avec 33 millions d’euros pour la région. C’est seulement après qu’on a constaté que l’argent avait été placé et que seul les intérêts étaient destinés aux communes.
C’est là que la promotion des projets continue: La population, ceux qui s’y opposent sont mis sous pression. On leur dit que les 33 millions seraient versés dans ces régions, «mais si vous maintenez votre opposition, vous ne verrez jamais les 33 millions».  

«Tourisme» comme appât

Ou bien on promet que le tourisme serait relancé. Ainsi, Frauenau dispose d’un très beau musée du verre, parce que l’Etat a promis à la commune de Frauenau d’y construire un musée de verre. La commune a ensuite démoli l’ancien petit musée du verre très joli et a construit un musée très grand et beau nous entraînant vers l’insolvabilité actuelle. Cela veut dire que la commune ne peut plus bouger à cause des coûts successifs liés au musée. Alors on nous a dit que le tourisme serait relancé grâce à l’élargissement du parc national – ce n’est pas le cas. Le musée du verre aurait besoin de 50 000 visiteurs par an pour couvrir les frais et nous avons dans les 14 000 à 15 000 visiteurs. Malgré une promotion massive du parc national pour l’élargissement, le musée du verre n’en profite pas. Il n’y a pas davantage de touristes qui viennent dans la Forêt bavaroise et d’autant moins au musée du verre pour couvrir les frais. Par conséquent, chez nous, les taux d’imposition ont augmenté pour que la commune puisse au moins financer les besoins de base tels que l’eau, la canalisation, l’école, le jardin d’enfants.
S’y ajoute qu’on nous a promis de nous accorder un droit de regard dans les décisions – lorsque le parc sera élargi, ces droits n’existeraient pourtant plus. Après ils diront: Nous avons élargi le parc national, vous avez le droit d’être écoutés, cela signifie qu’on n’a plus le droit de regard. Cela veut dire qu’une simple ordonnance met hors vigueur la loi fondamentale. Les communes auxquelles on a tant promis n’auront plus aucune possibilité d’intervenir. Cela, les communes doivent le savoir. Je ne sais pas comment cela se passe en Suisse, il me semble que vous avez davantage de démocratie, de démocratie de base qui permet encore de faire des corrections. Mais chez nous, c’est comme ça: Au moment de la décision d’une telle affaire, la population n’a plus rien à dire.

Procédure dictatoriale

Qui décidera alors?

Ce sont les directives de l’UE et les directives de l’UICN. Les organes du parc national se réfèrent à ces directives lorsque le parc est aménagé. Cela veut dire que les droits fonciers communaux sont mis hors vigueur, par exemple la loi bavaroise de protection de la nature, la loi des droits de l’eau, la loi de la protection de la forêt, la constitution – tout est mis hors vigueur, les lois existantes sont soumises à ces directives. Avec pour conséquence que les habitants des communes, lorsqu’ils se rendent compte qu’ils ont été piégés, sont privés de toute légitimation et de toute influence. Nous pouvons bien nous énerver et exprimer notre colère, cela ne sert plus à rien.

Quelles sont les conséquences de ces nouvelles directives?

Une idéologie de parc naturel absolument cohérente demande de laisser libre cours à la nature, de ne plus intervenir. Cela signifie que là où des développements néfastes se sont déclarés, comme par exemples des insectes nuisibles qui détruisent une grande partie des forêts, on ne doit plus intervenir à cause de ces directives. Autrefois, de telles parasites ont été enrayés par les paysans forestiers. Cette nouvelle idéologie a pour conséquence que la nature se détruit elle-même. La forêt est détruite sur de grandes surfaces et elle est tout simplement livrée à elle-même. Vous devez voir ça: Ce qu’on nous promet et ce que cela devient en réalité. Un chasseur professionnel de Styrie est venu voir et il a été boule­versé par ce qu’il y a vécu.
Il est possible qu’il y ait des régions sur cette terre où de telles choses seraient faisables, dans des régions peu peuplées par exemple, mais là où vivent des êtres humains concernés, cela a des conséquences graves sur leur qualité de vie. Par exemple, les prix immobiliers baissent, car la protection de la nature prescrit quels arbres peuvent être plantés au jardin etc. Ce sont des limitations graves qui n’ont pas été annoncées.
Après coup, les gens commencent à comprendre, lorsque ces directives sont mises en pratique. Naturellement cela ne se fait pas d’un seul coup, mais tranche par tranche. Cela veut dire qu’après deux, trois ou quatre ans, la mise en vigueur des directives commence. Ce sont toujours des restrictions, des mises sous tutelle, des expropriations de facto pendant de longues périodes. Cela ne se fait pas en l’espace d’un an, mais les vis sont serrées par étapes et les libertés limitées. Alors la population se rend compte: «Halte! Ce n’est pas ce que nous voulions. Ce n’était pas notre intention.» Mais alors, c’est trop tard.

Exploitation soigneuse jusqu’à présent

Jusqu’à présent les gens ont toujours exploité de façon à ne pas détruire les bases existentielles. C’est uniquement grâce à cette procédure avisée et raisonnable, grâce à la protection par l’exploitation et les soins, le maintien par l’exploitation que la forêt est ce qu’elle est aujourd’hui. Le maintien de la diversité des espèces n’est possible qu’en cultivant la nature. Mais ce sont des arguments que les Verts ne veulent pas accepter. Ils prétendent que, si dans le parc national il y avait plus de 60 espèces de coléoptères de plus, la diversité des espèces serait multipliée manifestement par rapport à l’époque de l’exploitation des forêts par les paysans forestiers – ce qui n’est pourtant pas vrai. Il est toujours difficile de désamorcer ces arguments lancés sans preuves de manière qu’on puisse réfuter les écologistes idéologiques. En partie ces derniers ont fait des études à l’université et participent à ce système parce qu’ils gagnent bien leur pain avec ça. Ils obtiennent un emploi quelconque, une activité bien payée. Et alors, ils sont intégrés là-dedans d’après le principe «Les payeurs ont toujours raison». Cependant, le paysage si convoité par les protecteurs de la nature est tentant seulement si parce qu’il a été soigné pendant des siècles. S’il était détruit, aucun protecteur de la nature ne dirait plus: «Nous voulons avoir cette région.»

Combien de parcs existe-t-il actuellement en Allemagne?

Nous avons entre-temps 14 parcs nationaux et divers parcs naturels. Avec la réunification se sont ajoutés dans les nouveaux Länder quelques parcs naturels. Nous avons dans la Forêt bavaroise le parc le plus ancien, créé en 1969. La proposition est venue du NPD en 1967, il était représenté au Landtag bavarois par 25 députés. La proposition a cependant été rejetée parce qu’elle venait du NPD. En 1969, deux ans plus tard, les forces vertes ont relancé le projet.

«Hidden agenda»?

 D’où vient donc cette idéologie?

Ce n’est pas seulement ainsi chez nous dans la Forêt bavaroise. Je dis toujours, lorsqu’on s’occupe de ce thème, il faut savoir d’où vient cette idée de parc national. D’un côté, les Anglais l’ont déjà appliquée en Afrique. Ils y ont procédé de façon bien plus brutale: Ils ont dit aux chefs de tribus des villages: Dans 15 jours vous aurez disparu de là, 200 kilomètres plus loin – ici on installera un parc national et vous n’y avez plus rien à faire. Celui qui reste, sera fusillé. Aujourd’hui on sait que dans le désert il y avait des gisements de diamants, peut-être le savaient-ils déjà à l’époque. Qui sait?
Cette idée a aussi été appliquée en Amérique. Là, ils ont réfléchi vers 1870 comment décimer la population indigène ou bien comment la priver de ses droits. Des combats guerriers n’étaient plus à l’ordre du jour. Alors on s’est dit que si l’on déclarait ces régions parcs naturels et si l’on interdisait à la population indigène de ramasser du bois, de faire du feu, de chasser et de pêcher, alors elle n’aurait plus d’autre choix que de quitter la région ou mourir de faim. De cette manière on a décimé fortement la population indigène, les Indiens d’Amérique.
Plus tard à l’époque du national-socialisme, le régime de Hitler voulait installer dans la Forêt bavaroise le domaine de chasse du Reich. Le 21 septembre 1939, à l’hôtel Rixi à Eisenstein en Bohême le ministre de Chasse du Reich, Hermann Göring a déclaré aux Landrat et aux maires qu’à partir de 1940 les habitants de la Forêt bavaroise seraient déplacés de force en Ukraine, que la région entre Passau et Regensburg au bord du Danube jusqu’à Berg-Reichenstein (aujourd’hui en République tchèque) serait le domaine de chasse du Reich, et que ne pourraient y vivre plus que quelques-uns, ceux qui exploitaient les prairies à foin pour les cerfs et autre gibier. Tous les autres auraient dû partir. Mais alors, il y a eu la Seconde Guerre mondiale et ces chimères n’ont naturellement pas été réalisées. Donc là se cache en partie aussi l’idéologie nationale-socialiste. La protection radicale de la nature est un prétexte, mais en réalité on s’empare de terres sans avoir recours à la force des armes, sans que la population ait son mot à dire. Plus tard, il y aura l’interdiction d’y pénétrer, des restrictions – s’il y a des droits d’eau, on lutte pour que ces droits soient abandonnés avant le délai ou bien pour qu’ils ne soient pas renouvelés. On dit toujours que tout ça a une importance suprarégionale, une importance européenne. Le fait est que les gens sont restreints dans leur vie: interdiction de récolte de champignons, de baies, comme je viens de le dire, des interdictions de pénétrer les lieux par des sentiers qui ne pourront donc plus être utilisés – seulement la «nature pure».

Il existe une idéologie qui n’est pas transparente, une radicalité et une influence, et une structure de pouvoir effrayant. Nos droits démocratiques sont alors restreints par de simples ordonnances, voire mis hors vigueur et détruits. Et ce ne sont plus que les utilisateurs du parc national et les idéologues du parc qui peuvent se déplacer dans ces régions, alors que tous les autres gens en sont exclus. Même sous peine d’une amende élevée. C’est comme ça chez nous. Il y a tant d’aspects et de problématiques là-derrière que je ne peux que conseiller aux populations: Ecoutez à la ronde, regardez autour de vous et apprenez comment cela s’est passé chez les autres.

Merci beaucoup de cet entretien.    •