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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°51, 28 décembre 2011  >  Le paysage des Cévennes – à l’avenir plus qu’un «laboratoire social»? [Imprimer]

Le paysage des Cévennes – à l’avenir plus qu’un «laboratoire social»?

Rupture avec le «pacte relatif aux droits civils»

par F. Séguin

Les Cévennes appartiennent à l’un des paysages les plus singuliers du Sud de la France. La région de moyenne montagne très variée se termine au Nord aux alentours des Gorges du Tarn et du Mont Lozère, à l’Ouest près d’Alès et au Sud à Le Vigan – située dans son ensemble à environ 100–150 kilomètres au nord de la Méditerranée, à l’Est du Rhône.

L’auteur de l’Ile au trésor l’a rendue célèbre

Avec son journal intime «Voyage avec un âne dans les Cévennes», l’écrivain écossais Robert Stevenson a rendu célèbre la région au XIXe siècle. Il aborda aussi – dans ses notes encore agréables à lire aujourd’hui – écrites lors de sa randonnée qu’il a entamée à la suite d’un chagrin d’amour, l’histoire précieuse et très marquante du pays: en 1685, le Roi catholique romain Louis XIV, le Roi-Soleil, révoqua l’Edit de Nantes qui octroyait aux protestants français une certaine liberté religieuse. Les églises des réformés furent détruites à leurs frais, les pasteurs expulsés du pays et les cultes furent interdits sous peine de punitions extrêmement sévères (galère, prison).

L’histoire de la résistance

Des groupes de croyants continuèrent à se rencontrer en secret dans les impénétrables forêts des Cévennes, mais aussi dans les nombreuses grottes de la région. Des milliers fuirent dans d’autres pays, par exemple en Suisse.
«Le temps du désert», c’est le nom qu’on donna aux siècles d’oppression par les autorités de l’Etat de confession unique, qui ne s’acheva qu’avec l’Edit de tolérance de 1787 et la Révolution française. Le musée des huguenots, le «Musée du désert» de Mialet, situé dans le sud des Cévennes, illustre très bien ce chapitre de l’histoire du pays, connu dans toute la France. C’est uniquement dans cette région qu’ont eu lieu, entre 1702 et 1704, les guerres des camisards – des soulèvements violents contre l’oppression du tout puissant Louis XIV et du clergé. Une Huguenote courageuse – c’est ainsi qu’on appelait autrefois les protestants français – grava dans une pierre de la tour de la forteresse d’Aigues-Mortes le mot «résister». Cette Française du Sud qui s’appelait Marie Durand dut passer presque 40 ans de sa vie emprisonnée dans cette tour.

Résistance également pendant la Seconde Guerre mondiale

Le terme «résistance» resta pour la population indigène et imprégnée de religion d’importance centrale. En particulier à l’époque du Régime de Vichy (1940–1942) et lors de l’occupation allemande qui s’ensuivit et qui recouvrait une partie du Sud de la France, la résistance armée, le «Maquis», se développa. On cacha, sans grands bruits, de nombreux juifs et aussi des Allemands qui avaient fui les nazis dans les Cévennes, en particulier dans les bastides et les fermes isolées. Un exemple de cela est le village de Vialas.

Hommage aux habitants des Cévennes

Patrick Cabanel, le Président actuel du «Club Cévenol» – une association qui s’engage de- puis plus d’un siècle en faveur de la préservation de la culture et de la nature typiques des Cévennes et qui publie une revue trimestrielle – a honoré dans sa publication intitulée «Les Cévennes, un jardin d’Israël» [cf. encadré à la page 11] l’œuvre et la culture des habitants cévenols dans cette région souvent inhospitalière avec une grande force poétique sous forme d’une promenade à travers l’histoire.
L’être humain a ici toujours pratiqué la «résistance» et affronté entre autre avec une grande ténacité et une richesse d’idées impressionnantes les dures conditions naturelles. L’écrivain cévenol Jean-Pierre Chabrol rapporte un exemple: pour l’irrigation d’une petite prairie de 20 m de largeur, on a creusé dans le rocher une rigole d’un kilomètre de long à partir d’une source. A d’autres endroits, on a planté et entretenu des châtaigniers afin de préparer avec leurs fruits entre autre de la farine. Mais on y a aussi aménagé de splendides terrasses appelées «Faisses» pour y faire pousser des céréales.
Au XIXe siècle, on a développé au Sud des Cévennes une industrie de sériciculture florissante – en plantant des milliers de mûriers nécessaires pour nourrir les vers à soie et qui marquent aujourd’hui encore le paysage. A certains endroits, on a endigué le cour d’un ruisseau, à d’autres, on a installé une petite piscine naturelle au moyen d’un peu de béton. Dans cette région, aucune des communes pauvres ne peut s’offrir une véritable piscine en plein-air. Le petit livre de Cabanel rend hommage, fait même une profonde révérence aux habitants des Cévennes rétifs et tenaces.

Paysage naturel singulier

Retournons au paysage naturel des Cévennes: dans cette région de tourisme doux, les amoureux de la nature trouvent toujours leur compte. Alfred Martel, le célèbre spéléologue (1859–1938) avait déjà prévu au début du XXe siècle, de faire de cette région un territoire de protection de la nature, cependant avec l’idée de faire connaître ce pays aux touristes.

Fondation du «Parc national des Cévennes»

Suite aux troubles des deux guerres mondiales, ce n’est qu’en 1970 que le «Parc national des Cévennes» fut fondé. Comme le souligna Yves Bétolaud – l’ancien responsable (de 1960 à 1971) de l’ensemble des projets de parcs nationaux français –, le concept valable encore aujourd’hui était déjà contesté lors de sa création, avant tout par la population établie dans la région et qui compte aujourd’hui avec tous les hameaux, villages et petites villes à peine 1000 habitants.
Retournons aux Cévennes: dans les années 60, ce sont avant tout les «adeptes de l’éco­logie profonde» qui exigèrent que l’on débarrasse la région du parc des Cévennes de toute influence humaine. Heureusement, leur concept radical n’a pas été pris en compte en 1970.

L’idée du parc a été transformée dans les années 90

Depuis les années 90, on reconnaît des efforts pour renforcer les règlements de ce parc et des huit autres parcs nationaux français. La Loi cadre pour les parcs nationaux adoptée par le Parlement français en 1960 a été révisée en 2006. Elle exige dorénavant l’élaboration d’une Charte spécifique pour chaque parc national, au processus de laquelle seront associés diverses commissions, la population locale, les communes et les départements con­cernés. A cette occasion, on prévoit d’agrandir et d’arrondir la surface du Parc national des Cévennes. Le «cœur du parc» comprendra alors 930 km² et la «zone d’adhésion» périphérique 3720 km². 152 communes, appartenant à quatre départements différents, forment le territoire du parc, dans lequel vivent et travaillent actuellement 75 000 personnes.

Laboratoire pour les êtres humains

Quels sont les changements prévus? Guillaume Benoit, l’ancien directeur du parc national des Cévennes en fonction en 1997, déclara cette année-là, il y a 14 ans déjà, lors d’une importante conférence sur l’avenir du Parc national – qui avait été désigné Réserve de biosphère en 1985 –, ce qui suit: «Les espaces préservés, élargis à leur zone périphérique, sont alors invités à devenir des laboratoires sociaux où l’homme doit apprendre à agir et à maîtriser ses pouvoirs pour conserver ce qui fait la richesse et la qualité des territoires concernés. […]» [soulignement par l’auteur]
Cette idée est extraite du programme «L’homme et la biosphère» de l’UNESCO. Donc plus un mot sur la liberté des habitants du parc, une orientation nationale de l’idée de protection comme en 1970, mais un processus orienté vers l’avenir et à un niveau «planétaire», complètement ouvert, auquel toute la population du territoire du parc – les zones périphériques incluses – sera soumise. Au Canada, on parlait de «leadership» pour ce nouveau modèle de parc. Le mot «laboratoire» rappelle les souris, singes et animaux souffrants, qui sont sacrifiés pour une affaire quelconque. Selon le directeur du parc en 1997, «un nouveau rapport entre les hommes et la nature peut alors s’établir et le laboratoire peut devenir exemple et modèle de développement durable». L’ancien directeur ajouta qu’il s’agissait d’une «mutation culturelle profonde» et d’une «expérience peu banale».

Prises de position lors de la discussion de la nouvelle Charte en 2010

L’histoire singulière de l’être humain au cours des siècles dans les Cévennes ne compte-t-elle plus pour rien? Ce territoire profondément culturel va-t-il être modifié de fond en comble? Lors de la discussion de la Charte du Parc qui a eu lieu le 24 octobre 2010 – organisée par le Club Cévenol et publiée dans le numéro 2/2011 de la revue Causses & Cévennes – de nombreux habitants des territoires concernés ont exigé qu’on ne devait pas ignorer l’histoire de cette région dans la nouvelle Charte. Les publications actuelles concernant le parc national ne présentaient malheureusement l’identité historique des habitants que de manière raccourcie ou réduite, ou la passaient même sous silence. Le maire de Lasalle, commune située dans le sud des Cévennes, a demandé à cette occasion s’il pourrait encore réparer le bassin d’une piscine, qui avait été installée «artificiellement» au bord de la rivière. Cela signifiera-t-il à l’avenir une ingérence illégitime dans la «nature»? De nombreuses autres questions brûlantes relatives à l’avenir de l’agriculture, de la chasse, de l’industrie moyenne, de l’utilisation de l’eau aussi dans les zones périphériques et sur les limites de l’autonomie des communes ont été soulevées. On y a répondu – là où une réponse a été donnée – de manière plutôt floue.

On accélère le processus

Il est prévu de terminer la rédaction de la Charte jusqu’à la fin 2012. Début 2013, les administrations communales concernées auront une dernière fois l’occasion de confirmer ou de refuser leur participation au nouveau projet du parc. Si elles approuvent, elles seront liées irréversiblement à la Charte pour les 10 prochaines années.
Ce serait certainement une rupture culturelle unique, qui dépasserait même de loin les frontières françaises, puisque l’on soumettrait les hommes, qui ont leur domicile dans ce parc, à une nouvelle législation qui éliminerait subrepticement l’histoire et l’identité culturelle et religieuse singulière développées au fil du temps dans cette région. Cela violerait le «Pacte relatif aux droits civils», enlèverait aux habitants leurs droits et la protection qui leur est attribuée par l’Etat national, et les soumettrait à une dominance féodale anonyme.    •

1    «Causses & Cévennes». Revue trimestrielle du Club Cévenol, 116e année, no 2-2011 «Parc national des Cévennes – La rédaction de la Charte, un enjeu majeur pour l’avenir des Cévennes.»
2    «Causses & Cévennes». no 1-2011 «L’accueil des juifs en Cévennes, 1940–1944». Nouveaux documents.
3    Actes du Colloque de Florac 1er, 2 et 3 mai 1997. «Quelle nouvelle politique pour les espaces protégés? – Evolution des regards, solidarités et coopération sur nos territoires». Editeur: Parc national/Réserve de biosphère des Cévennes et Horizons Parcs nationaux. Florac/France 1998
4    Patrick Cabanel. «Cévennes, un jardin d’Israël».
La Louve éditions 2006.

«Toute chose a deux raisons d’être: la première est la raison officielle qui rend la chose acceptable au grand public; la seconde est la vraie raison: faciliter l’établissement du nouveau système et y aboutir.»

Source: Le nouvel Ordre des Barbares,
Document d’origine américaine sur le projet mondialiste, supplément au numéro 217 de la revue «Action Familiale et Scolaire», octobre 2011

«Ecologie profonde»

hd. A ceux qui ne sont guère familiarisés avec la notion d’«écologie profonde», nous conseillons le roman de Jean-Christophe Rufin «Le Parfum d’Adam» (Flammarion, 2007) et en particulier sa postface. L’auteur, médecin et diplomate français, sait de quoi il parle. Bien qu’il qualifie son roman de «fiction», il reconnaît dans la postface que les événements relatés ne sont pas vrais, mais malheureusement vraisemblables. Cela donne à l’ouvrage et à sa postface une importance décisive: il contribue à nous informer sur l’esprit de l’écologie profonde.