Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº6, 13 février 2012  >  L’Allemagne va-t-elle assumer un nouveau rôle dans le monde, celui de puissance militaire? [Imprimer]

L’Allemagne va-t-elle assumer un nouveau rôle dans le monde, celui de puissance militaire?

Il n’y a qu’une chose à faire: dire non!

par Rudolf Hänsel, Lindau

Dans son discours d’ouverture de la «Rencontre privée des politiques responsables de la sécurité» dans le cadre de la Conférence de Munich sur la sécurité, le 3 février 2012, le ministre allemand de la Défense Thomas de Maizière a évoqué avec enthousiasme le nouveau rôle et la nouvelle responsabilité militaires de l’Allemagne dans le monde dans le cadre de l’organisation de la sécurité internationale. Il a parlé de la «puissance militaire allemande», de «smart defence». Pour lui, l’Allemagne doit «accroître son leadership» et «participer étroitement» aux forces armées européennes et, si nécessaire, «marcher en tête».
En tant qu’Allemand né juste après la Seconde Guerre mondiale qui, bien qu’innocent, ai grandi avec le sentiment pesant d’appartenir à un peuple d’épouvantables criminels qui ont semé dans le monde la mort et la destruction, qui ne pouvais parler ni à l’école ni dans sa famille de cette hypothèque de son enfance et qui n’ai jamais éprouvé de soulagement, je suis effrayé et indigné de ces fantasmes de puissance militaire exprimés ouvertement, de cette rhétorique belliqueuse et de ce fayotage à l’égard de l’OTAN.
La littérature bouleversante de l’après-guerre, avec les livres inoubliables et les «cris littéraires» des rapatriés comme «Draussen vor der Tür» et «Dann gibt es nur eins» de Wolfgang Borchert, «Krieg dem Krieg» d’Ernst Friedrich, «Der Weg zurück» d’Erich-Maria Remarque ou encore «Ende einer Dienstfahrt» de Heinrich Böll et beaucoup d’autres que nous avons dévorés adolescents, avait fait naître en nous l’espoir que ce qui s’était passé ne se reproduirait plus: «Plus jamais la guerre!», «Plus jamais le réarmement de l’Allemagne!» Nos sentiments lancinants de culpabilité ont été quelque peu apaisés par cette littérature.
Après la catastrophe mondiale, les pères de la Loi fondamentale allemande, grâce à leurs réflexions et à leurs textes de loi, ont contribué à nous donner l’espoir qu’à l’avenir les guerres seraient une chose obsolète, qu’elles appartenaient au passé et que nous autres Allemands, grâce à cette «promesse», serions de nouveau accueillis dans la communauté internationale civilisée. De même, la création des Nations Unies, avec leurs objectifs d’assurer la paix dans le monde, de défendre le droit international, de protéger les principes généraux des droits de l’homme et de promouvoir la collaboration internationale, avait nourri notre espoir dans la paix.
Pendant quelques décennies, nous avons, jeunes Allemands, constaté avec soulagement et une certaine fierté que l’Allemagne, malgré le réarmement et la naissance de rêves de grande puissance chez certains politiques, ne se laissait pas entraîner dans les guerres des puissances anglo-saxonnes et que, forte de ses cruelles expériences, elle essayait d’endosser un autre rôle. La grande rupture de tabou s’est produite avec l’invasion condamnable de la Yougoslavie en 1999. En recourant à des mensonges effrontés et à des slogans orwelliens tels que «Plus jamais Auschwitz!» ou «intervention humanitaire», des bellicistes verts et sociaux-démocrates, aux ordres de l’Empire, ont trompé une grande partie de la population allemande et l’ont amenée à se demander si, dans ce cas particulier, on ne devait pas faire une entorse au principe de la Loi fondamentale portant sur l’«interdiction de préparer une guerre d’agression» (art. 26), cela pour empêcher «un nouvel Hitler» et un «second Au­schwitz». Cette première rupture de tabou d’une participation allemande à une guerre d’agression contraire au droit international a été suivie, au cours de la dernière dé­cennie, par la participation à d’autres guerres, en Irak et en Afghanistan, à des opérations militaires secrètes dans le monde entier ainsi que par la vente de quantités d’armes à des pays en guerre. Les fantasmes de puissance militaire et les offres d’armements du ministre de la Défense allemand enregistrés lors de la Conférence de Munich sur la sécurité (autrement dit la «Conférence de préparation de la guerre») étaient sans doute une manifestation de soumission aux représentants de l’Empire et elle aura certainement été accueillie avec satisfaction.
En tout cas, le représentant du peuple allemand Thomas de Maizière n’a pas parlé au nom du peuple allemand. Ni au nom de la jeune génération (pensons aux problèmes du recrutement des soldats) ni surtout au nom des générations précédentes qui se souviennent très bien de la guerre et de la reconstruction.
Le peuple allemand n’a qu’une chose à faire: dire non!    •
(Traduction Horizons et débats)