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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°30, 23 juillet 2012  >  Salades, carottes et tomates peuvent de nouveau être produites par les paysans à partir de leurs propres semences [Imprimer]

Salades, carottes et tomates peuvent de nouveau être produites par les paysans à partir de leurs propres semences

La Cour de justice de l’Union européenne casse une directive contestée de l’UE qui interdisait l’utilisation des propres semences

Jusqu’à présent, l’UE imposait à ses paysans l’utilisation des semences des multinationales de l’agriculture, en interdisant la multiplication des semences indigènes. A partir de maintenant, les paysans européens peuvent de nouveau produire eux-mêmes des semences à partir d’anciennes sortes de plantes et les mettre sur le marché. C’est la décision de la Cour de justice de l’Union européenne qui abolit une directive contestée de l’UE qui interdisait jusqu’à présent ce commerce. Ce jugement représente une gifle magistrale pour les multinationales produisant des semences qui dominent le marché, telles que Bayer et Monsanto.

hd. La directive de l’UE, qui vient d’être cassée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), défendait aux paysans de produire et de vendre des semences venant d’anciennes sortes de plantes qui n’étaient pas agréées officiellement.
Ce jugement revêt une grande importance pour les consommateurs, les agriculteurs et l’industrie agricole.
A l’origine de ce jugement était une plainte déposée contre Kokopelli, un réseau paysan français de commerce de semences, par le producteur de semences industrielles Graines Baumax. Ce réseau offrait des semences de plus de 461 sortes de plantes qui ne se trouvaient pas dans les catalogues officiels. Graines Baumax avait déposé une plainte pour concurrence déloyale et demandé 50 000 euros de dédommagement, ainsi qu’une interdiction de mettre en vente les sortes de plantes non admises dans le catalogue des semences officiel.

Un échec pour Bayer, Monsanto ou Syngenta

Le jugement prononcé n’est pas qu’un revers douloureux pour les multinationales agricoles telles que Bayer, Monsanto ou Syngenta. Ces dernières dominent le marché mondial avec 65% du commerce des semences.
Sur son site Internet, la chaîne de télévision n-tv a donné, le 12 juillet, la parole à Heike Schiebeck, représentante de la branche autrichienne de l’association internationale des petits paysans Via Campesina. Elle a cité l’ancien ministre des Affaires étrangères américain Henry Kissinger: «Qui contrôle les semences, domine le monde.»
Selon la représentante des petits paysans, les multinationales cherchent à accaparer les droits de propriété intellectuelle de toutes les plantes de culture – également ceux des plantes n’ayant pas subi de modifications génétiques. La preuve en est apportée par le brevetage de tomates rendues plus résistantes au pourrissement, de brocolis réduisant les effets du cancer et de melons particulièrement sucrés.
Selon la représentante des petits paysans, citée par n-tv, le fait d’obtenir toujours plus de droits sur les plantes offre aux multinationales agricoles la possibilité de rendre la paysannerie encore plus dépendante parce que leurs semences, pour atteindre une production optimale, exigent des engrais et des pesticides particuliers. Les agriculteurs qui se sont fait prendre dans ce système dépensent entre-temps cinq fois plus pour les engrais et les agents de protection pulvérisables que pour les semences elles-mêmes.

Les paysans doivent décider eux-mêmes

L’avocate générale de la CJUE, Juliane Kokott, voit dans ce combat pour les semences une lutte pour l’indépendance paysanne. Dans son expertise juridique, elle a exprimé sa conviction que l’interdiction de la commercialisation d’anciennes sortes «pourrait contraindre les agriculteurs à utiliser des sortes plus productives, au mépris de leur volonté». Selon n-tv, elle estime que les paysans doivent pouvoir décider eux-mêmes de la sorte de semences qu’ils veulent planter. Ils pourraient même tout à fait renoncer à travailler leurs terres.
Selon l’avocate générale de la CJUE, l’interdiction officielle des sortes non admises provoquerait aussi un énorme appauvrissement de la diversité biologique et favoriserait une domination dangereuse des semences émanant de production industrielle: Suite à l’interdiction des sortes non admises dans le catalogue officiel, on n’aurait pas pu exclure qu’on soit un jour confronté à un manque de plantes capables de mieux s’adapter au changement climatique ou à de nouvelles maladies que les sortes actuellement les plus répandues.

L’offre sera plus diversifiée

De plus, le choix du consommateur final aurait été limité: Il n’aurait pu planter dans son jardin que les produits que la directive de l’UE autorisait.
Selon la chaîne de télévision n-tv, les conséquences pratiques du jugement sont les suivantes: «A la suite de ce jugement, la Commission européenne doit annuler l’interdiction de mettre sur le marché les anciennes sortes et inciter les Etats-membres à y obtempérer. Les consommatrices et consommateurs pourront bientôt déjà se réjouir de retrouver dans leurs magasins bio et sur les marchés locaux des sortes de légumes qu’on croyait disparus, peut-être un peu moins gros, mais avec des aromes d’autant plus attrayants.»    •

Source: www.n-tv.de, dpa/AFP du 12/7/12,
www.n-tv.de/politik/EuGH-staerkt-Rechte-der-Bauern-article6716111.html