Vol de terres agricoles au détriment du tiers-mondeLa situation à MadagascarDepuis quelque temps, des grands groupes achètent et louent, également au nom de gouvernements nationaux, des terres aux superficies considérables des pays du tiers-monde pour y pratiquer une agriculture industrielle. Les récoltes sont exportées vers les pays commanditaires. Or la population des pays où ces terres sont cultivées souffrent de la faim. Maintenant on parle ouvertement de turbo-colonialisme ou de néocolonialisme. Cette pratique est en contradiction avec les résultats scientifiques de l’«Evaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement» (IAASTD) établie par le Conseil mondial de l’agriculture à la demande des Nations Unies. Seule une agriculture régionale, durable et diversifiée peut approvisionner le monde entier. Les velléités néocolonialistes qui se sont manifestées dernièrement sont à l’opposé d’une solution objective et humaine du problème alimentaire et engendreront inévitablement des conflits. rl. Fin 2008, on apprenait par les médias qu’il y avait un «conflit» entre le président du gouvernement malgache d’alors, Marc Ravalomanana, et le maire de la capitale Antananarivo Andry Rajoelina. Contrats immorauxPeu après son avènement, le nouveau président Rajoelina a promis d’examiner tous les contrats conclus par ses prédécesseurs. Est concerné en premier lieu un contrat de fermage portant sur 1,3 million d’hectares d’excellentes terres arables conclu avec la firme sud-coréenne Daewoo Logistic. Les autres contrats internationaux concernent l’extraction de nickel, de cobalt, de titane, d’or, de charbon, de platine et d’uranium par des groupes du Canada, d’Australie, d’Afrique du Sud et de Grande-Bretagne. On connaît les détails des contrats conclus avec Daewoo Logistics. 1,3 million d’hectares d’excellentes terres arables ont été loués sans intérêts pour une durée de 99 ans (en comparaison, la Suisse dispose de 4,1 millions de terres arables). En contrepartie, Daewoo a offert d’embaucher des travailleurs agricoles non qualifiés sur les champs prévus pour la culture du maïs et de l’huile de palme qui doivent être exportés vers la Corée du Sud. Ces deux produits servent de nourriture ou d’agrocarburant. Quand on songe que Madagascar possède 2,5 millions d’hectares de terres arables, on s’aperçoit que la moitié du pays est louée à une firme étrangère. Madagascar est un pays très pauvre. C’est pourquoi ce traité est considéré non seulement comme contestable mais comme immoral. La société sud-coréenne a annoncé récemment son retrait, déclarant qu’elle cherchait «un climat plus favorable aux investissements dans l’agrobusiness» (cf. www.ntv.de du 14 avril). Développement au détriment des petits paysansD’autres gouvernements ont conclu des contrats similaires à celui signé entre l’ancien gouvernement de Madagascar et Daewoo Logistics. Selon une étude de l’ONG Grain (www.grain.org/landgrab), de plus en plus d’Etats essaient d’assurer leur approvisionnement en denrées alimentaires et en carburant et de trouver de nouveaux projets grâce à l’achat ou au fermage de terres agricoles. Ce qui a déclenché ce processus, c’est l’explosion des prix de l’alimentation et des carburants en 2008. Des vols de terres dans le monde entierLe Middle East Foodstuff Consortium, qui regroupe 15 investisseurs d’Arabie saoudite sous la direction du Bin Ladin Group, a été chargé par le gouvernement saoudite de résoudre à long terme les problèmes d’approvisionnement par l’exploitation de terres étrangères. Morgan Stanley a récemment acheté 40 000 hectares en Ukraine. Hyundai Heavy Industries a loué 50 000 hectares dans l’Est de la Russie. D’énormes superficies ont notamment été vendues ou louées en Indonésie, au Soudan, au Myanmar, au Laos, au Zimbabwe et au Pakistan. La plupart du temps, on négocie des contrats bilatéraux avec les gouvernements, on supprime d’éventuelles restrictions à l’exportation des produits alimentaires, on se met d’accord sur la reprise future de l’affaire par des sociétés privées et on garantit la longue durée des contrats. Le fait que l’on négocie avec des régimes corrompus est plutôt la règle que l’exception. Mise en œuvre du Rapport de l’IAASTDAujourd’hui déjà, les pays en développement seraient en mesure d’assurer leur subsistance et ils pourraient sans difficultés fournir des produits alimentaires aux pays industrialisés. A lui seul, le Congo pourrait fournir toute l’Europe. Grâce aux revenus du commerce des produits alimentaires et des matières premières, ces pays pourraient se développer et contribuer à l’essor du commerce mondial. |