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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°21, 21 mai 2012  >  Sommes-nous vraiment devenus fous? [Imprimer]

Sommes-nous vraiment devenus fous?

«Nos Hautes Ecoles techniques devront-elles bientôt recruter leurs étudiants en Afrique?»

ds. Avez-vous déjà eu l’occasion d’observer des enfants dans une classe d’un village africain, dans un film ou même sur place? – Alors, vous connaissez les yeux éveillés et attentifs des enfants assis, serrés les uns contre les autres, sur de simples bancs en bois ou par terre qui, avides d’apprendre, écoutent attentivement ce que l’enseignant explique. Vous avez peut-être déjà admiré la manière dont un enseignant a dessiné en quelques traits de craie sur un tableau noir une plante ou un organe humain – par exemple l’appareil digestif – de manière simple, claire et compréhensible. Les enfants se lèvent quand l’enseignant s’adresse à eux ou quand ils veulent poser une question. On chante, on danse, on rit, mais avant tout on apprend.
Nos enfants aussi sont avides d’apprendre quand ils commencent l’école. Ils sont peut-être plus agités et plus préoccupés par leur ego que les enfants africains. C’est qu’ils n’ont pas appris à écouter les adultes; ils ont l’habitude de mener par le bout du nez leur papa et leur maman, et au début ils sont un peu déroutés quand ils ne se trouvent pas seuls au centre de l’attention, mais eux aussi ont le désir d’apprendre.
Au lieu d’enseigner les enfants selon les règles pédagogiques et leur transmettre le savoir et l’expérience des générations précédentes, afin qu’ils en profitent et enrichissent plus tard leur savoir, des «spécialistes de l’école» autoproclamés font tout pour empêcher cela: les enfants ne doivent pas être accablés de connaissances inutiles afin que leur créativité puisse s’épanouir librement. Selon les nouvelles disciplines, chaque génération doit se réinventer et en dépit de toutes les expériences du passé, pour pouvoir flotter librement de manière ahistorique dans «les espaces, les époques et les sociétés». Des légions de «spécialistes» très bien rémunérés ne cessent de développer de nouvelles stratégies empêchant l’apprentissage et une armada d’«évaluateurs scolaires professionnels» veille à la mise en œuvre. Les enseignants qui veulent encore apprendre quelque chose à leurs élèves sont appelés à suivre des cours de rééducation, appelés formation continue; sinon, on les menace de licenciement. Les élèves doivent apprendre de manière indépendante, découvrir eux-mêmes les règles sans être guidés par l’enseignant.    
L’un de ces «empêcheurs d’apprendre» professionnels est Peter Fratton, un «fournisseur d’éducation» agissant au niveau international, un homme d’affaires futé, travaillant en réseau, avec le soutien de la Fondation Bertelsmann, le plus important fournisseur et modificateur du marché de l’éducation, coté en bourse. Actuellement, Fratton conseille le gouvernement rouge-vert du Bade-Wurtemberg en matière de destruction de structures scolaires éprouvées.
En 2008, lors d’une conférence présentée au groupe parlementaire des Verts du Bade-Wurtemberg, Fratton a prétendu avec impudence que, l’école n’avait jamais jusqu’ici pensé aux enfants, pour demander ensuite un «changement paradigmatique», consistant à abandonner notre manière habituelle de penser, ce que nous aurions fait avec enthousiasme, et de faire comme si nous devions tout réinventer. «Peut-être renouveler dans un premier temps et ensuite, si cela réussit, réinventer. Et si cela réussit, je dois aussi avoir le courage de mettre en œuvre quelque chose. Il ne suffit pas de vouloir, il faut avoir le courage de dire: je n’ai aucune idée de ce qui en résultera, mais en cas d’échec, on se sera au moins bien amusé.» Dans ses affabulations Fratton parle des enseignants comme des «personnes qui accompagnent l’apprentissage» et des élèves comme des «partenaires d’apprentissage», d’apprentissage autonome et d’environnement d’apprentissage aménagé – c’est important pour la transformation de bâtiments scolaires tout entiers – pour couronner toutes ces sottises par ses quatre «demandes fondamentales» [«Urbitten»] qui sont: «Ne m’apprends rien, ne m’explique rien, ne m’éduque pas, ne me motive pas». – Pardon? – Nos Hautes Ecoles techniques devront-elles bientôt recruter leurs étudiants en Afrique?     •