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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°2, 19 janvier 2009  >  Crise économique mondiale: jadis et aujourd’hui [Imprimer]

Crise économique mondiale: jadis et aujourd’hui

On compare souvent la crise financière actuelle et son glissement vers une récession économique mondiale avec la crise économique des années trente du siècle passé. Cette comparaison n’est que partiellement valable.
Selon les calculs de l’agence de presse américaine Bloomberg, ce sont 30 000 milliards de dollars qui sont, jusqu’aujourd’hui, partis en fumée dans la crise actuelle, déclenchée par des crédits immobiliers pourris américains. Il faut y ajouter 996 milliards de dollars qui se trouvent dans la comptabilité des banques et qui devront probablement être amortis.
Dans les années trente, environ 10 000 banques sont tombées en faillite. Nous en sommes loin aujourd’hui. Cela même si on tient compte du fait qu’aujourd’hui le secteur financier est dans les mains de quelques «géants», alors qu’auparavant, il y avait beaucoup de petites banques et d’instituts financiers. Jusqu’à ce jour, les historiens des phénomènes économiques n’ont pas réussi à évaluer les dégâts totaux de la crise qui avait sévi de 1929 à 1933.
D’octobre 1929 à 1932, le Dow Jones (index des actions) était tombé de 85% et ce n’est que dans les années cinquante du XXe siècle qu’il a pu retrouver son niveau de la fin de l’été 1929. Il semble bien que nous sommes actuellement très loin d’une telle chute.
La crise économique mondiale du siècle passé avait aussi eu sa source aux Etats-Unis. Eric Hobsbawm, un des meilleurs historiens actuels, estime dans son livre intitulé «Das Zeitalter der Extreme. Weltgeschichte des 20. Jahrhunderts» (Le temps des extrêmes. Histoire mondiale du XXe siècle) que «les Etats-Unis ont été l’épicentre du plus grand tremblement de terre qui ait jamais été enregistré sur l’échelle de Richter de l’histoire économique».
Il est tout à fait possible que la crise actuelle aura aussi d’énormes conséquences tectoniques au sein de l’économie globalisée.
Lors de la crise économique mondiale de 1929 à 1932/33, le chômage (selon des statistiques officielles qui ne comprenaient ni le travail à temps partiel ni le chômage des ouvriers agricoles) était monté en 1933 en Allemagne à 44,7%, aux Etats-Unis à 31%, en Angleterre à 23,2%. Cette crise qui fut déclenchée en octobre «le vendredi noir» à Wall Street à New York ne fut pas seulement la pire et la plus longue crise de l’histoire du capitalisme, mais aussi la première qui ne connut pas, par la suite, une relance solide. Elle s’enlisa dans une dépression de longue durée. Lors de la «relance» après 1933, le chômage se maintint en Grande Bretagne et en Suède à 17%, aux Etats-Unis à 20%.
Actuellement aussi, la crise financière a rapidement eu des effets négatifs sur l’économie réelle. Il ne se passe pas un jour sans que l’on annonce des réductions de production, du travail à temps partiel et des licenciements. Il n’apparaît toutefois pas que la crise actuelle puisse avoir des répercussions aussi catastrophiques sur le marché du travail que dans les années trente du siècle passé.
La différence essentielle entre les deux crises, réside dans les stratégies de maîtrise diamétralement contraires.
A l’époque, on avait eu affaire à un pur égoïsme. Les intérêts particuliers des Etats avaient annihilé tout effort en vue de lutter en commun contre la crise. En voici un exemple frappant: la Grande Bretagne renonça en septembre à la couverture or pour sa monnaie, mais interdit en même temps à l’Inde de détacher sa monnaie, la roupie, de la livre sterling anglaise; de ce fait tous les débiteurs indiens furent mis sous une énorme pression: le prix de l’or s’éleva d’environ 30% et les prêteurs imposèrent aux paysans indiens de vendre leur or.
L’énorme masse d’or qui, ainsi, s’écoula de l’Inde permit de soutenir la livre sterling. Mais en même temps, on assista à un effondrement des prix du blé et du riz, ce qui porta un coup fatal aux exportations de l’Inde.
Dans les années trente du siècle passé, on tenta de résoudre la crise par une politique de déflation, c’est-à-dire par une baisse continue et générale des prix tant des marchandises que des services. Il s’agit donc, par là, de maintenir stable la valeur de la monnaie et de sa masse, ainsi que de limiter les dépenses budgétaires.
Aujourd’hui, les hommes d’Etats et les leader du monde économique s’y prennent de toute autre façon. La masse monétaire courante, réduite par la crise d’au moins 30 000 milliards n’est pas maintenue en stabilité, ni réduite comme dans les années trente, mais les banques centrales et les Etats ont, selon les dernières nouvelles, soit promis, soit déjà injecté plus de 4000 milliards dans le cycle monétaire et selon certains experts ce chiffre pourrait même atteindre 6000 milliards.
Au contraire des années trente, les dépenses budgétaires ne sont pas limitées, mais on tente par une politique de «financement au découvert» (donc de s’engager consciemment dans une politique d’endettement afin de redonner par des investissements et des stimulations un élan à l’économie) d’adoucir la crise.
Du fait qu’on espère par cette politique commune (même s’il y a des différences de détails dans les stratégies et dans l’utilisation des instruments adéquats) pouvoir réduire les effets de la crise, il n’est pas vraiment nécessaire d’entreprendre des initiatives locales, telles celles que Wörgl avait lancées dans les années trente.
Néanmoins, l’expérience de Wörgl – tout spécialement dans une période économiquement difficile, comme celle qui est en vue – nous transmet encore aujourd’hui un message fondamental:
Premièrement: il n’est pas vrai que les petites gens ne peuvent que se croiser les bras en attendant de savoir ce que ceux «d’en haut» vont décider. Il y a toujours des possibilités, dans son aire, d’entreprendre quelque chose et d’obtenir des résultats.
Deuxièmement: si l’on veut obtenir des résultats, il faut être capable de surmonter les barrières idéologiques et les préjugés de partis pour travailler ensemble. Cela exige des compromis, qui valent de toute façon mieux que de subir sans défense les conséquences de la crise.
Troisièmement: Il est erroné de prétendre que, suite à une «loi naturelle», les humains sont des êtres qui ne cherchent que la lutte, la concurrence sans pitié et qu’ils sont poussé par la cupidité, comme tente de nous le faire croire le capitalisme sauvage actuel. Non, les humains sont des êtres capables de solidarité et de compassion. Et c’est une belle tâche que de rappeler et de développer ces valeurs à tout moment.

Wolfgang Broer