Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°27, 12 juillet 2010  >  Le gouvernement allemand prévoit le dé­mantèlement de grandes banques en difficulté [Imprimer]

Le gouvernement allemand prévoit le dé­mantèlement de grandes banques en difficulté

Le gouvernement fédéral allemand veut, si besoin est, pouvoir démanteler de grandes banques en difficulté et endiguer par une taxe obligatoire les opérations à risques des établissements bancaires. L’Etat doit pouvoir détacher d’importants secteurs d’une banque, également contre la volonté de l’établissement. Cela ressort d’un projet de loi de restructuration que l’Agence de presse allemande dpa avait en main le 28 juin à Berlin.
Ainsi seraient réglementés également les détails de la taxe obligatoire prévue pour tous les établissements de crédit d’Allemagne. Avec le produit de cette taxe on va créer un «fonds de restructuration». Le montant de la contribution annuelle dépendra du volume d’affaires, de la taille de l’établissement et de l’importance de ses liens avec les marchés des capitaux. On parle actuellement d’un produit annuel pouvant atteindre 1,2 milliard d’euros.
Cette loi a essentiellement pour but d’éviter que des banques soient insolvables et que l’Etat soit forcé de sauver des établissements d’importance systémique avec des fonds publics. Des banques importantes pour le système financier devraient être assainies très tôt.
Selon la loi, les établissements en crise pourraient d’abord résoudre leur problème eux-mêmes grâce à une «procédure d’assainissement». Suivrait une «procédure de réorganisation». Il serait possible de voter contre ses actionnaires s’ils s’opposent à une restructuration.
Pour contrer une menace systémique, les créances non garanties envers l’établissement pourraient être réduites avec le consentement des créanciers ou transformées en capital propre. Si les personnes concernées ne sont pas disposées à contribuer à la réorganisation ou si la procédure ne semble pas prometteuse, l’autorité de surveillance financière BaFin peut intervenir immédiatement.
Au besoin, l’Etat doit pouvoir agir dans une «procédure d’intervention souveraine» et détacher des parties d’importance systémique d’un établissement. Elles pourraient être cédées à un acquéreur privé ou, s’il ne s’en trouve pas, à une «banque relais» publique.
C’est l’autorité de surveillance financière qui doit décider de l’«importance systémique». Elle peut déjà désigner un envoyé spécial avant une situation critique et exiger des plans de restructuration pour détourner un danger.
Les éléments principaux de la taxe obligatoire ont été présentés fin mars. On parle toujours d’établissements de crédit, pas d’assurances ni de sociétés d’investissement. En cas de besoin financier extraordinaire, on pourra prélever des montants spéciaux et si cela ne suffit pas, l’Etat fédéral pourra contracter en faveur du fonds un crédit restreint qui devra être également remboursé par les banques.
Les banques ne peuvent pas déduire la taxe obligatoire de leurs impôts et reporter ainsi indirectement ces coûts sur les contribuables. Les taxes spéciales destinées à alimenter le fonds de crise sont déductibles après un sinistre.
La base de calcul de la taxe bancaire sera fixée plus tard par un décret du ministère des Finances. Le montant doit être supportable et ne sera prélevé que si l’établissement est «performant» et a réalisé un bénéfice au cours de l’année. Les sociétés de faible rendement ne paieront qu’une taxe minimum.
Il est prévu de faire passer de cinq à dix ans le délai de prescription pour les fautes professionnelles commises par des directeurs de société cotées en Bourse. Il sera alors possible de réclamer des dommages-intérêts lorsque les fautes ne sont connues que plus tard.    •

Source: dpa du 28/6/10
(Traduction Horizons et débats)

«Quand une banque est trop grande pour être restructurée financièrement, cela veut dire que, si elle est au bord de la faillite, il n’y a qu’un seul bailleur de fonds: le contribuable. Et en vertu de cette doctrine inédite et non prouvée, des centaines de milliards ont été versés au système financier. S’il est vrai que les plus grandes banques d’Amérique sont trop grandes pour être ‹résolues›, il y a de lourdes conséquences pour l’avenir de notre système bancaire – des conséquences qu’à ce jour le gouvernement américain ne veut pas admettre. Si, par ex­emple, les porteurs d’obligations jouissent d’une garantie de fait parce que les institutions sont trop grandes pour être restructurées financièrement, l’économie de marché ne peut plus exercer aucune discipline réelle sur les banques. Celles-ci ont accès aux capitaux à meilleur prix qu’elles ne devraient, parce que ceux qui les fournissent savent que les contribu­ables épongent les pertes. Dès l’instant où l’Etat donne sa garantie explicite ou implicite, les banques ne supportent pas tous les risques liés à chacune de leurs décisions: les risques qui pèsent sur les marchés (les actionnaires, les porteurs d’obligations) sont inférieurs à ceux qui pèsent sur l’ensemble de la société, donc les ressources n’iront pas au bon endroit. Puisque les banques trop-grandes-pour-être-restructurées ont accès aux fonds à des taux d’intérêt inférieurs à ce qu’ils devraient être, il y a distorsion de l’en­semble du marché des capitaux. Ces banques vont se développer aux dépens de leurs rivales plus petites qui ne sont pas garanties. Elles vont pouvoir facilement dominer le système financier, non par leurs prouesses et leur ingéniosité supérieures mais parce qu’elles ont le soutien tacite de l’Etat. Il faut le voir clairement: ces banques trop-grandes-pour-être-restructurées ne peuvent pas opérer comme des banques normales.» (p. 204 sqq.)
«Toutes les grandes banques améri­caines, nous l’avons vu, sont devenues trop grandes pour faire faillite; et, sachant qu’elles l’etaient, elles ont pris des risques, comme la théorie économique le prédisait. […]
Il y a une solution évidente pour éviter les banques trop grandes pour faire fail­lite: les diviser. Si elles sont trop grandes pour faire faillite, elles sont trop grandes pour exister. Autoriser le maintien de ces institutions gigantesques ne pourrait se justifier que si leur démantèlement faisait perdre d’importantes économies d’échelle ou d’envergure – autrement dit, si ces institutions étaient tellement plus efficaces que les plus petites qu’il serait très coûteux de restreindre leur taille. Je n’ai vu aucune preuve de cela. En fait, c’est le contraire qui est prouvé: ces institutions trop-grandes-pour-faire-faillite, trop-grandes-pour-être-résolues-financièrement, sont aussi trop grandes pour être gérées. Leur avantage compétitif vient de leur pouvoir de monopole et des subventions implicites de l’Etat.
Cette idée n’a rien d’extré­miste. Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, l’a exprimée avec presque les mêmes mots: «Si l’on pense que certaines banques sont trop grandes pour faire faillite, […] alors c’est qu’elles sont trop grandes.» Paul Volcker, ancien président de la Fédéral Reserve, a été le coauteur d’un rapport publié en janvier 2009 et qui formule aussi cette idée.» (p. 276 sqq.)
«Les grandes banques ont sur les autres un avantage compétitif qui ne repose pas sur une force économique réelle mais sur les distorsions induites par la garantie implicite de l’Etat. Avec le temps, le risque existe d’avoir un secteur financier de plus en plus distordu.
Les grandes banques ne sont pour rien dans le dynamisme que peut avoir l’économie américaine. Les synergies tant vantées de la fusion entre diverses composantes du secteur financier ont été un fantasme; on voit mieux aujourd’hui les échecs de gestion et les conflits d’intérêts. Bref, il y a peu à perdre et beaucoup à gagner à diviser ces mammouths. Les activités qu’elles ont mêlées à leur métier – compagnies d’assurances, banques d’affaires, tout ce qui n’est pas absolument essentiel à la fonction cen­trale d’une banque de dépôt – doivent leur être enlevées.
Le processus de démantèlement risque d’être lent, et de se heurter à une résistance politique. Même en cas d’accord de principe pour limiter la dimension des banques géantes, il peut y avoir des faiblesses dans sa mise en œuvre. C’est pourquoi il faut attaquer sur trois plans: diviser en plusieurs morceaux les institutions trop-grandes-pour-faire-faillite; restreindre énergiquement les activités autorisées à toute grande institution restante; calibrer la garantie des dépôts et les règles d’adéquation des fonds propres pour «égaliser le terrain de jeux». Puisque ces institutions imposent de plus gros risqués à la société, on doit leur faire obligation d’avoir davantage de capital et de payer plus cher la garantie des dépôts. Toutes les réglementations évoquées jusqu’ici doivent être appliquées à ces institutions avec encore plus de rigueur. En particulier, il ne faut pas les autoriser à avoir des structures d’incitation de leur personnel (notamment de leur personnel de direction) qui encouragent l’excès de risque et la vue courte. Les restrictions imposées à leurs activités peuvent se traduire par des profits faibles pour les grandes banques – mais c’est normal. Leurs profits élevés d’hier étaient dus à une prise de risque aux dépens des contribuables américains.
Il faut forcer les banques trop-grandes-pour-faire-faillite à revenir au métier fastidieux de la banque traditionnelle.» (p. 278 sqq.)
«L’Etat doit pouvoir empêcher l’apparition de situations ou des banques sont trop-grandes-pour-faire-faillite, trop-grandes-pour-être-résolues ou trop-entremêlées-pour-être-résolues. L’Etat doit pouvoir effectuer un choix sérieux – et non être «obligé» de faire ce qu’il s’est prétendu obligé de faire dans la crise actuelle: donner aux banques des fonds illimités en protégeant tant les actionnaires que les porteurs d’obligations.» (p. 282 sqq.)

Source: Joseph E. Stiglitz, Le triomphe de la cupidité, Les liens qui libèrent 2010                     ISBN 978-2-018597-05-6

Les Etats-Unis mettent en route une réforme des finances

Tirant les leçons de la crise financière, les Etats-Unis ont mis en route une réforme historique du secteur bancaire et des marchés.
Comme à la suite de la crise économique mondiale des années 1930, l’Etat renforce sa mainmise sur le secteur financier qui avait soustrait ses opérations les plus spéculatives à tout contrôle et avait ainsi provoqué les désordres les plus lourds de consé­quence qui se soient produits depuis près de 80 ans.
Aux Etats-Unis, les banques et les investisseurs doivent se conformer à des règles plus sévères et permettre plus de transparence avant tout dans le négoce des produits dérivés qui représente des milliards et attire un grand nombre de spéculateurs. Ces produits financiers sont considérés comme des accélérateurs d’incendie de la crise qui a atteint son point culminant lors de la débâcle de la banque d’investissement Lehman en septembre 2008.
On interdit en grande partie aux banques le négoce à propre compte.
Les Etats-Unis veulent limiter la croissance des établissements afin de ne plus devoir agir comme dans le cas de Lehman et de ne plus devoir sauver le secteur à l’aide de milliards de dollars.
Le deuxième objectif important était d’avoir un meilleur contrôle des opérations spéculatives qui ont fait le malheur du secteur pendant la crise. Lorsque des crédits hypothécaires titrisés ont soudain perdu massivement de leur valeur à cause de l’effondrement du prix des maisons aux Etats-Unis, un grand nombre d’établissements financiers se sont effondrés dans le monde entier. Suite à cela, la conjoncture a stagné et a dû être remise en marche grâce à des aides gouvernementales à hauteur de milliards de dollars.
Le président américain a vanté cette loi comme étant un progrès historique, avant tout pour les clients des banques et les contribuables. Selon Obama, la réforme offre aux consommateurs une protection comme ils n’en ont jamais connu au cours de l’histoire des Etats-Unis. Un organe de protection des consommateurs édictera des règles pour les cartes de crédit et les crédits hypothécaires.
Malgré l’atténuation de nombreux points, la réforme est plus impor­tante que ce à quoi on s’attendait il y a six mois. Suite aux pressions de l’opinion publique, le projet de loi du Sénat voté en mai a largement dépassé ce que la Chambre des représentants avait voté. En fin de compte, les Chambres se sont rencontrées à mi-chemin.
Le projet de loi sera à nouveau soumis au vote des deux Chambres.

Source: Reuters, 25/6/10

***
km. Le communiqué de l’agence Reuters montre qu’on ne s’engage pas seulement en Allemagne mais aussi aux Etats-Unis sur la voie d’une régulation judicieuse des marchés financiers. Le projet de loi présenté est un compromis et d’après ce qu’on sait maintenant, il va dans la bonne direction: Le danger que le contribuable doive passer à la caisse uniquement parce qu’une banque est trop grande pour se soumettre aux lois du marché est réduit; on limite ou on contrôle de manière plus sévère les opérations d’investissement hautement spéculatives, notamment entre les banques. Les clients sont mieux protégés.