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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°24, 21 juin 2010  >  Résultat de la Conférence sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement [Imprimer]

Résultat de la Conférence sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement

Résolution adoptée par l’Assemblée générale (A/RES/63/303) du 9 juillet 2009, troisième partie

ef. Dans les deux dernières éditions d’Horizons et débats, nous avons publié 38 des 59 points de la Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 9 juillet 2009. L’adoption du document final de la «Conférence sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement», qui a eu lieu du 24 au 30 juin 2009, a établi les Etats G 192 comme un forum adéquat, qui s’occupe des thèmes touchant la communauté mondiale en entier.
En ce qui concerne ce document, il s’agit d’un document de consensus qui reflète les réflexions sur le défi le plus profond du XXIe siècle et qui a été négocié par 192 pays.
D’un côté il contient les résultats des propositions de la commission d’experts dirigée par Joseph Stiglitz. De l’autre côté, il y a le rapport de la section principale de l’ONU «Département des affaires économique et sociale» (Daes) ainsi que les prises de position des représentants et des chefs d’Etat des 192 membres de l’ONU, de la communauté internationale.
Un autre résultat de la conférence est le «groupe ad hoc» qui a été instauré le 31 juillet 2009 par l’Assemblée générale pour une durée illimitée, avec la mission de poursuivre les thèmes du document final.
Les points déjà présentés ont donné une vue commune sur l’ampleur, la dimension, les raisons et les conséquences de la crise. Une autre partie de la résolution insiste sur la nécessité accrue d’une coopération et d’une coordination des mesures de politique financière et économique des pays. Avec des propositions concrètes, on développe des solutions possibles dont tous profitent. Entre autre avec des «mesures qui visent à l’encouragement d’une croissance économique durable, l’abolissement de la pauvreté et le développement durable.»
Avec des propositions concrètes on exige sans cesse une façon de penser et d’agir pour le bien de la communauté mondiale entière et cela sur une base d’égalité. La crise économique mondiale exige une coopération multilatérale renforcée.
La troisième et dernière partie de la résolution, que nous publions ci-dessous, traite – avec de nouveau beaucoup de propositions concrètes – l’amélioration de l’architecture internationale de la finance et de ses institutions, avec lesquelles pourront être éliminés les faiblesses systémiques et les déséquilibres du système économique et financier mondial.
Chaque point de ce document invite le lecteur à une réflexion approfondie et à la discussion.
* * *

Amélioration de la réglementation et du contrôle

37 La crise actuelle a mis au jour les nombreuses lacunes que la réglementation et la supervision financières présentent sur les plans national et international. Nous reconnaissons toute l’importance qui s’attache au développement du champ de la réglementation et de la supervision et au renforcement de l’efficacité de celles-ci, en ce qui concerne tous les grands centres, instruments et acteurs financiers, notamment les institutions financières, les agences de notation financière et les fonds spéculatifs. La nécessité de mieux réglementer et coordonner les mesures d’incitation, les produits dérivés et les transactions portant sur des contrats types paraît évidente. Nous ­sommes opposés à des dispositions réglementaires in­utilement contraignantes et sommes partisans d’une réglementation efficace, crédible et applicable à tous les niveaux, de façon à garantir la transparence et la supervision requises du système financier. Toutes les institutions pertinentes doivent être assujetties à une réglementation et à une surveillance adéquates et proportionnées. Il nous paraît important que tous les pays réglementent leurs marchés, institutions et instruments financiers, compte tenu de leur situation et de leurs priorités en ma­tière de développement, ainsi que de leurs engagements et obligations internationaux. On ne saurait sous-estimer l’importance de la volonté politique et du renforcement des capacités afin de s’assurer que les mesures prises sont pleinement exécutées.
38 Il faut veiller à ce que toutes les juridictions fiscales et tous les centres financiers soient soumis à des normes de transparence et de réglementation. Nous redisons qu’il faut continuer à promouvoir la coopération internationale en matière fiscale, y compris au sein de l’Organisation des Nations Unies, notamment en encourageant les accords visant à éviter la double imposition. Des cadres intégrés de coopération devraient garantir la participation et un traitement sur un pied d’égalité de toutes les juridictions. Nous demandons qu’on veille à une application cohérente et non discriminatoire des obligations en matière de transparence et des normes internationales régissant l’échange d’informations.
39 Les flux financiers illicites représenteraient un montant plusieurs fois supérieur à celui de l’aide publique mondiale au développement et ils ont des conséquences néfastes pour le financement du développement. Les dispositions visant à renforcer la réglementation, le contrôle et la transparence du système financier formel et informel devraient donc comprendre des mesures de réduction de ces flux dans tous les pays. Améliorer la transparence du système financier mondial a d’ailleurs un effet dissuasif sur les flux financiers illicites, notamment les flux à destination des centres financiers internationaux, et facilite la détection des activités illégales.
40 La crise actuelle s’est aggravée du fait que l’on n’a pas su mesurer assez tôt l’ampleur des risques qui s’accumulaient sur les marchés financiers et qui menaçaient de déstabiliser le système financier international et l’économie mondiale. Nous reconnaissons la nécessité pour le FMI de surveiller avec efficacité et impartialité les grandes places financières, les flux de capitaux internationaux et les marchés financiers. Dans ce contexte, nous nous félicitons du fait que les institutions internationales compétentes ont renforcé leurs dispositifs d’alerte précoce de façon à pouvoir signaler assez tôt les risques financiers et macroéconomiques et recommander les mesures à prendre pour se prémunir contre eux.
41 La crise en cours a mis en évidence le degré élevé d’intégration de nos économies, l’indivisibilité de notre bien-être collectif et le caractère illusoire d’une politique de plusvalues à court terme. Nous réaffirmons les principes du développement durable et soulignons l’importance de parvenir à un consensus mondial sur des valeurs et des principes fondamentaux favorisant un développement économique durable, juste et équitable. Nous considérons que la responsabilité sociale et environnementale des entreprises doit être une composante importante d’un tel consensus. Nous confirmons donc l’im­portance à cet égard des 10  principes qui sous-­tendent le Pacte mondial des Nations Unies.
Réforme du système financier et éco­nomique mondial et de son architecture
42 La crise a imprimé un nouvel élan aux discussions internationales sur la ré­forme du système financier et économique mondial et de son architecture, et notamment sur les questions de mandat, de compétence, de gouvernance, de réactivité et d’orientation du développement. Il existe un consensus sur la nécessité de continuer à réformer et moderniser les institutions financières internatio­nales afin de les mettre mieux à même de relever les défis économiques et financiers actuels et de répondre aux besoins des Etats membres et afin de leur donner les moyens de renforcer leurs missions actuelles de suivi, de sur­veillance, d’assistance technique et de co­ordination, chacune selon son mandat, et ceci en vue d’empêcher la répétition de crises simi­laires.
43 Nous soulignons qu’il importe de réformer d’urgence la gouvernance des institutions de Bretton Woods, sur la base d’une juste et équitable représentation des pays en développement, afin d’accroître la crédibilité et d’élargir la responsabilité de ces institutions. Ces réformes doivent refléter fidèlement les réalités nouvelles et renforcer le point de vue, la voix et la participation des marchés émergents dynamiques et des pays en développement, notamment les plus pauvres d’entre eux.
44 Nous demandons que soient menés rapidement à bien la réforme de la gouvernance de la Banque mondiale et l’établissement d’une feuille de route accélérée vers de nouvelles réformes sur la répartition des voix et la participation des pays en développement, afin de parvenir à un accord d’ici à avril 2010, selon une approche inspirée par son mandat au service du développement et en impliquant tous les actionnaires dans un processus transparent, consultatif et sans exclusive. Nous appelons aussi à des consultations sans exclusive sur de futures réformes visant à améliorer la réactivité et l’adaptabilité de la Banque mondiale.
45 La Banque mondiale ainsi réformée devra impérativement disposer des moyens techniques, des facilités de crédit et des ressources financières voulus pour soutenir et faciliter les efforts déployés par les pays en développement pour mettre en place les conditions du développement.
46 Nous considérons qu’il importe de renforcer les banques régionales de développement en tenant compte des intérêts de tous leurs Etats membres. Il importe aussi que ces banques offrent à leurs clients l’aide à moyen et à long terme dont ils ont besoin pour leur développement. Nous appuyons les mesures visant à renforcer la capacité financière et les moyens de crédit des banques régionales de développement. Nous reconnaissons aussi l’importance des autres initiatives et dispositifs régionaux, interrégionaux et sous-régionaux qui visent à promouvoir le développement, la coopération et la solidarité entre leurs membres.
47 Nous considérons qu’il est impératif de lancer, à titre prioritaire, une ample et prompte réforme du FMI. Nous attendons avec intérêt cette réforme accélérée, qui devra accroître la crédibilité et la responsabilité du Fonds. Nous prenons note de l’accord sur l’accélération de la mise en œuvre des réformes sur les voix et les quotes-parts du FMI qui ont été convenues en avril 2008. Nous soutenons vigoureusement le prochain examen des quotes-parts, prévu pour janvier 2011 au plus tard, qui, si les tendances actuelles se confirment, devrait déboucher sur une augmentation de la part des économies dynamiques, notamment celle des marchés émergents et des pays en développement pris globalement, et renforcer en conséquence la légitimité et l’efficacité du Fonds.
48 Nous réaffirmons la nécessité de répondre à la préoccupation bien connue que suscite l’insuffisante représentation des pays en développement dans les grandes institutions normatives. Nous nous félicitons donc de l’accroissement du nombre des membres du Conseil de stabilité financière et du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, dans lequel nous voyons un premier pas dans la bonne direction, et nous encourageons les grandes institutions normatives à revoir promptement la composition de leurs organes directeurs et, tout en améliorant leur efficacité, à accroître selon qu’il conviendra la représentation des pays en développement dans ces organes.
49 Nous convenons que les chefs et les dirigeants des institutions financières internationales, en particulier les institutions de Bretton Woods, devraient être nommés à l’issue d’une sélection ouverte, transparente et fondée sur le mérite, en tenant dûment ­compte des principes d’égalité des sexes et de répartition géographique et régionale équitable.
50 La complémentarité des mandats respectifs de l’Organisation des Nations Unies et des institutions financières internationales rend d’autant plus cruciale une bonne coordination entre elles. Nous appelons donc à une coopération, une coordination, une cohésion et des échanges constants et croissants entre l’Organisation des Nations Unies et les institutions financières internationales. Nous considérons que la présente conférence représente un pas important vers une coopération accrue.
La voie à suivre
51 Nous nous sommes réunis pour avoir une meilleure appréciation collective des incidences de la crise et pour contribuer ensemble à la formulation d’une réponse internationale se déclinant en mesures à prendre aux niveaux national, régional et international.
52 Nous nous efforcerons de conjuguer nos réponses de court terme de façon à amortir l’impact immédiat de la crise économique et financière, en particulier sur les pays les plus vulnérables, étant entendu que nos réponses de moyen et de long terme impliqueront nécessairement la recherche du développement et une révision du système économique mondial. Dans ce cadre, nous nous proposons de prendre les mesures ci-après:
a)    Renforcer les moyens d’action, l’effica­cité et l’efficience de l’Organisation des Nations Unies; améliorer la cohérence et la coordination des politiques et des activités entre l’Organisation, les institutions financières internationales et les organisations régionales compétentes;
b)    Renforcer encore l’action globale que les organismes des Nations Unies qui s’occupent de développement ont engagée face à la crise en soutien aux stratégies natio­nales de développement, en l’inscrivant dans une stratégie dûment coordonnée des fonds, programmes et institutions spécialisées des Nations Unies au niveau des pays. Il faut que cette action continue d’être animée par les pays concernés et, dans ce ­contexte, qu’elle réponde aux vulnérabilités créées ou exacerbées par la crise et qu’elle ren­force l’appropriation au niveau national. Elle doit faire fond sur les mesures déjà prises par les organismes des Nations Unies qui s’occupent de développement, en particulier au niveau des pays. Nous exhortons la communauté internationale à apporter le soutien voulu à l’action engagée par les organismes des Nations Unies face à la crise;
c)    Chercher les moyens de renforcer la coopération internationale dans le domaine des migrations internationales et du développement, afin d’apporter une réponse aux problèmes posés par la crise économique et financière du point de vue des migrations et des migrants, en tenant compte des travaux et activités menés par les fonds, programmes, institutions spécialisées et commissions régionales des Nations Unies et les autres organisations internationales compétentes, comme l’Organisation internationale pour les migrations.
53 Nous demandons à l’Assemblée générale, au Conseil économique et social et aux fonds, programmes et institutions spécialisées des Nations Unies de remplir pleinement leur mission de sensibilisation en plaidant la cause du relèvement et du développement des pays en développement, notamment les plus vulnérables parmi eux.
54 Nous invitons l’Assemblée générale à créer un groupe de travail à composition non limitée qui serait chargé d’assurer le suivi des questions évoquées dans le présent document final et de lui présenter un rapport sur ses travaux avant la fin de sa soixante-quatrième session.
55 Nous invitons le Président de l’Assemblée générale à faire de la question de la crise financière et économique mondi­ale et de son incidence sur le développement un thème prioritaire du débat général de l’Assemblée à sa soixante-quatrième session.
56 Nous demandons au Conseil économique et social:
a)    d’examiner la question de la promotion et du renforcement d’une action coordonnée des institutions spécialisées et des organismes des Nations Unies qui s’occupent du développement dans le suivi et la mise en œuvre du présent document final, en vue de favoriser la cohérence et l’unité nécessaires pour établir un consensus sur les politiques requises par la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement;
b)    de formuler des recommandations à l’Assemblée générale, comme le prévoit la Déclaration de Doha du 2  décembre 2008, sur un processus intergouvernemental inclusif, renforcé et plus efficace pour assurer le suivi de la question du financement du développement;
c)    d’examiner la question du renforcement des dispositifs institutionnels chargés de promouvoir la coopération internationale en matière fiscale, notamment le Comité d’experts de la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies;
d)    d’examiner, en collaboration avec les institutions concernées, l’application des accords conclus entre l’Organisation des Nations Unies et les institutions de Bretton Woods, en se concentrant plus particulièrement sur les possibilités d’amélioration de la collaboration et de la coopération entre l’Organisation et lesdites institutions, et sur les moyens de les faire concourir à la réalisation de leurs mandats respectifs;
e)    d’examiner l’opportunité de créer un ­groupe spécial d’experts sur la crise économique et financière mondiale et son incidence sur le développement et de formuler des recommandations à l’Assemblée générale là-dessus. Ce groupe serait chargé d’offrir en toute indépendance des conseils et des analyses techniques qui pourraient inspirer les mesures prises au niveau international et les décisions politiques et alimenter des dialogues et des échanges constructifs entre responsables politiques, universitaires, institutions et membres de la société civile.
57 Nous prions le Secrétaire général de rendre régulièrement compte au Conseil économique et social des travaux de l’Equipe spéciale de haut niveau sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire.
58 Nous invitons l’Organisation internationale du Travail à présenter le «Pacte mondial pour l’emploi» adopté par la quatre-vingt dix-huitième Conférence internationale du travail à la session de fond de juillet 2009 du Conseil économique et social, qui a l’intention de promouvoir une sortie de crise à haute intensité de main-d’œuvre inspirée par le programme pour un travail décent et de dessiner les grandes orientations d’une croissance durable.
59 Nous encourageons l’Union interparlementaire à continuer de contribuer à l’élaboration de réponses mondiales à la crise.    •

Source:  www.ipu.org/splz-f/finance09/unga-63-303.pdf

Les 10 principes du Pacte mondial des Nations Unies

Le Pacte mondial invite les entreprises à adopter, soutenir et appliquer dans leur sphère d’influence un ensemble de valeurs fondamentales, dans les domaines des droits de l’homme, des normes de travail et de l’environnement, et de lutte contre la corruption.
Les entreprises ayant signé le Pacte mondial sont invitées à
1.    promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits de l’homme dans leur sphère d’influence;
2.    veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l’homme;
3.    respecter la liberté d’association et à reconnaître le droit de négociation collective;
4.    éliminer toutes les formes de travail forcé ou obligatoire;
5.    participer à l’abolition effective du travail des enfants;
6.    éliminer la discrimination en matière d’emploi et de profession;
7.    appliquer l’approche de précaution face aux problèmes touchant l’environnement;
8.    entreprendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière d’environnement;
9.    favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement;
10.agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l’extorsion de fonds et les pots-de-vin.

«Dans ce livre, je me concentre surtout sur le FMI et la Banque mondiale parce qu’ils ont été au cœur des plus grands problèmes économiques des deux dernières décennies, dont les crises financières et la transition des pays ex-communistes vers l’économie de marché. Tous deux sont nés pendant la Seconde Guerre mondiale, à la suite de la conférence monétaire et financière des Nations unies à Bretton Woods, New Hampshire, en juillet 1944, dans le cadre d’un effort concerté pour financer la reconstruction de ­l’Europe dévastée par la guerre et sauver le monde de futures dépressions. Le vrai nom de la Banque mondiale – Banque internationale pour la reconstruction et le développement – rappelle sa mission initiale. […] Une mission plus difficile fut assignée au FMI: assurer la stabilité économique du monde.
La dépression planétaire des années trente était très présente à l’esprit des négociateurs de Bretton Woods: le capitalisme avait alors affronté sa crise la plus grave jusque-là. La Grande Dépression avait touché le monde entier et fait monter le chômage à des niveaux sans précédent. Au pire moment, le quart de la population active des Etats-Unis avait été sans travail.»

(Extrait de: Joseph E. Stiglitz, La ­Grande Désillusion, p. 39 sqq.)

«Le bouleversement le plus spectaculaire dans ces organismes internationaux a eu lieu au cours des années quatre-vingt, quand Ronald Reagan et Margaret Thatcher prêchaient l’idéologie du libre marché aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Le FMI et la Banque mondiale sont alors devenus les nouvelles institutions missionnaires chargées d’imposer ces idées aux pays pauvres réticents, mais qui avaient souvent le plus grand besoin de leurs prêts et de leurs dons.» (p. 42)

«Dans les années quatre-vingt, une purge a eu lieu à la Banque mondiale au sein de son département de la recherche, qui guidait sa pensée et son orientation. Hollis Chenery, l’un des économistes du développement les plus éminents des Etats-Unis, professeur à Harvard, à qui l’on devait des contributions fondamentales sur la recherche en économie du développement ainsi que dans d’autres domaines, avait été le conseiller et le confident de Robert McNamara. Celui-ci avait été nommé président de la Banque mondiale en 1968. Touché par la pauvreté qu’il constatait dans tout le tiers monde, il avant réorienté la politique de la Banque de manière à ce qu’elle œuvre à son élimination, et Chenery avait rassemblé un groupe d’écono­mistes de premier ordre, venus du monde entier, pour travailler avec lui. Mais, avec le changement de la garde, un nouveau président arriva en 1981.  […]
Dans ce nouveau climat der ferveur idéologique, beaucoup des économistes de première grandeur qu’avait réunis Chenery sont partis.» (p. 42 sqq.)

«Un demi-siècle après sa fondation, il est clair que le FMI a échoué dans sa mission. Il n’a pas fait ce qu’il était censé faire – fournir des fonds aux pays confrontés à une récession pour leur permettre de revenir à une situation de quasi-plein emploi. En dépit des immenses progrès accomplis depuis cinquante ans dans la compréhension des processus économiques, et malgré les efforts du FMI, les crises, dans le monde entier, se sont faites plus fréquentes depuis un quart de siècle, et aussi plus graves (si l’on excepte la Grande Dépression). Selon certains calculs, près d’une centaine de pays en ont subi. Pis: de nombreuses mesures promues par le FMI, en particulier la libéralisation prématurée des marchés des capitaux, ont contribué à l’instabilité mondiale. Et, lorsqu’un pays s’est trouvé en crise, non seulement les fonds et les prescriptions du FMI n’ont pas réussi à stabiliser sa situation mais, dans bien des cas, ils l’ont dégradée, en particulier pour les pauvres.
Le FMI a échoué dans sa mission initiale, promouvoir la stabilité mondiale  ; et il n’a pas été plus brillant dans les nouvelles tâches qu’il s’est fixées, par exemple guider la transition des pays ex-communistes vers l’économie de marché.» (p. 45 sqq.)

«Les idées et intentions qui ont présidé à la création des institutions économiques internationales étaient bonnes mais, au fil des ans, elles ont peu à peu évolué et se sont totalement transformées. L’orientation keynésienne du FMI, qui soulignait les insuffisances du marché et le rôle de l’Etat dans la création d’emplois, a cédé la place à ­l’hymne au libre marché des années quatre-vingt, dans le cadre d’un nouveau «consensus de Washington» – le consensus entre le FMI, la Banque mondiale et le Trésor américain su la bonne politique à suivre pour les pays en développement – qui a marqué un tournant radical dans la conception du développement et de la stabilisation.» (p. 46 sqq.)

Joseph E. Stiglitz

La Grande Désillusion

ISBN 978-2-253-15538-6

«Le FMI a fait des erreurs dans tous les domaines où il est intervenu: le développement, la gestion des crises et la transition du communisme au capitalisme. Les plans d’ajustement structurel n’ont pas apporté la croissance forte, même aux Etats – comme la Bolivie – qui se sont pleinement pliés à leurs rigueurs. Dans de nombreux pays, une cure d’austérité excessive a étouffé la croissance. Le succès d’une stratégie économique exige un soin extrême dans l’établissement du calendrier – l’ordre dans lequel sont effectuées les réformes – et dans le choix du rythme. Si, par exemple, les marchés sont ouverts trop précipitamment à la concurrence, avant la mise en place d’institutions financières fortes, les emplois vont être détruits plus rapidement qu’on ne pourra en créer de nouveaux. Dans bien des pays, des erreurs de calendrier et de rythme ont abouti à une hausse du chômage et de la pauvreté. Après la crise asiatique de 1997, la politique du FMI a exacerbé les difficultés en Indonésie et en Thaïlande. Les réformes «de marché» en Amérique latine ont connu un ou deux succès – on ne cesse de citer le cas du Chili –, mais la majorité des pays du continent n’ont pas encore rattrapé la décennie de croissance perdue qui a suivi les «redressements» prétendument réussis du début des années quatre-vingt, opérés par le FMI. Beaucoup ont aujourd’hui un taux de chômage élevé, devenu chronique – l’Argentine, par exemple, où il est à deux chiffres depuis 1995 –, même si l’inflation a baissé. Enfin, dans les pays qui ont connu un peu de croissance, celle-ci a profité aux riches, et tout particulièrement aux très riches (les 10% supérieurs); la pauvreté est restée forte; parfois, les revenus des plus défavorisés ont baissé.» (p. 49 sqq.)