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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°13/14, 11 avril 2011  >  «On assista au bradage d’une nation» [Imprimer]

«On assista au bradage d’une nation»

Russie

A la fin de l’année dernière, la nouvelle condamnation de Mikhaïl Khodorkovski, ancien président du groupe pétrolier Yukos, a été unanimement condamnée par les médias. Khodorkovski a été qualifié de «martyr». En conséquence, il a été décoré de la Médaille Rainer-Hildebrandt par le délégué allemand aux droits de l’homme Markus Lönig (FDP), médaille récompensant «l’engagement pacifique en faveur des droits de l’homme». Les médias n’ont absolument pas parlé des aspects négatifs de ce «martyr», de ses agissements sans scrupules et de l’origine de son immense fortune: En très peu de temps, il était devenu l’homme le plus riche de Russie. C’était un parvenu de l’«anarcho-capitalisme» de l’ère Eltsine. Il semblait que la Russie était tombée aux mains de la criminalité organisée. Chantage, corruption, assassinats, vols étaient monnaie courante. Il était devenu possible pour des hommes d’affaires sans scrupules de gagner des milliards pratiquement du jour au lendemain. Cette période de l’histoire russe ne fut possible que grâce à la «thérapie de choc» appliquée par Boris Eltsine sur les recommandations de conseillers occidentaux, surtout américains, ainsi que d’organisations internationales et de la haute finance afin de mettre sur pied quasiment d’un jour à l’autre une économie de marché à l’américaine. C’est ainsi que les «oligarques» amassèrent des fortunes incroyables aux dépens de l’Etat russe et de la population. Si Boris Eltsine fut réélu en 1996, c’est essentiellement grâce à la reconnaissance de sept oligarques dont faisaient partie Boris Berezovski, Vladimir Potatine et Mikhaïl Khodorkovski. C’était l’époque où des groupes pétroliers publics comme Yukos, Sibneft, Surgut neftegas, Lukoil, le producteur de nickel Norilsk Nikel et d’autres furent bradés («privatisés» pour une bouchée de pain). Cela entraîna des conséquences dramatiques pour la Russie car l’Etat subit de plus en plus l’influence de la criminalité organisée.
Le journaliste britannique David Pryce-Jones a évoqué cette période dans son livre The Strange Death of the Soviet Empire (New York, Holt, 1995): «Au cours des 18 derniers mois de son existence, l’Union soviétique devint un paradis pour les hommes d’af­faires audacieux et sans scrupules. La totalité de son capital de production, toutes ses ressources et ses stocks de marchandises furent pillés et ce butin fut redistribué. On assista au bradage d’une nation.»
Khodorkovski fit lui aussi jouer ses relations politiques en Russie et à l’étranger avec toutes les conséquences que cela impliquait. C’est Vladimir Poutine qui mit fin aux agissements des oligarques. Il mit en garde contre de nouvelles implications et menaça d’enquêter sur l’origine des fortunes. Berezovski et Gussinski en tirèrent les conséquences et quittèrent la Russie. La famille du premier émigra en Israël et lui-même se rendit en Grande-Bretagne. Gussinski devint citoyen israélien et créa dans l’Etat hébreu un empire médiatique. Khodorkovski resta, voulant tenir tête à Poutine. Il ne manqua pas une occasion de montrer qu’il se sentait lié à l’Occident. Lorsqu’il voulut fusionner Yukos et Sibneft, groupes stratégiquement importants – le second appartenait à Roman Abramovitch – et les vendre ensuite à ExxonMobile (Rockefeller), Poutine en eut assez, d’autant qu’il avait été menacé verbalement par Khodor­kovski lors d’un différend personnel. Poutine fit enquêter sur ce dernier puis le fit arrêter. Les délits qui lui sont reprochés seraient également punissables en Occident. Khodor­kovski comptait fermement que son immense fortune et ses amis occidentaux, comme Kissinger, Rockefeller, Rothschild, et le lobby pro-Israël aux Etats-Unis le protégeraient de toutes poursuites.    •

Source: interinfo, suite 387, mars 2011