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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°7, 18 février 2013  >  De la protestation à la démocratie directe [Imprimer]

De la protestation à la démocratie directe

par Anton Friedrich

L’importance grandissante des consultations, des référendums et des initiatives dans l’espace de l’Union européenne pour permettre au souverain, donc aux électeurs et électrices d’un pays, de prendre des décisions politiques, est présenté de manière exemplaire à l’aide de quelques exemples.
L’Islande apparaît comme un excellent exemple d’alternative au sauvetage des banques sur le dos des contribuables. Les Islandais ne se sont pas contenté de critiquer la pratique en vigueur dans la zone euro, mais ont, lors de deux consultations populaires, imposé à une large majorité à leur gouvernement de renoncer à la socialisation des dettes bancaires déjà décidée. La grande majorité des Islandais ne se préoccupent pas du refroidissement diplomatique de la Grande Bretagne et des Pays-Bas dont les banques doivent prendre sur elles les dettes accumulées. Ils ont l’habitude du froid, mais leurs geysers les réchauffent. C’est un exemple à suivre.
Les Autrichiens ont, lors d’une consultation populaire, décidé à une large majorité de conserver l’obligation générale de servir et le service civil. La participation de 50% des votants dépassait largement les prévisions. Seuls 40% se sont prononcés en faveur une armée de métier et un service civil volontaire. 60% ont voté en faveur du maintien du service militaire obligatoire. Les partisans d’une armée de métier (SPÖ, Verts, BZÖ, ainsi que le nouveau parti Team Stronach) peuvent difficilement ignorer la volonté populaire. Alors même que le résultat de la votation n’est pas impératif, tous les partis se sont déclarés prêts à respecter la volonté populaire. Il va de soi que les partisans et les adversaires du service militaire obligatoire interprètent très différemment ce résultat en vue des prochaines élections en automne. Le rôle du milliardaire, qui jusqu’alors vivait au Canada, Frank Stronach, qui fut fêté en tant que sauveur des usines Adam Opel en Allemagne, apparaît ambigu depuis son retour en Autriche. D’une part, son parti Team Stronach, recommande la sortie de l’obligation de servir, mais par ailleurs il suit le Général de Gaulle dans sa conception d’une Europe des patries. Il est vrai que le Team Stronach ne veut pas de résiliation du Traité de Lisbonne, mais empêcher une intensification du centralisme en Europe. Il critique l’euro et le MES, mais sans proposer d’alternative crédible. Frank Stronach devra encore se dévoiler. Veut-il un agenda 2013 léger pour l’Autriche ou veut-il sortir de l’euro?
En Irlande, l’effondrement de la bulle de l’immobilier a mené le pays au bord de la ruine. Elle a éclaté en 2008. De nombreux Irlandais perdirent et leur travail et leur logement. Le gouvernement imposa au pays un plan d’épargne rigoureux sur le dos des contribuables et de l’aide sociale. Et aujourd’hui? La capacité concurrentielle de l’Irlande augmente et en 2012 l’économie irlandaise a crû du double de celle de l’espace euro. De ce fait, Goldmann Sachs et d’autres institutions recommandent d’investir en Irlande, cela d’autant plus que le Fonds monétaire international s’attend à ce que l’Irlande caracole en tête en 2013 en matière de croissance économique en Europe et tiendra ainsi tête à la morosité générale. Selon le gouvernement irlandais, le pays a souffert des référendums sur l’UE et ne peut donc pas être soupçonné d’avoir incité la Grande-Bretagne à interroger sa population. L’Irlande vient de prendre la présidence tournante de l’UE. Mais le peuple irlandais, le tigre celtique, est de retour. Il lui suffit de bondir.
Les Britanniques veulent décider par référendum s’ils veulent rester dans l’UE. Le Premier ministre David Cameron a déclaré, lors de son discours sur l’UE, et se basant sur la «frustration grandissante» de la population, que le peuple britannique devait pouvoir choisir librement. «Il est temps que le peuple britannique se prononce … La Grande-Bretagne a toujours été une puissance européenne et le restera … Je ne suis pas isolationniste.» De ce fait la Grande-Bretagne doit renégocier sa relation avec l’UE. Lors de sa première réaction, la chancelière allemande, Angela ­Merkel, se tint très en retrait, en affirmant qu’«il fallait constamment avoir un regard sur le fait que d’autres pays peuvent avoir d’autres désirs.» Par contre, le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, n’y alla pas par quatre chemins: «Tout ne doit pas être décidé par Bruxelles, mais une politique consistant à choisir selon ses vœux ne peut pas fonctionner.»
Quant aux personnages comme José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, et Herman van Rompuy, président du Conseil européen, ils se taisent, eux qui sont si prodigues de paroles. Même le président du Parlement européen, ­Martin Schulz, omniprésent dans les médias, n’a rien trouvé de mieux à dire que «c’est un exemple dangereux.» La porte-parole de la Commission, qui prend pourtant des allures de vestale, repousse toutes les questions des journalistes. Ce serait un événement unique dans l’histoire de l’Union européenne. Elle refusa non seulement de s’exprimer sur la critique de Cameron, mais aussi d’expliquer publiquement comment se passerait la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne selon l’article 50 du traité. Bruxelles se bloque et laisse venir. Si les Britanniques devaient voter pour la sortie de l’UE, il faudrait l’aval des 26 autres pays. De telles négociations s’étireraient sur plusieurs années. Est-ce que cela fera plier les Britanniques? Certainement pas, il suffit de jeter un regard sur l’histoire de la Grande-Bretagne.
En Allemagne, des citoyens engagés ont lancé, le 21 janvier 2013, une initiative populaire pour la sortie du MES qui fut annoncée au président du Parlement, Lammert. L’initiative se fonde sur l’article 20, al. 2 de la Loi fondamentale, qui déclare que tout pouvoir d’Etat émane du peuple qui exerce ses pouvoirs au moyen d’élections et de votations. Les signataires s’appuient, en outre, sur le jugement du Tribunal constitutionnel fédéral du 12 septembre 2012. Selon lui, la décision concernant le MES n’est pas une affaire juridique, mais politique, qui relève donc de la volonté du peuple. Le Bundestag a accepté le 7 juin 2002 par vote nominal l’introduction au niveau fédéral de l’initiative populaire, la demande populaire et la référendum populaire (Volksinitiative, Volksbegehren, Volksentscheid). On peut trouver de plus amples information sur cette initiative sur Internet à l’adresse www.volksentscheid-esm-austritt.de. Tous les citoyens allemands, âgés de plus de 18 ans et ayant le droit de vote, ont le droit de signer cette initiative. Elle sera valable dans la mesure où 400'000 signatures auront été récoltées. Le Tribunal constitutionnel fédéral a confirmé explicitement la possibilité de sortir du traité sur le MES.
Au cours des dernières années, les citoyens et citoyennes ont exprimé de plus en plus fort leur volonté de participer aux décisions politiques, ce qui pourrait permettre de combler le fossé séparant la volonté populaire et les agissements de la classe politique. Les droits de codécision de la population ont été largement développés ces dernières années dans les Länder et utilisés avec succès. Accorder plus de pouvoirs de décisions à la population renforce le sentiment de responsabilité lors de prises de décisions importantes. Cela renforce l’intérêt porté à la chose publique et la volonté d’y participer. C’est tout au profit de la démocratie et diminue l’écœurement politique. La possibilité pour la population d’exprimer sa volonté est un élargissement de la démocratie parlementaire et correspond à faire vivre l’article 20 al. 2 de la Loi fondamentale: «Tout pouvoir d’Etat émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations …». (mise en évidence par l’auteur)    •
(Traduction Horizons et débats)