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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°14, 7 avril 2008  >  Physiciens nucléaires suisses en faveur de la proscription des armes à l’uranium appauvri [Imprimer]

Physiciens nucléaires suisses en faveur de la proscription des armes à l’uranium appauvri

bha. André Gsponer a été l’un des premiers physiciens nucléaires suisses qui s’est engagé en faveur de la proscription des armes à l’uranium. Les études de Gsponer et collaborateurs montrent que c’est probablement le «lobby du nucléaire» qui est la force institutionnelle la plus puissante derrière le développement et l’utilisation des armes à l’uranium appauvri (UA). Dans tous les Etats possédant des armes nucléaires, il s’engage énergiquement en faveur d’une banalisation de toutes les sortes de matériaux nucléaires, comme des armes nucléaires actuelles ou futures.

Ci-dessous, nous résumons les arguments de Gsponer pour qu’ils ne restent pas sans écho:
1.    D’après le droit international, les armes à l’UA sont illégales et sont en contradiction avec les «règles de la guerre».
2.    Les armes à l’UA ne doivent pas être classées comme des armes conventionnelles. Elles appartiennent à une catégorie diffuse de «low radiological-impact nuclear weapons» auxquels appartiennent aussi les nouveaux engins explosifs «low-yield».
3.    Le seul contexte dans lequel l’utilisation de la munition à l’UA pourrait être considérée comme «sensée» serait une guerre nucléaire. C’est pour cette raison que pendant la Guerre froide beaucoup de mili­taires ont considéré la munition anti-blindés à l’UA comme partie tolérable d’une stratégie de dissuasion contre une attaque massive de chars du Pacte de Varsovie possédant des armes nucléaires. Mais en 1991 l’Irak n’avait pas d’armes nucléaires. Cela rend la première utilisation d’armes à l’UA pendant la guerre du Golfe de 1991 spécialement choquante car ainsi le tabou, vieux de 46 ans, de l’utilisation délibérée de radioactivité sur le champ de bataille a été brisé.
4.    «On a dû utiliser la munition la plus effective pour obtenir des résultats rapides» était l’argumentation militaire. Cependant la plupart des blindés irakiens n’étaient pas de la dernière génération, et tout comme l’utilisation de projectiles à l’uranium contre les véhicules et les chars légèrement blindés de l’armée yougoslave cela représentait aussi en Yougoslavie un réel «overkill».
5.    Les armes à l’uranium étaient dispo­nibles mais elles n’avaient jamais été testées sur le champ de bataille. Avec leur utilisation en 1991 un tabou vieux de 46 ans a été brisé. Les armes à l’UA ont toujours un effet radiologique de longue durée, comparable aux armes à fusion développées récemment. Selon Gsponer, il n’y a pas de preuves directes que cette réflexion ait joué un rôle dans le processus de décision. Cependant, avec une analyse plus poussée et suite à un grand nombre d’indications indirectes (cf. A. Gsponer, J.-P. Hurni, B. Vitale: A comparison of delayed radiobiological effects of depleted-uranium munitions versus fourth-generation nuclear weapons, Report IsRi-02-07, Contributed to YUNSC-2002, Belgrade, Yugoslavia, 30 septembre au 4 octobre 2002) on peut déduire que les planificateurs de la guerre étaient clairement conscients des conséquences de l’utilisation d’armes à l’UA. On ne peut surtout pas nier que l’utilisation de matériaux radioactifs en Irak et en Yougoslavie ait créé un précédent militaire et juridique. De plus, c’était un moyen pour tester pour la première fois l’acceptation de futures armes provoquant une radioactivité «low level». (Et véritablement, il semble que l’utilisation de ces armes ait été acceptée et que d’autres actions militaires n’en ont pas pâti.)
6.    Depuis près de 50 ans déjà, il y a un débat dans les milieux militaires spécialisés en faveur ou contre l’utilisation d’uranium ou de tungstène dans les munitions anti-chars. L’utilisation de pénétrateurs à l’UA en Irak et en Yougoslavie a renforcé l’opposition aux armes à l’uranium. Depuis 1991, aucun Etat ayant auparavant décidé de ne pas intégrer l’uranium appauvri dans son arsenal militaire n’a changé de politique. Et tandis que la US-Navy avait déjà renoncé aux armes à l’uranium longtemps avant la guerre du Golfe, l’US-Airforce n’a décidé qu’en 2003 que la génération future des munitions anti-blindés ne contiendrait plus d’uranium appauvri.
7.    L’utilisation d’une grande quantité d’uranium appauvri a un effet radiologique comparable à l’engagement lors de combats de bombes nucléaires à fusion de beaucoup de kilotonnes d’équivalent TNT.
La pollution radioactive à long terme, c’est-à-dire la charge radioactive qui résulte de l’utilisation de l’uranium appauvri dans le pays en guerre, peut être comparée hypothétiquement à l’utilisation de plusieurs milliers de systèmes d’armes de précision ayant tous une tête de combat de la quatrième génération avec une puissance explosive correspondant à plusieurs tonnes d’un explosif hautement explosif. Ces possibilités qui ne sont vraiment pas de nature purement hypothétique jettent une lumière dramatique sur l’importance stratégique et politique de cette rupture de tabou.
8.    Selon Gsponer, on peut dire en résumé que l’utilisation d’armes à l’UA en Irak et en Yougoslavie, où il n’y avait guère de justification militaire, a avant tout servi une intention politique: Celle de l’introduction pas à pas d’armes nucléaires de la quatrième génération qui produisent une contamination radioactive comparable.
La supposition est fondée qu’on voulait tester aussi bien la violence de l’opposition qui prévaut dans l’opinion publique de l’Occident contre l’apport de radioactivité sur les champs de bataille. De plus on voulait habituer la population mondiale à l’utilisation d’uranium appauvri et d’armes nucléaires de la quatrième génération lors des guerres actuelles et futures.     •