Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°41, 1 octobre 2012  >  Négociations sans ingérence de puissances extérieures [Imprimer]

Négociations sans ingérence de puissances extérieures

Syrie

Déclaration de Hans Köchler, président de l’«International Progress Organization»

«Sans ingérence extérieure: cela signifie que les combattants étrangers et les mercenaires, y compris le personnel des services de renseignement occidentaux, doivent quitter le pays.»

En prenant en compte les résultats désastreux de la politique occidentale en Libye, que pourrait-on proposer pour éviter les mêmes erreurs dans le cas de la Syrie et de l’Iran?

Hans Köchler: L’intervention militaire de l’OTAN en Libye n’a pas seulement amené un «changement de régime» désastreux, mais a conduit à la fragmentation politique du pays et à une situation d’anarchie. Elle a profondément déstabilisé la situation politique en Afrique du Nord et au Moyen-Orient – avec des répercussions qui se font jour désormais en Syrie où des armes libyennes sont maintenant dans les mains des insurgés. Les pays occidentaux n’ont pas agi de bonne foi et ont exploité la Résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité pour leurs propres intérêts stratégiques. L’adoption de la résolution concernant la Libye, soi-disant motivée par de nobles objectifs humanitaires, a été possible en raison de l’abstention de deux membres permanents, à savoir la Chine et la Russie. Il est essentiel que les puissances occidentales au sein du Conseil de sécurité – les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni – ne profitent pas une fois de plus d’une carte blanche du Conseil qui leur permettrait d’entreprendre une intervention armée en Syrie ou en Iran et ceci avec la bénédiction supposée de la communauté internationale.
L’élément essentiel d’une solution au conflit syrien doit être une négociation entre les parties syriennes concernées et ceci sans ingérence extérieure. Cela signifie que les combattants étrangers et les mercenaires, y compris le personnel des services de renseignement occidentaux, doivent quitter le pays. Des pays voisins comme la Turquie ne doivent pas permettre, à partir de leur territoire, l’infiltration de combattants étrangers en Syrie ainsi qu’un appui logistique aux insurgés. Cette assistance constitue une violation flagrante du droit international et en particulier des principes énoncés à l’article 2 de la Charte des Nations Unies. Le nouvel envoyé de l’Organisation des Nations Unies, Lakhdar Brahimi, devrait bénéficier du support de tous les Etats membres dans ses efforts de médiation et ceci sur les bases du plan élaboré par son prédécesseur Kofi Annan. Contrairement aux initiatives menées par les «Amis de Syrie» qui sont en fait les «Amis de l’opposition syrienne», les principaux pays du Moyen-Orient peuvent conjointement jouer un rôle utile pour faciliter les négociations. La proposition du président égyptien Mohamed Morsi pour la formation d’un «Groupe de contact» constitué par l’Egypte, l’Iran, l’Arabie saoudite et la Turquie, doit être sérieusement pris en compte. (L’Iran ne doit pas être exclu d’une telle initiative régionale.) Ce qui doit être évité par tous les moyens est un parti pris en faveur d’un clan particulier ou groupe en Syrie. Dans une situation conflictuelle domestique, toute action partisane venant de puissances étrangères rendra pratiquement impossible un règlement pacifique et durable du conflit. Pour l’instant, les deux organisations régionales existantes – la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la Coopération islamique – ne peuvent pas jouer un rôle constructif, parce que ces deux organisations ont suspendu l’adhésion de la Syrie, devenant de facto parties prenantes de ce conflit. Un «groupe de travail» bilatéral tel qu’entre les Etats-Unis et un Etat régional (notamment la Turquie) sera également contre-productif pour un règlement pacifique puisque exposant l’ensemble de la région à un ordre du jour géopolitique d’une lointaine superpuissance et risque de conduire à la «globalisation» d’une guerre régionale avec des conséquences dangereuses pour tous les Etats impliqués (y compris la Turquie).

Concernant la dimension civilisationnelle du conflit syrien, comment voyez vous l’avenir des relations islamo-occidentales?

En raison de la diversité culturelle et religieuse de la Syrie, les conflits internes dans ce pays ont des répercussions sur les relations entre le monde musulman et occidental en général. Si le fanatisme religieux prévalait et si l’Etat syrien s’effondrait, la situation des chrétiens –qui ont vécu dans le pays depuis l’époque de Jésus – pourrait devenir intenable avec des répercussions dans toute l’Europe et le Moyen-Orient. Dans le même temps, les relations entre communautés sunnite et chiite dans le monde musulman tout entier seraient sérieusement affectées. Les Etats qui se sont déclaré «Amis» de l’«Alliance des civilisations» de l’Organisation des Nations Unies, telles l’Arabie saoudite et la Turquie, ne doivent pas continuer leur participation au conflit armé en Syrie. Leurs interventions n’ont pas seulement sapé la crédibilité de l’ONU en ce qui concerne le dialogue inter-civilisationnel et interculturel mais risquent désormais de conduire la région dans une longue guerre sectaire avec des conséquences inattendues pour les Etats impliqués et des conséquences imprévisibles pour le monde entier.     •

Vienne, le 23 août 2012

Source: publié par World Public Forum le 24/8/12 sur www.wpfdc.org
(Traduction Horizons et débats)