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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°9, 5 mars 2012  >  Souveraineté, dignité, courage, crise économique et risque qu’il y a à vouloir satisfaire tout le monde [Imprimer]

Souveraineté, dignité, courage, crise économique et risque qu’il y a à vouloir satisfaire tout le monde

A propos de l’attitude du gouvernement américain à l’égard de la Suisse

me. Remarques à propos des deux articles ci-contre:
A considérer la situation dans son ensemble, on constate que les Etats-Unis forcent brutalement la main à la place financière suisse. Ils accusent une douzaine de banques. Les unes ont pris les devants et négocient humblement, les autres gardent leur sang-froid et assurent qu’elles ne se laisseront pas intimider. C’est la stratégie adoptée par la Banque Wegelin. Il y va de la souveraineté nationale. Au territoire national correspond un peuple et sa compétence souveraine de fixer les règles sur ce territoire. Dans son essence, ce système est valable depuis la Paix de Westphalie de 1648. La législation d’un pays est valable uniquement sur son territoire.
Or depuis un certain temps, les Etats-Unis font comme si leurs lois étaient également applicables aux particuliers et aux sociétés d’autres pays. Aussi accusent-ils des banques suisses d’avoir violé le droit américain. Or le droit américain est valable aux Etats-Unis. En Suisse, on ne peut contrevenir qu’au droit interne (mis à part les accords de droit international, dont il n’est pas question ici). C’est pourquoi la Banque Wegelin n’a pas comparu devant des juges américains. Elle n’opère pas aux Etats-Unis et n’a pas incité des citoyens américains à violer les lois américaines. En outre, l’acte d’accusation n’a pas suivi la voie habituelle de l’entraide judiciaire, des Etats-Unis à Saint-Gall en passant par Berne. Les Etats-Unis font comme s’ils pouvaient citer devant leurs tribunaux n’importe qui sur cette terre.
Ce ne serait qu’une mascarade de carnaval si l’on ne constatait pas depuis longtemps que la justice américaine est un «capital» de l’Empire américain, au même titre que la Réserve fédérale, la haute technologie, la puissance militaire et la destruction culturelle. Depuis longtemps, on y prend en otage de manière criminelle des employés de banque étrangers si bien que plus personne ne veut plus s’y rendre à moins d’être obligé. Il faut que le gouvernement suisse remette les choses à leur place. On verra si, outre-Atlantique, on ira jusqu’à envoyer un commando des forces spéciales des Navy Seals à Saint-Gall comme à Abottabatt (Ben Laden), si l’«affaire» va être réglée à l’aide de drones – qui permettent maintenant aux Américains d’éviter les procès et Guantánamo – ou s’ils comprendront, comme l’a déclaré récemment un secrétaire d’Etat suisse, que Switzerland n’est pas le Swaziland.
Dans la guerre économique, la guerre psychologique joue un rôle important. La Suisse en fait l’expérience depuis le conflit «Suisse–Seconde Guerre mondiale» des années 1990. Il faudrait réactiver ces expériences. Suzette Sandoz, professeur et ancienne conseillère nationale, l’a récemment écrit très justement (cf. Horizons et débats no 1 du 9/1/12):
«Comme les Etats-Unis vivent, pour d’autres raisons, une crise économique analogue, on peut hélas bien parler de guerre économique mondiale. Cette guerre, qui n’est pas militaire, implique d’abord des méthodes d’intimidation psychologique pour obtenir des avantages financiers. Et c’est sur ce plan notamment que le Conseil fédéral, mais aussi le Parlement, doivent être très fermes et unis. Il ne faut jamais céder à une accusation quelconque de type moral car c’est là que l’on essaie de nous ‹avoir›, sachant que nous voudrions être des parangons de vertu.»
Il n’est donc pas question de fraude fiscale, ce qui permettrait de faire de la Suisse un paria. C’est un prétexte malhonnête. Il s’agit de pouvoir, il s’agit de ramener de l’argent aux Etats-Unis, là où l’on en manque. On sait peu que dans certains Etats américains, comme le Delaware, il est beaucoup plus facile de blanchir de l’argent et de frauder le fisc qu’en Suisse et sur le continent européen (exception faite des îles pirates). Au Delaware, lorsqu’on ouvre un compte, on ne doit même pas présenter une pièce d’identité. L’ayant-droit économique peut rester dans l’ombre. Et les structures juridiques comme les trusts, qui sont interdites chez nous parce qu’elles se prêtent particulièrement bien au blanchiment d’argent, sont là-bas le moyen le plus utilisé. La lettre du conseiller national Blocher (reproduite ci-contre) attire l’attention sur ce fait.
Dans la guerre psychologique, on ne doit pas non plus oublier la «5e colonne». Quels Suisses sont à la solde de la partie adverse? On peut se demander quels intérêts défendent les différents représentants d’associations helvéto-américaines lorsqu’ils se montrent si malins et distribuent des notes.
Ajoutons le fait que des filiales suisses de banques américaines profitent sans vergogne du secret bancaire pour effectuer des opérations très étranges et ne sont pas inquiétées par la justice américaine.
Finalement, ceux qui conservent une grande partie de nos réserves d’or devraient se montrer moins arrogants. Chavez a rapatrié au Venezuela ses réserves d’or. Chez nous, une initiative populaire demande une démarche semblable. Et les Américains utilisent nos installations militaires du Valais où nos récepteurs espions dirigent leurs antennes vers le ciel. Cela ne doit pas obligatoirement rester ainsi.
Pourquoi ne sommes-nous pas plus dignes, plus virils? Nous devrions nous montrer prévisibles. Ce qui est valable pour nous est également valable pour les autres, et l’inverse est également vrai. Les mêmes règles pour tous et non pas deux poids deux mesures. Pourquoi ne laissons-nous pas de sang-froid partir certaines multinationales nerveuses plutôt que de nous incliner toujours plus bas devant elles et de faire aux baillis actuels des concessions indignes. Qu’ils aillent établir leurs quartiers généraux à New York! Ils se souviendront bientôt avec nostalgie de la Suisse, pays respectueux du droit. Nous préférons être plus pauvres et plus courageux mais plus libres et plus loyaux – comme nos ancêtres.