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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°40, 24 septembre 2012  >  La démocratie directe existe aussi en Allemagne [Imprimer]

La démocratie directe existe aussi en Allemagne

«Tout pouvoir d’Etat émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations […].»

par Ewald Wetekamp

En Allemagne, des gens prennent la parole à tous les niveaux politiques pour exiger le droit de regard et l’autodétermination. «Nous ne pouvons de toute façon rien changer – ceux là-haut font ce qu’ils veulent» – cette phrase résignée, en tant qu’expression d’un paternalisme politique a eu sa légitimité pendant un certain temps. Mais aujourd’hui aucun citoyen ne peut esquiver sa responsabilité, car depuis les années 90, la démocratie directe a commencé sa marche triomphale en Allemagne. Les citoyens allemands ne sont de loin pas aussi dégoûtés de la politique qu’on veut nous le faire croire, ils sont avant tout méfiant face au danger de se «faire berner». La soumission totale envers les autorités, comme au temps des empereurs, a disparu depuis belle lurette.

Jusqu’en 1990, les possibilités d’un impact au niveau de la démocratie directe dans les länder et les communes allemandes étaient encore très faibles. Sur pression d’un grand nombre de citoyens, qui ont constamment exigé leurs droits démocratiques à plusieurs niveaux, beaucoup de länder et de communes ont accordé, au cours des deux dernières décennies, à leurs citoyens de plus en plus de droits de démocratie directe. Depuis 2006, tous les 16 länder allemands connaissent la démocratie directe au niveau du land et des communes. La ville-Etat de Hambourg devance tous les autres länder et se trouve à la pointe du «classement référendums» de l’association «Direkte Demokratie». A plusieurs reprises, Horizons et débats a présenté les activités des citoyens hambourgeois, des associations et des personnes privées qui ont fait avancer la démocratie directe à Hambourg.

Des demandes de référendum dans tous les domaines de la vie publique

Mais il y a aussi des activités dans d’autres länder. Voici quelques exemples couronnés de succès: Une demande de référendum [«Volksbegehren»] en Thuringe s’est employée avec succès «pour une meilleure politique familiale», les Berlinois ont réussi avec leur demande de référendum «Halte aux traités secrets – nous Berlinois voulons récupérer notre eau», précisons qu’il y a eu plusieurs demandes de référendum contre la privatisation, comme par exemple une à Leipzig qui s’est prononcée pour une interdiction de toute privatisation dans les domaines des services d’intérêt général1: «La santé n’est pas une marchandise – contre une privatisation complète des hôpitaux», à Hambourg, «Notre Hambourg – notre réseau», pour la réintégration dans la commune des réseaux d’énergie hambourgeois (ce processus n’est pas encore terminé). Dans le même sens va la loi sur la transparence qui a été adoptée suite à une demande de référendum, et qui force les autorités hambourgeoises à publier des informations importantes, ainsi par exemple tous les contrats de plus de 100 000 euros, qui touchent aux services d’intérêt général. Une telle loi est jusqu’à présent unique pour la République fédérale.
Quelques demandes de référendum s’opposent au délire des fusions de communes, par exemple une demande en Schleswig-Holstein – «Contre la fusion d’arrondissements sans leur consentement» –, une autre au Brandebourg – «Contre la fusion forcée de communes et pour le renforcement de l’autogestion communale» – (les deux cou­ronnés de succès), une autre en Saxe-Anhalt, qui s’est opposé à la constitution forcée de communes unitaires dans le cadre de la réforme communale, et qui n’a malheureusement pas eu de succès. Tout cela a débuté déjà en 1974 avec une demande de référendum en Rhénanie-du-Nord-Westphalie avec l’«Action volonté citoyenne – contre la réforme territoriale des communes de la Ruhr», qui a échoué jadis à cause du quorum très élevé.
Dans de nombreux länder, des citoyens se sont engagés en faveur d’une politique scolaire correspondante à leur volonté, outre les demandes de référendum connues de Hambourg, il y a eu celles en Basse-Saxe «Pour de bonnes écoles en Basse-Saxe» (le processus n’est pas encore terminé), en Schleswig-Holstein «Pour le maintien de la Realschule» (n’a pas abouti) et en Saxe «L’avenir exige l’école» qui a été couronnée d’un succès partiel, les initiateurs ont voulu empêcher la fermeture d’écoles et ont exigé des effectifs réduits dans les classes.

Ce sont les citoyens qui doivent lutter pour obtenir la démocratie directe

Il est frappant de voir le nombre de demandes de référendum qui exigent et atteignent une amélioration des possibilités de démocratie directe en Allemagne; là aussi, la ville hanséatique de Hambourg est en tête avec un grand nombre de diverses démarches dans ce sens. C’est cette lutte pour le développement des droits de démocratie directe qui a permis que les demandes de référendum de Hambourg ont pu être organisées en si grand nombre et avec un tel succès. Des citoyens de la ville-Etat de Brème ont exigé «Plus de démocratie lors des élections» et ont ainsi pu imposer un droit de vote plus démocratique avec la possibilité du vote cumulatif et du panachage. Des citoyens de Thuringe ont lutté pour «Davantage de démocratie en Thuringe» pour faciliter les demandes de référendum et les référendums [«Volksentscheid»] dans tout le land. En 1995 déjà, les citoyens bavarois ont obtenu à l’aide de la demande de référendum «Davantage de démocratie en Bavière» l’introduction du référendum au niveau communal.

Plus efficace que les initiatives citoyennes: la démocratie directe

Outre les activités pour les demandes de référendum [«Volksbegehren»] et les référendums [«Volksentscheid»], il y a de nombreux citoyens de notre pays qui s’engagent dans des initiatives citoyennes pour se faire entendre avec leurs requêtes justifiées. Ainsi, il y a des initiatives citoyennes en Basse-Saxe et en Thuringe contre la fracturation hydraulique,2 une méthode par laquelle on extrait du gaz naturel du sol. A l’aide de cette méthode, on injecte des produits chimiques hautement toxiques dans le sol qui menacent de causer d’énormes dégâts environnementaux. Les riverains des régions concernées sont indignés et choqués – ce qui est bien compréhensible – et s’y opposent. En Thuringe par exemple, une initiative citoyenne – qui s’est opposé avec succès à la culture de maïs OGM il y a quatre ans – s’est reformée pour s’opposer à cette technique dangereuse. Un tiers de ce magnifique land serait contaminé, une région d’arboriculture et de plantes rares, qui sert aussi au tourisme. Les citoyens ne le veulent pas et prennent les choses en main – ici, comme dans de centaines d’autres exemples, dans tout le pays. Avec beaucoup de succès, dans le cas de la fracturation en Thuringe: une expertise de l’Office fédérale de l’environnement a confirmé les doutes et les exigences de ces initiatives citoyennes. Le parti qui forme le gouvernement de la Thuringe est maintenant obligé de réagir.3 La Rhénanie-du-Nord-Westphalie ne veut pas admettre la fracturation hydraulique sur son territoire en raison des protestations des citoyens qui rendent attentifs aux dangers de cette technique. Dans d’autres cas, les citoyens luttent vainement pour leurs requêtes. Les instruments de la démocratie directe offrent à de telles initiatives citoyennes la possibilité d’imposer de manière efficace leurs demandes par voie légale qui lient en même temps les hommes politiques au niveau juridique. Une pétition, des protestations, des manifestations, de même que de longues listes de signatures de citoyens mécontents sont ignorées par les hommes au pouvoir aussi longtemps que nous, les citoyens, n’utilisons pas des instruments juridiquement valables pour nous imposer.

«… a donné un coup d’envoi pour toute l’Allemagne»

Ainsi, il faut aussi la démocratie directe au niveau fédéral. Toutes les demandes de référendum qui ont été faites jusqu’à présent en Allemagne ont eu lieu au niveau communal ou des länder. Jusqu’à ce jour, le référendum au niveau fédéral n’est pas prévu, bien que la Loi fondamentale précise: «Tout pouvoir d’Etat émane du peuple. Le peuple l’exerce au moyen d’élections et de votations […]».4 Actuellement, le Parlement du land de Schleswig-Holstein prépare un projet de loi pour l’introduction, au niveau fédéral, d’un référendum, qu’il veut déposer au «Bundesrat» (la représentation des länder de la République fédérale d’Allemagne, qui correspond au Conseil des Etats en Suisse, mais avec moins de compétences). Le SPD, les Verts, le SSW [Fédération des électeurs du Schleswig du Sud], le parti des pirates et le FDP l’ont soutenu. Ainsi la coalition a déclaré licite l’initiative initiée en Schleswig-Holstein par le «Bündnis für mehr Demokratie». La porte-parole du comité de «Mehr Demokratie e.V.» Claudine Nierth a déclaré: «Avec le succès de cette demande de recevabilité, les citoyens du Schleswig-Holstein ont donné un coup d’envoi pour toute l’Allemagne. Pour la première fois dans l’histoire, on a réussi à faire accepter une demande de référendum dans un land pour ensuite pouvoir initier l’introduction de référendums dans toute l’Allemagne. D’autres länder vont suivre.»5

Les politiciens se retrouvent au pied du mur

De plus en plus de politiciens sont amenés – ou même forcés – de s’engager pour davantage de démocratie directe, même si le refus domine encore. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie le nouveau gouvernement rouge-vert a convenu de biffer de la Constitution le tabou concernant les questions budgétaires des référendums au niveau fédéral.6 S’ils mettent cela en application, ce serait un pas important, car toutes les demandes qui touchent d’une manière ou d’une autre le domaine des finances d’un land sont jusqu’à présent exclus – ce qui est un tabou impensable en Suisse, où il va de soi que les citoyens décident eux-mêmes du taux d’impôts qu’ils sont prêts à payer. Jusqu’ à présent ce tabou existe dans tous les länder à l’exception de Berlin et de la Saxe. Mais la grande coalition prévoit aussi en Sarre le relâchement de cette restriction. En plus la Rhénanie-du-Nord-Westphalie veut abaisser le seuil des signatures pour les demandes de référendum: à la suite de demandes de recevabilité refusées par le Parlement du land, on pourra automatiquement lancer des demandes de référendum et des référendums. Jusqu’à présent c’était terminé après le refus du Parlement du land – à moins que les initiateurs aient recommencé à collecter les signatures nécessaires.
Horst Seehofer, le président du CSU et ministre-président de la Bavière, plaide pour le référendum et mène sa campagne électorale avec ce sujet.7 Le prédécesseur de Seehofer, Günther Beckstein, s’y rallie et plaide pour des référendums au niveau fédéral.8
Uniquement Wilfried Kretschmann, le ministre-président vert du Bade-Wurtemberg, ne l’entend pas de cette oreille, bien qu’il ait gagné les élections grâce à «Stutt­gart 21» et la revendication du référendum. Et maintenant, il ne veut plus en entendre parler? Les Hambourgeois ont réussi à faire adopter de meilleures conditions pour la démocratie directe, bien que les sénateurs hanséatiques ne se sentaient pas très à l’aise face à cette idée. A plusieurs reprises, ils ont ignoré des référendums ou ont annulé des décisions correspondantes. Les Hambourgeois ne se sont pas laissé faire. Pourquoi les citoyens des autres länder ne se laisseraient-ils pas inspirer?    •

1    www.buergerbegehren-leipzig.de: communiqué de presse de l’«Initiative Bürgerbegehren Leipzig» du 28/1/08
2     www.bergauf-bergkamen.de
3     L’expertise: www.umweltdaten.de/publikationen/pdf-1/14346.pdf 
4     Extrait de la Loi fondamentale, article 20, al. 2
5     www.mehr-demokratie.de: «Kieler Landtag für Volksentscheide», 13/6/12
6     www.mehr-demokratie.de: «Landesfinanzen sollen vors Volk», 25/8/12
7     www.mehr-demokratie.de: «Seehofer macht Volksentscheid zum Wahlkampfthema», 12/5/12
8     www.mehr-demokratie.de: «Günther Beckstein, Bayerischer Ministerpräsident a.D.», 6/3/12