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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°4, 1 fevrier 2010  >  La Suisse, nation née de la volonté collective et ouverte sur le monde [Imprimer]

La Suisse, nation née de la volonté collective et ouverte sur le monde

Exposition «Aufbruch in die Gegenwart. La Suisse en photographies 1840–1960» au Musée national de Zurich

par Urs Knoblauch, Fruthwilen TG

Avec leur collection de photos et la «Fondation Herzog» de Bâle, les collectionneurs Ruth et Peter Herzog sont un coup de chance particulier pour l’histoire culturelle de la photographie en Suisse. Leur donation de la collection précieuse de photos historiques au Musée national suisse est très précieuse. La visite de l’exposition qui dure jusqu’au 28 février vaut la peine. Chaque photo raconte un petit ou un grand morceau de l’histoire ­suisse – de l’économie, de la vie quotidienne, de l’agriculture ou du sport.
Les premières images montrent les débuts du jeune Etat fédéral; prises par des «photographes itinérants» elles continuent jusqu’à la Suisse moderne des années 60 avec la technologie de photographie moderne. Toute la gamme des photographies montre la Suisse, une nation qui sait ce qu’elle se veut, qui est sociale et efficace et qui s’engage dans la voie du succès de manière ouverte vers le monde et indépendante.
L’exposition nous permet de porter un regard tant sur la vie privée que sur la vie publique en mettant en avant les trois sujets suivants: «Du pays agricole au pays d’industrie et de service» avec des photos magnifiques de l’agriculture, «Un pays se développe» avec la construction du réseau ferroviaire et routier et la construction des aéroports et «Les héros de la vie quotidienne».
Le regard dans la fonderie Sulzer à Winterthur de 1919 montre des ouvriers avec des moules gigantesques dans une usine impressionnante. Ou aussi les photos merveilleuses des grands photographes suisses Theo Frey (1908–1997) avec des aperçus de la vie scolaire des Grisons, et d’Ernst Brunner (1901–1979) qui a photographié le général Guisan de manière impressionnante lors du défilé dans le canton de Lucerne.
Les textes très personnels de Ruth et Peter Herzog qui accompagnent quelques photos touchent vraiment le cœur. Le visiteur lit par exemple sous une photo de groupe du directeur d’une fabrique suisse avec son personnel: «Le chef était sévère, mais juste». Une caractérisation toujours valable dans le monde économique d’aujourd’hui, sauf dans les entreprises mondialisées de manière radicale.
De nombreuses photographies laissent apparaître ce qu’on a perdu et d’autre ce qu’on a gagné. Mais, il y a quelque chose qui ­manque. Dans l’introduction du catalogue, Dieter ­Bachmann écrit: «C’est seulement quand quelque chose manque qu’on remarque qu’on le possédait. Stupéfait, on regarde qutour de soi. Est-ce que ce n’était pas là encore récemment? Quand et où l’avons-nous perdu? »
Dans le catalogue, on relie différents textes d’écrivains suisses avec les sujets des photos en un dialogue.

Proche de l’homme

Il est méritoire que les Bâlois Ruth et Peter Herzog collectionnent, depuis 1974, des photographies sur un grand nombre de thèmes, surtout sur l’histoire visuelle de la Suisse. Ce ne sont pas des prises de vue de photographes connus, mais des images issues de la vie de tous les jours, des albums de photos venant d’héritages de la population. Ils n’ont pas participé au marché de la photographie en pleine explosion. Lors d’une conversation on resent la conviction humaine et sociale des collectionneurs qui est issue de la mentalité suisse: «Il y a partout des images d’hommes qui se retrouvent, se marient, ont des enfants, les voient grandir et meurent, […] c’est dans une attitude discrète et simple que la vie d’une société est conservée le plus distinctement, car les êtres humains ne veulent pas y représenter quelque chose de spécial. […] Le quotidien est très différent partout.
Mais ce que montrent ces photos jusque dans les années 60, c’est une grande modestie en Suisse. La génération de mes parents en était encore empreinte; on donnait plus qu’on ne demandait. On produisait plus qu’on ne consommait. S’y ajoutait une grande fiabilité et honnêteté. Les gens pouvaient se fier les uns aux autres. Il y avait une solidarité qui les liait par-dessus toutes les couches de population et les professions.» (NZZ am Sonntag du 8/11/09)
Ainsi le Musée national suisse peut en tirer des rapports précieux pour les futures expositions. On y comprend clairement aussi la valeur de la procédure classique des négatifs-positifs. Ces photos qui ont plus de 100 ans, au début la daguerréotypie, sont de très haute qualité et à partir de négatifs on peut en tirer des copies encore aujourd’hui.
Le danger de la photographie digitale actuelle, avec son insécurité de sauvegarde des images à travers les décennies – et cela au travers de changements technologiques ­rapides – peut conduire à un manque de documents photographiques.
A la question, comment l’image de la Suisse changera, Peter Herzog répond: «Nous ne savons même pas qui le fera à l’avenir. Des albums de famille comme nous les connaissons disparaissent déjà parce que tout est sauvegardé digitalement. Lorsque le chip est plein d’images, il est effacé. Alors que nous avons des images autour de nous comme jamais auparavant, à la fin il n’en restera rien. Peut-être que ce sont les caméras de surveillance qui reprendront ce rôle et notre vie sera alors sur des rouleaux de film au fond d’une cave.» (NZZ am Sonntag du 8/11/09)
L’exposition incite à la réflexion sur ce qui est essentiel, sur la Suisse, le monde, et sur le vrai sens de la vie. Elle peut aussi donner des réponses à la question du début: Qu’est-ce qui manque aujourd’hui?
La contemplation longue et attentive de ces petits formats dans les vitrines du Musée national est un bon remède contre le flot d’images massif que nous subissons de nos jours.
Réjouissante aussi la brochure explicative à l’usage des enseignants et des écoles, avec des matériaux précieux. De même, de nombreuses manifestations d’accompagnement et des visites guidées sont offertes.     •

L’exposition au Musée national de Zurich dure ­jusqu’au 28 février 2010.
Pour plus d’informations: www.landesmuseum.ch
Tél.: +41 44 218 85 11