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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°14, 14 avril 2009  >  «Face à la paix dans le monde, nous avons tous les mêmes problèmes!» [Imprimer]

«Face à la paix dans le monde, nous avons tous les mêmes problèmes!»

Pour une nouvelle solidarité

Interview de Stanislas Bucyalimwe Mararo, président de l’Association Isôko-Kivu (AIK)

Horizons et débats: Tout d’abord – que veut dire, dans votre langue, le mot «Isôko» qui figure dans le nom de votre association?

Stanislas Bucyalimwe Mararo: Il signifie la «source». Nous avons toutes les raisons du monde à retrouver nos sources qui ont tellement souffert par la guerre. Nous avons besoin de les retrouver et d’y puiser de nouvelles forces, comme c’était le cas avant la guerre déjà. Or, notre population est essentiellement rurale, nous sommes des producteurs et disposons donc des qualités de ceux qui, partout dans le monde, cultivent la terre. Qu’on nous laisse, finalement, travailler en paix, qu’on nous permette enfin de retrouver le rythme normal de notre vie – et beaucoup de choses seront possibles. Avant la guerre, notre région, le Kivu, était le réservoir naturel de l’alimentation de toute notre immense patrie, le Congo. Nous avons même exporté des produits alimentaires.

Vos projets à court et moyen terme visent à donner les bases à vos populations pour que, dans votre champ d’action, la vie quotidienne normale puisse s’épanouir de nouveau. Face à toutes les destructions causées par la guerre, vous mettez beaucoup de poids sur les écoles, la formation. Vous voulez contri­buer à ce que la scolarité soit pratiquée de nouveau, sur tous les niveaux. Pourquoi le domaine de la scolarité vous préoccupe-t-il tant?

A court terme, il est évident que l’aide dans les domaines élémentaires de la survie s’impose: la reconstruction des bâtiments détruits, des champs, des rues, l’aide aux infrastruc­tures sanitaires, au bon fonctionnement de la vie quotidienne. C’est un de nos projets centraux de sensibiliser le public à connaître les vraies dimensions des destructions afin que tous ceux qui sont prêts à nous aider puissent se faire une idée juste de ce dont nous avons besoin. Nous sommes en étroit contact avec nos populations, nous les connaissons, nous connais­sons leurs besoins. Mais nous voilà face à la situation où on tente de décapiter notre peuple en tuant ses élites. A moyen terme, il est indispensable que nos enfants puissent de nouveau aller à l’école. Nous ne pouvons attendre, nous sommes obligés d’agir. Imaginez: Chez nous, un adolescent de seize ans n’a encore rien vu d’autre, pendant toute sa vie, que la guerre. D’autres enfants ont été contraints d’apprendre à tor­turer les populations civiles, pour le compte de diverses formations militaires. Or, il est urgent que nos enfants aient de nouveau accès à la scolarisation, à la formation. Nous devons garantir un avenir à nos populations, nous devons les aider à le retrouver.

Face aux dimensions de la catastrophe, les tâches semblent immenses. Comment réaliser vos projets?

Nous voulons, avant tout, aider la population rurale. Il s’agit là de la partie de la population qui a souffert le plus, pendant la guerre et avant déjà. Nous devons les encourager à entamer la reconstruction. C’est là le but de nos projets à l’immédiat. Naturellement, cela dépend aussi des fonds qui sont à disposition. Mais c’est nous qui devons faire le premier pas, et les hommes et les femmes sont résolus à le faire, avec ce dont nous disposons. Il s’agit là surtout de notre courage, de notre énergie, de nos capacités inventives. Puisque nous sommes en contact très étroit avec nos populations, nous sommes capables de réaliser des projets qui répondent à leurs vrais besoins.

Quel genre d’aide attendez-vous de nous Occidentaux?

Nous sommes assez réalistes pour savoir qu’il n’y a qu’une sorte d’aide durable: celle qui encourage à nous aider nous-mêmes. Mais là, il importe que les hommes et les femmes de bonne volonté dans le monde entier sachent que chacun et chacune compte. Si l’intérêt existe vraiment de connaître notre situation, la volonté augmentera de chercher de bonnes solutions, ensemble avec nous. C’est ainsi que davantage de solidarité se crée, et ainsi beaucoup de choses se réaliseront. Il y a nombreuses possibilités de contact direct, de collaboration directe, tout cela peut évoluer, peut prendre des dimensions plus larges. C’est ainsi que je conçois cette nouvelle solidarité qui est en train de se développer. Elle se réalise moins entre gouvernements, entre organisations humanitaires, mais plutôt entre individus, entre classes d’élèves, entre groupes d’étudiants, entre sociétés civiles. Face à la paix durable dans le monde, nous avons tous les mêmes pro­blèmes!    •

(Propos recueillis par Peter Küpfer)