Thomas Brändle: Le secret de Montreuxpar Peter KüpferUn roman exceptionnel, de la plume d’un écrivain habitant la Suisse centrale, Thomas Brändle: un labyrinthe où le lecteur se retrouve dès le début dans la peau du commissaire qui enquête sur deux crimes particulièrement brutaux, à connotation économique. L’auteur rassemble les morceaux d’un puzzle de plus en plus inquiétant pour composer un tableau qui, lentement, privera le lecteur de sommeil. Dès le début, deux coups résonnent, secouant à la fois le public, la classe politique, les médias et chaque contemporain. Peu de jours avant la Fête nationale suisse, deux meurtres abjects ont été commis, presque simultanément, dont les victimes sont deux représentants de la Suisse moderne: Christoph Landolt, conseiller fédéral et depuis peu élu président de la Confédération, et Jean-Claude Lehmann, président de la Banque nationale suisse. Un roman-«clé» politique, mais pas seulementPrenons d’abord Christoph Landolt lui-même, la première victime. Il jouissait pleinement de la vie, c’était un homme politique avec des prises de positions claires qui lui garantissaient le soutien de son parti, l’UDC, et de larges couches de la population. A l’époque, il avait fait campagne, avec beaucoup d’énergie, contre l’intégration de la Suisse à l’EEE, il combattait les courbettes suisses à l’UE et luttait contre le bradage de la patrie. Il porte par conséquent certains traits de l’ancien conseiller fédéral suisse Christoph Blocher. Dans l’esprit de Gottfried KellerIl n’y a qu’un cercle, une sorte de think-tank qui s’intéresse à Marco et ses positions authentiquement libérales, notamment en matière financière. C’est la «Société Gottfried Keller» qui se tient discrètement à l’arrière-plan des événements tout en agissant pour élargir et consolider continuellement son réseau. Depuis des générations, elle défend les idéaux traditionnels des radicaux-libéraux en se défendant contre l’arrogance d’un Etat devenu obèse et en voulant rendre au citoyen ses droits, tout en insistant sur ses devoirs. Et ceci tout spécialement dans le domaine de l’économie. Car, depuis quelques temps, celle-ci a échappé à tout contrôle démocratique. La «Société Gottfried Keller» s’est intéressée à ce conseiller national devenu embarrassant, lorsque celui-ci avait déposé une motion qui avait scandalisé le «Tout Berne» et la classe politique suisse. Dans son texte, Keller pose – après avoir consacré plusieurs années à étudier les problèmes économiques et financiers face à une économie mondiale de plus en plus titubante – une série de questions inquisitrices auxquelles le Conseil fédéral ne peut et ne veut pas répondre. Mais pour Keller, conscient de l’attitude critique de son ancêtre Gottfried Keller face aux profiteurs du capitalisme qui était alors à ses débuts, il s’agit avant tout de poser ces questions en public. La «Société du Mont Pèlerin» et son secretLa «Société Gottfried Keller» attire l’attention de Marco sur une «société clandestine» d’un genre tout différent, la «Société du Mont-Pèlerin». Ce cercle d’experts en économie du monde entier fut convoquée pour la première fois en 1947, précisément au Mont Pèlerin près de Montreux, par Milton Friedman et Friedrich August von Hayek, professeur autrichien en sciences économiques [à ne pas confondre avec l’entrepreneur suisse récemment décédé, Nicolas G. Hayek]. Ces deux économistes appartenaient, à l’époque déjà, aux fondateurs de la pensée néo-libérale qui dicte, aujourd’hui, l’agenda des marchés mondialisés. L’auteur fait participer ses lecteurs à un entretien stratégique des deux en présence du troisième fondateur, Frank Knight, dans le hall de leur hôtel situé au Mont Pèlerin. Il s’agit de la Suisse, qui pour ces maîtres penseurs du néo-libéralisme prônant la privatisation de tous les domaines, est un obstacle à leurs plans de privatisation et de dé-nationalisation. Face à l’opposition attendue des Suisses de se faire intégrer comme un autre «global player» même en politique financière et de devoir abandonner leur autonomie monétaire, ils développent un plan aussi génial que diabolique. «Il faut noyauter les partis politiques suisses avec nos élèves. Il faut faire en sorte que la Suisse elle-même devienne un centre de la pensée néo-libérale ou, mieux, qu’elle évolue en gestionnaire principal des fonds du monde entier. Ainsi, elle ne pourra faire autrement que de garder une foi inébranlable dans l’argent, elle ne pourra que consolider celle-ci et la répandre – ou elle devra périr!» La «tâche bonapartiste»Avec son roman économique sur la Suisse actuelle, l’auteur écrit beaucoup plus qu’un simple polar. La trame, dramatique et à haute tension, contient un message courageux, clair et bouleversant: Nos économies, au niveau mondial, sont en pleine dérive. C’est une folie. Et pour les fous, la démocratie constitue un danger majeur, puisqu’elle est basée sur la raison. Ainsi le livre est en même temps un appel à tous les lecteurs de copier le modèle de Marco: Poser et reposer avec acharnement les questions qui visent ce qui est dissimulé, ne pas se laisser démobiliser et, une fois la réalité brutale établie, la combattre résolument. L’adversaire est fort, ce qu’illustrent les deux assassinats brutaux et cyniques décrits dans ce livre. Et quand finalement on découvre le monstre hideux qui se cache là-derrière, il faut rechercher le soutien de gens du même avis. Ensemble, il est possible de faire beaucoup. Un puzzle pas simple, mais qui en vaut la peineAinsi, le livre de Brändle est bien plus qu’un polar. C’est une analyse passionnante de notre époque et en même temps un roman palpitant. Là-derrière, il y a un esprit qui sait aller à l’essentiel et qui poursuit ainsi la tradition authentique des Confédérés de Suisse centrale: veiller soi-même à ce que tout se passe bien, y compris dans l’économie. A maintes reprises, la trame de l’action est enrichie par des aperçus historiques, philosophiques et économiques. Ils montrent, entre autres, à quel point les hommes politiques de notre époque qui se sont engagés à nationaliser les banques d’émission et à exiger un contrôle démocratique de la masse monétaire menaient une vie dangereuse. Dans ce contexte, l’assassinat de John F. Kennedy qui se prononça précisément en faveur de ces deux mesures peu de temps avant son assassinat, apparaît sous un autre jour; tout aussi bien que la mort subite du pape Jean Paul Ier, peu de jours après son intronisation, lui qui s’était fixé comme un des piliers de son action l’engagement de l’Eglise catholique en faveur d’une économie à la mesure de l’homme et du contrôle du comportement des banques d’émission. A côté de sa qualité divertissante et palpitante, ces digressions donnent au livre une valeur documentaire, renforcée par les annotations bibliographiques en annexe, encouragent le lecteur à continuer ses propres recherches. Thomas BrändleNé, le 15 novembre 1969 à Liestal. Scolarité à Unterägeri. Apprentissages de confiseur et de boulanger. Différents diplômes et formations professionnels supplémentaires. Voyages, stages et collaboration dans des projets de développement, notamment en Australie, en Bolivie (La Paz) et en Argentine. Dès 2003, député au Grand conseil du canton de Zoug. La motion qu’il a déposée au sujet de la garantie étatique de la stabilité du franc suisse y a fait de grandes vagues. C’est suite au travail de préparation pour cette motion que l’idée de rédiger le roman «Das Geheimnis von Montreux» est née. |