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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°13, 6 avril 2009  >  Les jeux de tueurs de l’armée américaine doivent être renvoyés à leur origine [Imprimer]

Les jeux de tueurs de l’armée américaine doivent être renvoyés à leur origine

par Renate et Rudi Hänsel

Dans les années 90, les simulateurs de ­meurtre, qui étaient utilisés par l’armée américaine et la police pour la formation en combat rapproché, ont été mis en vente sur le marché par le Pentagone à des fins d’utilisation privée générale. L’industrie du jeu informatique, qui a coopéré étroitement avec le Pentagone dès le début, a connu après cela son essor. Ce qu’on appelle les jeux de tueurs ont causé depuis de graves préjudices aux enfants et aux adolescents.
Les programmes électroniques de l’armée américaine conçus pour s’entraîner à tuer des êtres humains doivent retourner dans les casernes américaines d’où ils proviennent. Ils doivent complètement disparaître de la société civile. Cela se peut qu’ils soient appropriés pour la formation dans le combat contre la criminalité et la défense nationale, mais ils n’ont rien à faire dans les chambres d’enfants et les salles à manger familiales.
En Allemagne, après la Seconde Guerre mondiale, on était plus conscient qu’aujourd’hui du risque émanant du fait qu’on laisse les enfants et les adolescents jouer avec des jouets de guerre: des femmes de la CDU (Parti des chrétiens démocrates) ont réclamé au Bundestag allemand la proscription de tout jouet de guerre. Cette requête a été approuvée par le parlement allemand le 23 juin 1950 en décidant l’«interdiction de la fabrication et de la commercialisation de jouets de guerre de toute sorte». Cette décision qui est valable encore aujourd’hui a été justifiée de la manière suivante: «Les jouets de guerre favorisent de toute évidence la guerre, la protection des enfants doit être plus valorisée que les intérêts de l’industrie du jouet.» (www.schleidinger.com)
Aujourd’hui, l’influence «meurtrière» des jeux de tueur est prouvée dans d’innombrables études, dernièrement dans une étude longitudinale allemande (Hopf, Huber, Weiss, 2008): De tous les facteurs qui renforcent la disposition à la violence et les actes violents ­commis par les enfants et adolescents (les bandes de jeunes, l’école, la personnalité, la maison parentale), l’influence des jeux violents et d’autres médias contenant de la violence, est la plus forte. Cela veut dire: même si un adolescent n’est pas prédisposé socialement, la violence médiatique a une influence directe sur sa vie émotionnelle, sa disposition à l’agression et à la violence.
L’occupation avec les jeux informatiques violents est – ceci a été prouvé dans cette étude – le facteur de risque le plus grand quant à la violence criminelle future. Le fait que les jeux informatiques favorisent la dépendance a été prouvé à maintes reprises, dernièrement dans une étude du Kriminologisches Forschungs­institut Niedersachsen (L’institut de re­cherche criminologique de la Basse Saxe – KFN), la plus grande étude allemande relative à l’utilisation de jeux informatiques par les jeunes, publiée en mars 2009. La recherche actuelle sur le cerveau (Hüther, Spitzer) confirme également ces rapports. [«Wie das Gehirn Bildschirmgewalt verarbeitet» (Comment le cerveau assimile la violence à l’écran)» dans «Neue Zürcher Zeitung» du 21/5/08]
Dans une analyse traitant 30 massacres perpétrés dans des écoles depuis 1995, le psychologue en matière médiatique Rudolf Weiss a conclu que presque dans tous les cas une consommation excessive de violence médiatique a joué un rôle essentiel. Même dans les trois cas où un trouble psychotique a été prouvé, ce sont les jeux violents qui ont joué un rôle primordial en tant que déclencheur de l’acte.
Tout cela autorise une seule conclusion qui s’impose à la raison saine de l’être humain: les programmes électroniques conçus pour s’entraîner à tuer des êtres humains doivent disparaître du marché et être proscrits par la société.
Aussi bien les familles des élèves assassinés à Winnenden que le président fédéral allemand Horst Köhler et Joachim Hermann, ministre bavarois de l’Intérieur (CSU) l’exigent. Des criminologues et des neurobiologues alle­mands notables s’engagent en faveur d’une interdiction. Des chercheurs renommés travaillant sur les effets de la violence dans les médias venant d’Allemagne et des USA soulèvent cette revendication déjà depuis des années.
Dans une lettre ouverte au président fédéral Köhler, à la chancelière Merkel et au Premier ministre du Baden-Württemberg Oettinger les parents endeuillés de Winnenden écrivent: «Nous voulons que les jeux de tueurs soient interdits. Des jeux aussi bien sur Internet que sur ordinateur, qui ont pour but de tuer le plus de gens possible doivent être interdits.»
Lors de la cérémonie funéraire en mémoire aux morts de Winnenden, le président fédéral Köhler donne raison aux parents: «En faisons-nous assez pour protéger nos enfants? […] Nous savons déjà depuis longtemps que l’extrême violence, l’exhibition de corps déchiquetés et l’humiliation d’êtres humains sont au centre d’innombrables films et jeux informatiques. La raison saine ne nous dit-elle pas qu’une consommation durable de ces produits ne peut que nuire? Je trouve en tout cas que cette sorte de développement du marché doit être stoppée. Les parents et les familles des victimes m’ont dit: ‹Nous voulons que cela change.›» (Spiegel Online du 21/3/09)
En s’appuyant sur une motion du Conseil fédéral sur l’interdiction de la fabrication, de la commercialisation et de la vente de jeux de tueurs déposée par l’ancien ministre bavarois de l’Intérieur, Beckstein (CSU) il y a deux ans, Joachim Herrmann, son successeur, exige une interdiction de jeux informatiques violents: «Il existe des jeux de tueurs sur le marché, qui sont ‹absolument insupportables› et qui rabaissent les seuils d’inhibition chez les jeunes gens.» (www.sued-deutsche.de)
Hans-Dieter Schwind, un des crimino­logues allemands les plus renommés, président de la Deutsche Stiftung für Verbrechensbekämpfung [Fondation allemande pour la lutte contre la criminalité] – de 1987 à 1990 président de la Commission gouvernementale contre la violence et depuis 2002 membre du comité du «Weisser Ring» (Alliance blanche) et fondateur du Kriminologisches Forschungs­instituts Niedersachsen, soulève cette revendication. Après l’attentat suicide de Winnenden, il se prononce pour une interdiction totale de jeux violents informatiques ainsi que pour une plus grande sévérité par rapport au droit de détention d’armes. (Entretien avec la «Neue Osnabrücker Zeitung» du 12/3/09).
Il y a déjà quelques années, un groupe de chercheurs en matière d’effets médiatiques, récemment unis en une association appelée «Mediengewalt – Internationale Forschung und Beratung» (www.mediengewalt.eu – Violence médiatique – recherche internationale et conseil) a conclu que les produits dangereux de l’industrie du jeu ne doivent pas parvenir dans les mains des enfants et des adolescents. A la suite de Winnenden, ils écrivent dans un communiqué de presse: «Ce que nous revendiquons au moins, c’est un consensus de l’ensemble de la société sur la proscription des médias violents méprisant l’être humain.»
Le professeur Lukesch, un chercheur en matière d’effets médiatiques, membre du comité directeur de l’association veut que les jeux agressifs soient proscrits: «Ce n’est pas une perte culturelle si toute cette merde disparaît et si de tels jeux informatiques (jeux de tueurs) sont enlevés du marché. […] Il est temps pour l’industrie du jeu informatique de se séparer de ces jeux agressifs et de ne plus diffuser cette merde méprisant l’être humain. La société devrait proscrire tout profit avec de tels jeux.» («Aggressive Spiele müssen verschwinden» (Les jeux agressifs doivent disparaître – Faz.net du 12/3/09)
En Suisse également, du côté politique, Roland Näf (PS), membre du Grand Conseil bernois a soumis en 2008 une «initiative cantonale sur l’interdiction des ‹jeux de tir› à l’Assemblée fédérale»: il demande à celle-ci «de créer les bases légales permettant l’interdiction de la production, de la publicité, de l’importation, de la vente et de la diffusion des jeux électroniques dans lesquels la violence brutale exercée contre des êtres humains et des êtres à ressemblance humaine contribue à la réussite du jeu.»
Il est grand temps d’unir les efforts des pays particuliers visant à protéger efficacement notre jeunesse, pour parvenir à une proscription internationale de ces «mines antipersonnel nuisant à l’âme» (koelner.aufruf@gmx.de). Des organisations internationales comme l’ONU et l’Unesco doivent y contribuer. Alors, les choses changeront vraiment dans la réalité.    •

«Les jouets de guerre favorisent de toute évidence la guerre, la protection des enfants doit être plus valorisée que les intérêts de l’industrie du jouet.»

Justification de la décision du
Parlement allemand du 23/6/1950

«Il est insupportable que des centaines de milliers d’enfants et d’adolescents se livrent quotidiennement souvent pendant des heures aux jeux informatiques faisant l’apologie de la violence.»

Déclaration à la presse du ministre
de l’Intérieur Herrmann (CSU) lors
du congrès de Munich sur la violence médiatique en novembre 2008;
cf. Horizons et débats N° 50

Initiative cantonale sur l’interdiction des «jeux de tir»

Se fondant sur l’article 160-1 de la Constitution fédérale et sur l’article 79-1b de la Constitution cantonale bernoise, on demande à l’Assemblée fédérale de créer les bases légales permettant l’interdiction de la production, de la publicité, de l’importation, de la vente et de la diffusion des jeux électroniques dans lesquels la violence brutale exercée ­contre des êtres humains et des êtres à ressemblance humaine contribue à la réussite du jeu.

Motion de Roland Näf-Piera, Muri (PS)

«Le Parlement européen préconise pour la défense des droits de l’enfance, la création d’une réglementation adéquate, efficace et proportionnée en dialogue avec les fournisseurs d’accès, les médias (les télévisions publiques et privées, la publicité, la presse, les jeux vidéo, les téléphones mobiles et Internet) et les industries en vue notamment d’interdire la transmission d’images et de contenus nocifs (y compris le phénomène du harcèlement électronique) et la commercialisation de jeux vidéos violents qui peuvent porter préjudice au développement psychologique et phy­sique de l’enfant dans la mesure où il encourage la violence et le sexisme. […]

Stratégie européenne pour les droits de l’enfant – décision du Parlement européen du 16 janvier 2008 en vue d’une stratégie européenne pour les droits de l’enfant (2007/2093 (INI))