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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°41, 25 octobre 2010  >  La transhumance des moutons – une idylle qui se meurt [Imprimer]

La transhumance des moutons – une idylle qui se meurt

Exemple pratique d’aide indirecte aux paysans de montagne

par Heini Hofmann

Plus qu’environ 25 troupeaux de moutons en transhumance – il y a 25 ans c’était encore le double – traversent chaque hiver la Suisse: du point de vue écologique et écono­mique, cela représente en quelque sorte une aide indirecte aux paysans de mon­tagne. En outre, il s’agit d’une dernière étincelle de romantisme dans un paysage très (ou trop?) construit. Mais pour combien de temps encore?

Les troupeaux en transhumance qu’on rencontre ça et là pendant les mois d’hiver ressemblent à une image paisible des temps bibliques. Mais en réalité, ce n’est pas que du romantisme. Les bergers qui ont les pieds froids, les doigts engourdis et les glaçons dans la barbe, qui passent la nuit dehors dans la forêt par le froid le plus glacial, ensemble avec les animaux, c’est plus que des reliques des temps passés. Avec leurs troupeaux ils représentent la preuve d’une utilisation sensée du sol et sont témoins d’une vraie collaboration entre les paysans de montagne et les agriculteurs de la pleine.

Raisons d’économie publique

Près d’un tiers du cheptel suisse de moutons (430 000 bêtes) vit toute l’année dans les collines des Préalpes et dans les montagnes, et près de la moitié de tous ces porteurs de toisons vont à l’alpage, c’est-à-dire les moutons passent l’été dans les montagnes où ils profitent des pâturages au-dessus de la limite des arbres, dans la zone de transition vers la haute montagne pauvre en végétation.
Les brebis mettent bas – après 21 se­maines de gestation – au printemps ou en automne. Pendant que les agneaux nés au printemps peuvent paître sans problèmes durant l’été dans les pâturages de montagnes, il y a – lors d’un brusque début d’hiver en montagne – des difficultés insurmontables d’approvisionnement et des problèmes de bergerie pour les jeunes agneaux d’au­tomne.
Pour cette raison, les agneaux de pâturage, c’est-à-dire les agneaux pas encore assez grands pour la boucherie, sont vendus en automne par les paysans de montagne, de grands troupeaux sont formés et envoyés en transhumance à travers le plateau suisse. Ce sont actuellement 25 troupeaux avec près de 20 000 bêtes. Cette forme d’engraissement de moutons coûte moins cher que la détention en bergerie, les animaux prennent même plus de poids et ils ont moins de maladies.

Les moutons aiment l’herbe gelée

A partir du moment que la givre et le gel rendent les pâturages en pleine inutilisables pour le gros bétail, ces pâturages sont en friche jusqu’au réveil de la végétation au printemps. Les moutons par contre ne craignent pas le froid, et ils aiment l’herbe gelée, la préfèrent à l’herbe mouillée et sont même capables de sortir le fourrage de dessous la neige.
Des pâturages adéquats aux troupeaux en transhumance se trouvent dans les régions à basse altitude du Plateau suisse dans les zones clémentes le long des lacs et des rivières. Les troupeaux sont soumis aux prescriptions de la police d’épizooties et sont contrôlés par des vétérinaires. Pour un troupeau d’environ 400 bêtes un berger avec un à deux chiens est prescrit, s’il s’agit d’un troupeau jusqu’à 600 moutons, il faut en plus un auxiliaire. Souvent, un âne fait partie du troupeau pour transporter les affaires des bergers. Jadis, les bergers étaient pour la plupart des Bergamasques, aujourd’hui se sont aussi des jeunes Suisses qui ont tourné le dos à d’autres professions.
Les autorisations de transhumance, accordées par les offices vétérinaires des cantons sont limitées de la mi-novembre à la mi-mars et un journal de route doit être tenu à jour. Au printemps, le dernier voyage amène les bêtes, le plus souvent en camion, à l’abattoir. Il n’est pas nécessaire de dire que les côtes et les gigots d’agneau de ces moutons de plein air avec une bonne irrigation sanguine après tout ce chemin parcouru sont plus que satisfaisants pour les exigences des consommateurs. Ce qui par contre pose problème, c’est que les éleveurs reçoivent environ un quart de moins pour un agneau abattu qu’il y a 15 ans.

Activité sensée du point de vue écologique et économique

Avec ces troupeaux de moutons itinérants on produit tout de même environ 7% de la production indigène de viande d’agneau, et cela pratiquement pour rien, car l’herbe pourrirait avec tous les désavantages qui en découlent, notamment l’agrandissement du fléau des souris.
La transhumance aide donc d’un côté les paysans de montagne et de l’autre côté les paysans de la pleine et en plus c’est sensé aussi bien du point de vue écologique qu’économique: Coûts de production bas pour tout l’élevage indigène de moutons et ainsi des prix abordables pour la viande d’agneau et donc plus de consommation de viande d’agneau.
Et cela encourage de son côté l’élevage des moutons en général et permet d’utiliser les petits coins d’herbe qui s’abîmeraient et en été des alpages qui serait autrement en jachère peuvent également être utilisés ce qui empêche l’embroussaillement et épargne les barrages contre les avalanches.

Pas de cruauté envers les animaux

La transhumance est parfois perçue comme cruauté envers les animaux, on transmet alors la notion humaine de son propre amollissement sur des animaux qui de par la nature sont faits pour la vie au froid.
Malheureusement la transhumance devient de plus en plus difficile sur le Plateau suisse à cause des agglomérations et des routes. Et il y a de plus en plus d’opposition contre les troupeaux itinérants, avant tout de la part de l’agriculture intensive, ainsi certaines communes ont déjà interdit la transhumance.

Manque de vue d’ensemble

L’acceptation des troupeaux en transhu­mance dans la pleine représenterait cependant un acte de solidarité, mis à part l’aspect écolo­gique et économique positif. En outre, leur survie représente le sauvetage d’un dernier reste d’une culture campagnarde roman­tique. Le développement actuel ne permet malheureusement pas de grand espoir de pouvoir maintenir à long terme les troupeaux en transhumance car leur nombre est en train de baisser visiblement.
Ce qui étonne quelque peu, c’est le fait que dans toute la Suisse il n’y ait pas d’institution ou d’administration disposant d’une vue d’ensemble sur le nombre total des troupeaux itinérants, même pas l’Association suisse d’éleveurs d’ovins ou l’Office vétérinaire fédéral.
Les chiffres recueillis sont toujours datés du 1er mai de chaque année. Peut-être faudrait-il faire une deuxième enquête au début de la période de pâturage hivernal, c’est-à-dire vers la mi-novembre.
Ne serait-ce pas une condition essentielle pour promouvoir des mesures concrètes de soutien et d’encouragement?    •
(Traduction Horizons et débats)

La solidarité est nécessaire – aussi pour la consommation

hh. Si l’on désire que la transhu­mance ne survive pas uniquement dans la bible, les conditions cadres financi­ères de cette profession doivent – selon l’Association suisse des éleveurs d’ovins – être améliorées ou au moins maintenues au même niveau.
Car aucune branche économique n’a des chances de survie à long terme si la rentabilité n’est pas garantie. Seules les coûts pour le travail, le transport, les taxes, et les bêtes mortes se montent aujourd’hui à environ 60 à 80 francs suisses par agneau de transhumance vendu pour l’abattoir. En revanche, le prix pour les producteurs a été réduit ces derniers 15 ans d’un tiers de 15 à 10 francs suisses par kg de poids abattu (avant tout parce que l’importation a été libéralisée). En ce qui concerne les payements directs de la Confédération les bergers itinérants ont également un désavantage; leur surface d’exploitation par rapport au nombre de moutons est souvent petite, ce qui est désavantageux.
Comme nous avons tous besoin d’une répartition du travail qui fonctionne entre la montagne et la pleine, nous devons tous nous engager en faveur de cette profession en difficultés. Selon German Schmutz, président de l’Association suisse des éleveurs d’ovins, c’est-à-dire le «patron des bergers», «c’est ce que pourraient faire aussi les consommateurs et les grands distributeurs. Mais la viande d’agneau indigène se trouve rarement dans les rayons des supermarchés parce que les conditions pour la viande importée sont meilleures. La conséquence: Malheureusement la consommation de viande d’agneau, très digeste, diminue.»