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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°38, 22 septembre 2008  >  Nos enfants ne doivent pas devenir des tyrans [Imprimer]

Nos enfants ne doivent pas devenir des tyrans

par Dieter Sprock

L’éducation des enfants et l’introduction de la jeunesse à la vie forment dans toutes les sociétés les bases de la cohabitation humaine. C’est pour cette raison qu’ils devraient toujours être un sujet de la plus haute attention. Lorsque un livre intitulé «Warum unsere Kinder zu Tyrannen werden» (Pourquoi nos enfants deviennent des tyrans) en est à sa 9e édition en une année, il parle évidemment d’un thème qui préoccupe beaucoup de monde. L’auteur exprime ce qui dérange beaucoup de gens dans notre société. Des maîtres d’apprentissage, enseignants, pédiatres et aussi des parents se rendent compte qu’il y a quelque chose dans le contact avec nos enfants qui va dans une mauvaise direction: Les adultes ont cessé de guider les enfants.

Le livre de Michael Winterhoff («Warum unsere Kinder zu Tyrannen werden», Gütersloh 2008, ISBN 978-3-579-06980-7) parle d’enfants et d’adolescents qui semblent être résistants à toute tentative d’éducation et qui tracassent la famille et l’entourage avec leur comportement tyrannique. Ils ne peuvent s’adapter nulle part, veulent toujours être au centre de l’attention et vivent comme s’ils étaient seuls au monde. Leur degré de maturité psychique s’est arrêté au niveau d’un enfant de trois ans, leur pensée tourne uniquement autour de la satisfaction de leurs propres besoins et ils manquent de conditions psy­chiques pour faire la différence entre un comportement faux ou juste.
Au jardin d’enfants et à l’école, ces enfants ne sont pas de bons partenaires. Avec leur comportement, ils dérangent le déroulement du travail dans toute la classe et se comportent verbalement et aussi physiquement de manière agressive envers leurs camarades. Les enseignants eux-mêmes ne sont pas une limite à leur égoïsme.
Adolescents, ils manquent de la maturité nécessaire pour une formation. Beaucoup d’entreprises formant des apprentis se plaignent de leur mauvaise attitude au travail. On parle de 25 à 30% de jeunes ayant terminé leur scolarité qui sont inaptes à une formation.

Augmentation effrayante d’enfants gravement perturbés

L’auteur, qui dirige depuis 20 ans un cabinet de médecine spécialisée de psychiatrie pour enfants et adolescents à Bonn, parle d’une augmentation effrayante d’enfants gravement perturbés et il voit que la cohérence de toute la société est mise en danger à long terme si l’on ne commence pas à se rendre compte de ces dysfonctionnements. La conséquence en serait qu’il y aura de moins en moins de jeunes et d’adultes aptes à des relations et au travail:
Il y a 10 à 15 ans, il y avait 4 enfants difficiles par classe. Aujourd’hui, cette relation s’est inversée. De surcroît, de plus en plus d’enfants ont des difficultés dans plusieurs domaines. En 2006, les débutants à l’école ont été examinés pour dépister des particularités dans les domaines de l’activité motrice fine, la perception, la logique, l’apprentissage, les mathématiques, l’activité motrice grossière, le langage, le comportement social et l’attitude au travail. Dans une classe, seuls 4 élèves sur 25 n’ont pas présentés de dysfonctionnements, 4 autres n’avaient qu’un dysfonctionnement, d’autres avaient des difficultés dans plusieurs domaines, deux d’entre eux ont même atteint le nombre maximal de 7 dysfonctionnements. Dans d’autres classes le bilan était semblable.
Ce qui a aussi changé, c’est la provenance sociale des enfants et adolescents ayant des problèmes psychiques. La plupart ne viennent plus de milieux à problèmes sociaux et de familles brisées. Cette approche est trop simple. Aujourd’hui ce sont de plus en plus des enfants de familles aisées et intactes, avec des parents en bonne santé et aptes aux relations humaines qui ne délaissent pas du tout leurs enfants. Au contraire. Ils ont dès le premier jour une relation aimante et ils sont prêts à tout faire pour éduquer des enfants heureux et contents.

Les enfants tyranniques manquent de maturité psychique

Le livre de Michael Winterhoff n’est pas un dictionnaire de conseils éducatifs. Il ne prône pas non plus une nouvelle pédagogie, mais il cherche à élucider la question de savoir comment la psyché humaine se développe. Qu’est-ce qu’il faut pour que l’être humain adulte puisse vivre et travailler de façon autonome, qu’il puisse établir des relations constructives envers d’autres personnes, qu’il puisse estimer ses sentiments à leur juste valeur et donc les contrôler, et où, dans le développement, se sont introduites des erreurs dont le résultat sont des enfants et des adolescents difficiles?
La psyché de l’enfant ne se forme pas d’elle-même. Surtout les petits enfants ont besoin d’un vis-à-vis adulte pour pouvoir construire les «fonctions» psychiques et les «conceptions du monde», nécessaires pour pouvoir maîtriser les problèmes de la vie. Des fonctions comme la tolérance aux frustrations, l’instance de la conscience, l’attitude et l’engagement dans son travail «doivent être formées peu à peu pour assurer une construction optimale de la psyché». Les conceptions du monde ont également besoin d’un long processus de maturation. Elles comportent une «façon spécifique de percevoir et interpréter le monde autour de nous et notre position dans ce monde». La formation de ces fonctions psychiques et de ces conceptions du monde demandent un entraînement constant avec des répétitions nombreuses des mêmes actions et elle doit se poursuivre au-delà de la maison parentale aussi dans les jardins d’enfants, les écoles et dans d’autres institutions pédagogiques.
Les structures psychiques ne se forment et se corrigent pas en premier lieu par un raisonnement affectueux et des explications. Bien que l’amour soit une condition absolue pour toute forme de comportement et d’éducation, c’est avant tout la personnalité de l’éducateur qui est marquante. S’il se comporte vis-à-vis de l’enfant avec la sécurité intérieure nécessaire comme le «chef de meute», l’enfant s’orientera d’après son exemple. L’enfant a besoin d’exemples adultes et d’orientation pour pouvoir former pleinement ces capacités psychiques et intellectuelles.
Des enfants tyranniques n’ont pas eu cette orientation, ils manquent de maturité psy­chique, ils n’ont pas appris à percevoir leur entourage et les autres êtres humains comme limites à leur Moi, ni à les rencontrer avec respect. C’est les conséquences d’un développement erroné de la société dans lequel beaucoup de parents, éducateurs et enseignants ont perdu la sensibilité nécessaire pour donner aux enfants cette limitation. Michael Winterhoff y voit un dysfonctionnement profond des rapports humains entre les enfants et les adultes qu’il décrit comme partenariat, projection et symbiose.

Enfants sans orientation …

Dans les relations de partenariat, qui sont si répandues actuellement qu’on ne les considère même plus comme problème, l’adulte quitte sa place habituelle de chef de meute et se range au niveau de l’enfant. Il fait cela avec la sincère conviction de faire preuve de beaucoup d’amour et d’estime sans savoir qu’il suit avec cela une fausse théorie d’après laquelle l’enfant développe au mieux les possibilités qui dorment en lui tout seul. Il n’est pas davantage conscient que ce faisant il suit souvent la satisfaction de ses propres besoins de reconnaissance et d’amour. Michael Winterhoff montre par de nombreux exemples où cela peut conduire quand l’adulte se range au niveau de l’enfant; Celui qui s’occupe d’enfants peut les comprendre. C’est un «déplacement de niveaux» qui se produit et même des petits enfants, même des nourrissons, peuvent prendre la direction et éduquer dans un certain sens leurs parents. Avec le refus et d’autres particularités, ils tiennent souvent en haleine toute la famille. Winterhoff dit que «les enfants sont devenus les éducateurs de leurs parents et ils peuvent les conduire selon leurs envies», sans rencontrer de limites. Ils se fâchent lorsqu’on leur montre des limites et qu’ils ne peuvent pas imposer leur volonté. Ils insultent leurs parents, font des crises de rage en en venant aux mains, ils battent leurs parents et leur donnent des coups de pieds. Avec la relation de partenariat, l’enfant est souvent impliqué dans les affaires des adultes – par exemple des problèmes du couple ou problèmes financiers – qu’il ne peut pas comprendre à son âge. On lui vole donc son enfance.
Dans la projection, c’est un autre déplacement de nivaux entre adultes et enfants. Les parents ou d’autres personnes éduca­trices – aussi des jardinières d’enfants et instituteurs – se placent à un niveau au-dessous de l’enfant. Ils deviennent dépendants de l’enfant. Leur propre humeur et leur estime de soi oscillent d’après les humeurs de l’enfant, ses prestations, son comportement. Ils vivent de bons résultats ou un bon comportement comme leur propre succès et comme une confirmation. Les fautes de l’enfant deviennent leur propre défaite. Ils ont quitté leur place d’éducateur et dépendent de la confirmation par l’enfant. Les éducateurs se trouvant dans la projection ne voient plus dans leurs actions l’enfant qui dépend d’eux, mais seulement eux-mêmes. Ils font tout pour contenter l’enfant parce qu’ils ne supportent pas qu’il soit mécontent. Ils ont peur qu’il ne les aime plus. L’enfant devient l’écran des projections de leurs propres déficits, ils ont besoin de l’enfant pour satisfaire leurs besoins souvent inconscients, par exemple la reconnaissance.
Dans la symbiose, la psyché parentale se fond dans celle de l’enfant. A ce niveau, les parents ne peuvent plus distinguer ce que l’enfant fait de faux. Ils le perçoivent comme une partie d’eux-mêmes.
Les parents qui vivent avec leur enfant dans une des dysfonctions relationnelles décrites ci-dessus font souvent l’erreur d’interpréter le comportement insolent et arrogant de leur enfant comme une estime de soi-même et un signe de grande intelligence, et ils reprochent aux autres – enseignants, éducateurs ou voisins – de ne pas comprendre leur enfant. Ils admirent et défendent le comportement erroné de leur enfant parce qu’eux-mêmes ont perdu la mesure de ce qui est convenable.
Ce qui est spécialement fatal pour les enfants et dans un sens plus large pour le développement de toute la société, c’est que maintenant toutes les institutions publiques comme les jardins d’enfants et les écoles travaillent généralement avec le concept des relations de partenariat et que beaucoup d’enseignants et éducateurs se trouvent déjà au niveau de la projection. De cette manière, les enfants dans ces institutions n’ont aucune chance de rattraper un développement psychique manqué dans leur famille ou de corriger un développement erroné.

... au jardin d’enfants

Dans les années 1980 les jardinières d’enfants, mais aussi les instituteurs et les institutrices se considéraient encore sans équivoque comme des «personnes dirigeantes et d’orientation et cela aussi bien vis-à-vis des enfants que des parents». Leur fonction était d’encourager les enfants qui leur étaient confiés en dehors de la famille, de les éduquer et corriger de cette manière des fautes de comportement, de combler aussi bien que possible des déficits issus de la famille.
Au jardin d’enfants, il y avait un emploi du temps réglé avec des rites fixes et des déroulements qui se répétaient tous les jours, ce qui donnait aux enfants des structures fiables dans lesquelles ils pouvaient développer toutes les capacités dont ils avaient besoin pour l’école. Les enfants n’apprenaient pas seulement le maniement de ciseaux et crayons. On les habituaient aussi à rester assis à leur place et à finir un travail, même si parfois ils n’en avaient pas envie. «A la fin du jardin d’enfants» écrit Winterhoff, «les enfants avaient acquis une haute compétence. Ils étaient capables de se laisser guider par les adultes et de respecter des règles extérieures. Aussi bien dans le domaine de la perception que dans le domaine moteur, les enfants disposaient de beaucoup d’expériences, beaucoup de devoirs de la motricité fine ont pu être exécutés de manière coordonnée. Chaque enfant par exemple, était capable, à la fin du jardin d’enfants, de faire une boucle pour attacher ses chaussures. Dans le domaine du langage les enfants ne présentaient en général pas de déficits.»
Regardant par contre le travail actuel dans les jardins d’enfants, il constate des changements graves dans les concepts, dus à l’introduction des relations de partenariat. Dans les concepts ouverts qui sont pratiqués actuellement dans beaucoup de jardins d’enfants, il y a de moins en moins de points fixes dans l’emploi du temps: les rites et les structures ont été déclarés superflus ou bien contraignants et ont été supprimés. L’enfant doit pouvoir choisir librement dans quel groupe il veut passer la matinée et les offres s’orientent entièrement d’après les besoins supposés des enfants. C’est le principe des «groupes de préférence».
La jardinière d’enfants intervient moins dans ce qui se passe. Au lieu d’aider l’enfant à dépasser ses difficultés, de l’instruire et de lui donner une orientation, elle cherche toujours de nouvelles explications pour le comportement difficile de l’enfant. Elle se borne souvent à diagnostiquer des comportements divergents et à transmettre ses observations aux parents et aux thérapeutes. Sa réserve pédagogique et son orientation diagnostique, l’amènent à une explication pathologique du comportement de l’enfant d’où il s’ensuit que l’enfant «est introduit dans un cercle de thérapies et de médicaments». Le psychiatre Michael Winterhoff met en garde de manière claire contre cela.

… et à l’école

Le principe du partenariat avec tous ses désavantages pour l’enfant s’est aussi imposé à l’école, et là surtout à l’école primaire. L’enseignement en classe dans lequel l’instituteur était tout naturellement un personnage directeur et d’intégration est de plus en plus remplacé par des formes ouvertes d’enseignement. Une partie de plus en plus grande de l’enseignement doit se dérouler en «travaux libres», et les élèves doivent décider d’eux-mêmes ce qu’ils veulent travailler et avec qui. L’instituteur doit se retirer à l’arrière-plan comme enseignant et il ne fait plus qu’accompagner l’apprentissage autonome comme ami et conseiller.
Beaucoup d’élèves sont dépassés. Laissés à eux-mêmes, dans un enseignement sans structure et sans continuité, ils n’ont plus de succès et conçoivent l’école de plus en plus comme dénuée de sens.

Le concept de la réalisation de soi-même comme concept d’éducation

Michael Winterhoff voit la base de ce développement dans «les concepts de l’éducation des années 1970 et 1980» qui, «partant des concepts de sociétés théoriques des générations de 68, voyaient leur tâche principale dans l’abolition de la notion de l’autorité». Les concepts d’éducation des années 1970 et 1980 ont imposé dans les têtes des éducateurs une perception du monde «qui a sorti l’être humain dans son individualité du système de référence de la société et lui a donné des possibilités pour ainsi dire sans limites de la réalisation de soi-même. Les enfants ne devaient plus recevoir de directives des adultes, de ce qui est bien où mal pour eux, ce qui était interprété comme un endoctrinement inadmissible. Ils devaient au contraire pouvoir se développer librement, collectionner des expériences et se laisser influencer le moins possible par le monde des adultes pour grandir ainsi comme individus autodéterminés et libres.» Sur la base de l’hypothèse erronée que la psyché se forme toute seule et qu’elle est automatiquement à disposition de chaque adulte pour une maîtrise sensée de la vie, toute forme d’éducation a été repoussée temporairement.
Cependant, il faut dire en faveur du concept des tenants de la génération de 68 qu’ils ne luttaient pas seulement contre l’autorité des pères, mais qu’ils défendaient en même temps des intérêts sociaux – par exemple l’exigence de justice sociale et l’égalité des chances pour tous les enfants – alors que les concepts d’éducation des années 1970 et 1980 ont rendu possible la percée de la recherche de la réalisation de soi-même sans aucune prise en compte des intérêts sociaux. Avec cela a été posée la base pédagogique de l’ordre économique néolibéral qui allait commencer la conquête du monde. Du coup, on ne parlait plus de justice sociale et d’égalité des chances. La solidarité, l’esprit civique, la prévenance et l’aide mutuelle n’étaient plus des valeurs qui comptaient. Chaque enfant devait pouvoir faire son chemin sans encombre, apprendre à son propre rythme – donc se réaliser soi-même. Aller plus vite, être meilleur, plus beau, plus riche et avoir plus de pouvoir, c’étaient les nouveaux idéaux. Sur cette base s’est développée une élite qui ne se sent plus liée au bien commun et qui est prête à tout quand il s’agit d’imposer son propre avantage. De l’autre côté se trouve une armée de perdants qui luttent tous les jours pour leur survie.
Ce qui a été vanté, dans les concepts antipédagogiques des années 70 et 80, comme recette pour arriver à des individus libres est autodéterminés, a finalement produit des enfants et des adolescents déracinés qui, comme perdants, sont faciles à manipuler et, comme vainqueurs, manipulent les autres.

«Seules des fonctions psychiques pleinement formées conduisent à une vie sensée, pleinement vécue de l’individu et peuvent ainsi devenir les bases d’une société qui fonctionne»

C’est extrêmement méritoire de la part du psychiatre Michael Winterhoff d’avoir remis au centre la manière de voir de la psychologie des profondeurs et l’idée de l’éducation, à une époque où le mauvais comportement de l’enfant est de plus en plus considéré comme maladif et traité avec des médicaments. Comme psychiatre (!) il n’est pas d’accord de les désigner par des termes pathologiques et de les traiter avec des médicaments et il encourage parents, enseignants et éducateurs à s’occuper de nouveau de leur tâche d’éducation.
Quand il parle, en se référant à Sigmund Freud, de la psyché, du Moi, de projection, de symbiose ou de phases que l’enfant parcourt pendant son développement, des représentants d’autres écoles psychologiques et les pédagogues peuvent facilement faire abstraction de ces notions de la psychanalyse et affirmer l’essentiel de ces dires. L’idée de base que l’état psychique, le caractère, le sens commun, le style de vie, la solidarité avec les hommes, la conception personnelle du monde et beaucoup d’autres choses se forment pendant l’enfance dans un long processus de développement, est commune à tous. Ce qui est aussi incontesté c’est que «seules des fonctions psychiques pleinement formées conduisent à une vie sensée, pleinement vécue de l’individu et peuvent ainsi devenir les bases d’une société qui fonctionne» et que des conditions bien définies doivent être remplies pour que l’être humain puisse former ces fonctions avec une maturité suffisante.
Si Michael Winterhoff répète souvent dans sa publication que l’adulte doit «se délimiter» vis-à-vis de l’enfant, il ne plaide pas pour une éducation plus sévère. Pour lui, la délimitation n’a rien à faire avec le manque d’amour ou avec un comportement autoritaire ou avec le mépris de l’enfant. Le comportement vis-à-vis de l’enfant doit toujours être plein d’amour. Poser des limites ne contredit en aucun cas «l’exigence d’un comportement affectueux et proche de l’enfant». Seuls les deux comportements ensemble rendent possible la formation de toutes les capacités dont les enfants ont besoin pour vivre.
Les concepts des jardins d’enfants et des écoles doivent également être réexaminés pour voir s’ils suffisent encore aujourd’hui à leur tâche, c’est-à-dire à la formation de l’être humain dans sa totalité.
Devant les développements manqués massifs que la psyché des enfants a endurés ces derniers 20 ans, «les idées doivent changer de direction!»
«Si nous voulons réussir de nouveau à comprendre qu’un comportement directeur structuré avec les enfants n’est pas un manque de respect de leur personnalité, mais au contraire sert exactement à leur donner, dans un espace enfantin protégé, la possibilité de développer cette personnalité», alors nous serons déjà arrivés un peu plus loin, écrit l’auteur.
Les points forts de cet ouvrage se trouvent certainement dans la description des dysfonctionnements qui se sont nichés dans la relation entre les parents et les enfants, et entre les enseignants et les élèves. Il les localise dans l’état émotionnel des parents et des autres personnes éducatrices qui sont totalement insécurisés dans l’image qu’ils se font de l’éducateur. On peut féliciter l’auteur de nommer clairement ce qui ne va pas, de penser plus loin vers l’avenir et de voir ce qui arrivera à notre société si nous ne reconnaissons pas les signes du temps.
Maintenant c’est à nous de prendre au sérieux sa mise en garde et de développer les concepts pédagogiques qui ont fait leur preuves pour que nos enfants ne deviennent pas des tyrans.    •

Trou noir

Ce matin, entre éveil et rêve,
Les deux notes de la tourterelle
Mettent en émoi
Une part de moi.
C’est toute la paix du monde
Qui se réfugie en son chant
Plaintif et doux,
Tant pourchassé.
La paix se rassemble et résiste
Au bord de son fragile espoir
Pour ne pas choir
Dans le trou noir.

1/9/08    Luce Péclard