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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°18, 11 mai 2009  >  Qui aidera les Allemands à retrouver leur dignité? [Imprimer]

Qui aidera les Allemands à retrouver leur dignité?

par Karl Müller

Le journal allemand «junge Welt» a publié le 29 avril un extrait du nouveau livre de celle qui fut politicienne des Verts, aujourd’hui publiciste indépendante, Jutta Ditfurth. Ce livre porte le titre «Zeit des Zorn» (Le temps de la colère) (ISBN 978-3-426-27504). L’extrait publié affronte vertement la situation actuelle de notre système économique et financier, le comparant aux idéaux d’alors du socialisme, mais aussi de la bourgeoisie libérale. Un extrait touchant les conquêtes so­ciales et par quelles circonstances elles ont été possibles. Et pourquoi, on ne les trouve plus aujourd’hui.
Mais c’est un affrontement amer, restant sans perspective – sauf quand elle écrit «une vie sans exploitation, ni discrimination, ni famine, ni guerre» et «une société reposant sur la solidarité et la justice sociale, sans exploitation ni domination des uns sur les autres, une société dans laquelle les décisions en ce qui concerne notre volonté de vivre et de travailler sont prises démocratiquement.
Et Jutta Ditfurth s’exclame: «c’est une vision audacieuse. Et nous devons nous occuper de tout.» – «Il faut des mesures plus énergiques que de simples piquets de protestation et des manifestations». Il faut «une révolution sociale».
Au début de son exposé, elle décrit une rencontre avec un chauffeur de car, qui avait dit: «Il est bien dommage qu’il n’y ait plus de révolution aujourd’hui» et le lecteur apprend que ce chauffeur a perdu sa maison du fait de la crise économique mondiale. Et «sa haine est sans mesure.»
Le 30 avril, Annelie Buntenbach, membre de la direction de la Confédération syndicale allemande, donc de l’institution faîtière de presque tous les syndicats allemands, a exprimé dans un article paru dans le quotidien allemand «Neues Deutschland» la conviction que la crise ne pouvait être surmontée que dans la solidarité et la justice, mais que c’était surtout le monde politique qui était impliqué: «Le monde politique tient les rênes en main».
Ce même jour, la publication «Frankfurter Rundschau» titrait: «Berlin, un véritable désastre». Le nouveau ministre de l’Economie allemand, Karl-Theodor zu Guttenberg, membre de l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) a présenté les dernières prévisions du gouvernement en matière de développement économique en Allemagne. Pour l’instant on s’attend à un recul du produit intérieur brut de 6% en 2009, ce qui représente en gros une perte de 140 milliards d’euros. Ce chiffre peut toutefois être dépassé, du fait que les exportations du pays représentent près de 50% de ce PIB. Pour l’instant ils ont diminué de 20%, 30%, voire plus.
On estime que jusque fin 2010 il y aura en moyenne annuelle environ 1,35 million de chômeurs en plus en Allemagne, soit 450 000 cette année et 900 000 l’année suivante. Le nombre total de chômeurs atteindra alors, en dépit des chiffres arrangés officiellement (tableau des valeurs constitutives de la projection du printemps 2009 commenté par le gouvernement), 4,6 millions de personnes.
On estime à 20 à 30 milliards de pertes fiscales par rapport aux prévisions pour 2009 – et en plus un endettement jamais atteint de 70 à 80 milliards d’euros rien que pour le budget fédéral.
Ce nonobstant, on continue de traiter ceux qui prévoient des révoltes de masse de mauvais esprits. Selon les esprits confor­mistes ce n’est pas même envisageable, surtout pas en Allemagne. La population est «raisonnable» et, de plus, la société connaît un marché social: «Ce sont des balivernes, incontestablement. Nous avons un Etat social qui prend en charge tout le monde. Nous avons un système politique soucieux de protéger les gens et que de tels accidents conjoncturels, qui s’étendent sur le monde entier, soient amortis. Cela n’a aucun sens de parler de crises qui défileraient; ce qui compte, c’est donner confiance aux gens. Il faut leur dire que le monde politique agit, qu’il s’efforce le mieux possible d’amener un changement.» (Interview d’Alexander Dobrindt, secrétaire général de l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) au «Deutschlandfunk» le 30 avril).
De son côté, Jutta Ditfurth s’exprime ainsi: «Les responsables politiques et le capital se doutent bien qu’il y a des vagues dans les têtes de centaines de milliers, voire de mil­lions de gens. Mais ils ne savent pas vraiment l’ampleur de cette colère, étant trop éloignés de la population.»
Qui donc peut apporter son aide pour que les Allemands retrouvent leur dignité?
Comment procéder pour que les gens se retrouvent, ne serait-ce que pour des ques­tions de nécessité quotidienne, pour éviter un renforcement de la polarisation, pour que les oppositions ne se durcissent, pour que le nombre de victimes de la crise ne monte. Que la confiance revienne, personne ne cachant sa pensée. Qu’on se sente compris et qu’on ait le sentiment d’être chez soi. Qu’un vrai dialogue s’installe, personne n’étant mis de côté. Que chacun soit informé honnêtement et entièrement, tout le monde cherchant des solutions favorables à la communauté – donc à tout un chacun.
C’est de grande nécessité – personne ne peut prétendre avoir la solution pour se sortir de ce cul-de-sac dans lequel nous avons été emmenés au cours des vingt dernières années.
Donc, qui s’engage à renforcer dans notre peuple la volonté de prendre pour chacune et chacun ses responsabilités envers la communauté, ne laissant pas à quelques-uns le pouvoir de décider de la voie à suivre? Une voie vers un pays vraiment libre, juste, démocratique, solidaire et pacifique.
S’agit-il vraiment d’un projet audacieux? Pas vraiment. C’est un projet humain, qui part de l’idée que chaque individu est capable de distinguer le bien du mal, de se déterminer pour le bien et agir dans ce sens. En fait, c’est tout simple.    •