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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°46/47, 7 decembre 2009  >  Chercher une solution par le dialogue [Imprimer]

Chercher une solution par le dialogue

Interview de German Schmutz, président de l’Association suisse des éleveurs de moutons

Horizons et débats: Qu’attendez-vous de la grande manifestation d’aujourd’hui?

German Schmutz: Nous voulons attirer l’attention sur nos droits et notre souhait de maintenir l’espace vital de nos animaux d’élevage. Cela signifie qu’il doit toujours y avoir des éleveurs de moutons et de chèvres en Suisse et que la réintroduction des grands prédateurs ne doit pas détourner les jeunes de l’élevage parce que nous ne parvenons pas à adopter une réglementation pour faire face à cette menace.
Un autre objectif très important est de rapprocher la ville et la campagne et pour cela, nous devons engager le dialogue. Mais nous ne pourrons le faire que si on nous le propose et alors nous pourrons faire valoir notre point de vue. Récemment, nous avons eu un entretien avec l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et nous sommes persuadés que nous trouverons une solution.
Nous en avons assez des consultations, des déclarations écrites, des discussions internes – tout cela étant pris sur nos loisirs – avec pour résultat qu’on n’en tient absolument pas compte. On nous a tout simplement écartés. Une loi a été adoptée sans qu’on nous demande notre avis. C’est antidémocratique.
Si l’on prive les éleveurs de leurs moutons, que vont-ils faire? Ils ont trop peu d’animaux d’alpage. Les jeunes familles devront abandonner l’élevage et les alpages ne seront plus exploités. Cela va entraîner le retour des alpages à l’état sauvage. En outre, nous ne sommes pas là uniquement pour les éleveurs de moutons et de chèvres: nous défendons les intérêts d’autres personnes. Que va devenir le tourisme? Allons-nous connaître la situation de certaines régions du Tessin où l’on ne peut plus se déplacer en dehors des villages parce que la nature est retournée à l’état sauvage? Est-ce là le but de la protection de l’environnement?
Nous sommes favorables à la protection des animaux et du paysage, mais pas de cette façon. Il faut un certain équilibre et nous avons le droit de nous exprimer.

Le Conseil fédéral a un peu calmé le jeu en ce qui concerne la protection des loups. Qu’en pensez-vous?

Nous sommes très heureux que le Conseil fédéral ait vu que son concept ne fonctionnait pas. C’est un premier pas, mais il faut aller plus loin. Qu’allons-nous faire dans quatre, cinq ans si nous avons 20 loups par canton? Cela veut dire que je ne pourrai plus sortir le soir avec mes petits enfants. Le risque est trop grand. Il y a certes loups et loups, mais nous n’avons que faire, en Suisse, de loups qui causent des dégâts. Dans cette situation, nous devons agir et nous n’allons pas demander à Bruxelles ce qu’il faut faire.

A votre avis, comment les choses vont-elles évoluer?

La manifestation d’aujourd’hui l’a montré: nous voulons rapprocher la population urbaine et la population rurale. Nous voulons nous faire entendre en ce qui concerne les lois, le Concept Loup, trouver une solution par le dialogue. Nous souhaitons que les motions aboutissent et que nous soyons satisfaits des décisions du Parlement.
Nous avons actuellement des missions plus importantes que la protection des loups. Il y a des gens pauvres en Suisse et il serait beaucoup plus judicieux de mettre à la disposition des plus démunis sans défense – et ils sont nombreux – l’argent que nous dépensons pour les loups. Cet argent ne doit pas aller à ceux qui ont fait de leur hobby une profession. Je ne les critique pas, ils font cela très bien, c’est important pour eux mais, franchement, peu de personnes voient les loups. Nous devons fixer des limites. Il est grand temps de réagir car ce sera bientôt trop tard.

La Confédération ne cesse de répéter que la solution consiste dans la protection des troupeaux et qu’il faut l’optimiser. Partagez-vous cette idée?

La protection des troupeaux a déjà eu des effets positifs, mais imaginez ce que cela représente de rassembler 700 à 800 bêtes et de les parquer. Cela représente un énorme stress pour les animaux, qui n’est pas moins important que celui représenté par les loups qui s’attaquent aux moutons pendant la nuit. Et les petits alpages, où la protection des troupeaux est beaucoup trop coûteuse, retournent complètement à l’état sauvage. Nombreux sont ceux qui exploitent un petit alpage sans toucher un centime de subventions. On entend souvent dire que les éleveurs de moutons reçoivent beaucoup trop d’argent de la Confédération, mais c’est faux. Seuls environ 45% d’entre eux remplissent les conditions requises pour recevoir des «aides directes». Nous faisons à nos frais de la protection du paysage pour le tourisme. Il ne faut pas l’oublier. La protection des troupeaux n’est tout simplement pas possible.
Ce serait certainement bien que nous ayons partout en Suisse une bonne protection des troupeaux avec de bons chiens, mais le loup n’attend évidemment pas qu’un animal mort tombe du ciel: il va le chercher là où aucun danger ne menace. C’est cette brèche qu’il va chercher. Et nous revoilà à notre point de départ, à la différence près que nous avons dépensé des milliers et des milliers de francs pour la protection des troupeaux. Et qu’observons-nous? Le nombre de loups ne cesse d’augmenter. Actuellement, il y en a entre 12 et 15 en Suisse, mais si, plus tard, nous en avons 20 par canton, qui va pouvoir faire face?
Est-il juste que le peuple se divise sur cette question? Non. Nous avons vraiment des problèmes plus importants que celui de la protection des loups. J’espère que cette idée s’imposera.    •