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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°37, 19 septembre 2011  >  «Les bouées de sauvetage» ne résolvent pas la crise de la dette dans la zone euro [Imprimer]

«Les bouées de sauvetage» ne résolvent pas la crise de la dette dans la zone euro

km./rr. Le 7 septembre, le tribunal constitutionnel allemand a rejeté deux plaintes contre ce qu’on appelle l’aide à la Grèce et la bouée de sauvetage de l’euro, adoptées au printemps 2010 par le parlement allemand. Même s’il a formellement rejetté la plainte – comme c’était déjà le cas pour le jugement de Maastricht – le jugement contient des phrases claires en vue du renforcement de l’Etat national. Le tribunal se réfère essentiellement au fait que le législateur, c’est-à-dire le parlement allemand, doit agir et porter la responsabilité de ses actes. Le gouvernement, le parlement, les différents députés et les citoyens ne peuvent pas se cacher derrière le tribunal. (Pour les Suisses qui ne veulent expressément pas de tribunal constitutionnel, parce que le citoyen se situe au-dessus de tout, c’est tout naturel).

Selon le tribunal, un retrait de la zone euro est également possible. L’UE et l’euro ne forment pas une communauté de destin. Le tribunal retient que c’est l’affaire du parlement allemand de fixer la politique du pays. Le tribunal n’assume pas la responsabilité politique pour cela.

On critique à juste titre que le tribunal refuse la protection de la propriété, article 14 de la Loi fondammentale, du citoyen individuel. Le tribunal juge licite les 170 milliards d’euros quand les parlementaires en décident ainsi. Par contre, des obligations en euros et un gouvernement économique européen ne sont pas légaux. Il n’est même pas permis aux députés allemands d’en décider, parce sinon cela porterait atteinte à la souveraineté de l’Allemagne.

Le mécanisme de stabilité européen (MSE) planifié actuellement n’est pas compatible avec le paragraphe 3b des préceptes du jugement. Ceux-ci précisent: «Il n’est pas permis de fonder des mécanismes permanents violant le droit international qui aboutissent à une reprise de la responsabilité pénale pour les décisions fondées sur la volonté d’autres Etats, d’autant plus quand ceci peut avoir des conséquences difficilement prévisibles. Chaque mesure d’aide solidaire de la Fédération menant à des dépenses de grande ampleur au niveau international ou de l’Union doit être autorisée individuellement par le Parlement allemand.» Tout au début des attendus oraux, le président du tribunal a déclaré que le jugement ne devait «pas être interprété faussement comme une autorisation accordée en blanc de droit constitutionnel pour d’autres paquets de sauvetage.»

Le 5 septembre, deux jours avant le jugement, le quotidien «Die Welt» a commenté un sondage actuel de l’institut de recherche Emnid. La question posée à des citoyennes et des citoyens allemands était: «Etes-vous d’accord que la crise des dettes de la zone euro soit résolue en permanence par des bouées de sauvetage toujours plus importantes?» 89% des sondés ont répondu par la négative. C’est pourquoi, les députés du parlement allemand qui ne voulaient pas le 29 septembre approuver la loi sur l’extension de la somme garantie allemande et sur l’élargissement du Fond européen de stabilisation financière (FESF) reçoivent une large approbation de la part des citoyennes et citoyens du pays. Le 5 septembre, la CDU (Union chrétienne-démocratique) et la CSU (Union sociale-démocratique) ainsi que le FDP (Parti libéral) ont fait voter leurs fractions à titre d’essai. Le résultat de cette votation a montré que la chancelière et le ministre des finances ne trouvent pas au parlement une majorité pour leurs plans pourtant appuyés par la coalition. On entend de nombreux citoyens dire qu’il est important, justement à l’heure actuelle, de soutenir les députés qui sont contre l’élargissement des soi-disant bouées de sauvetage de l’euro.

Dans d’autres pays européens, la critique contre les bouées de sauvetage toujours plus grandes, contre la politique de l’UE et le gouvernement allemand augmente constamment. Le «Frankfurter Allgemeine Zeitung» a publié le 7 septembre une interview du président du parti du gouvernement libéral slovaque «Sloboda a Solidarita» (troisième fraction du parlement) et le président du parlement slovaque actuel, Richard Sulík.

Sulík a calculé que les banques, par leur prétendu «renoncement» lors d’une nouvelle «aide à la Grèce» gagneront chaque année plus de 500 millions d’euros et que les montants en milliards planifiés n’ont rien à voir avec une solidarité avec la Grèce, mais plutôt avec le financement des banques. A propos de la situation désolante de l’euro, il a ajouté: «La plus grande erreur est le fait que le club de la zone euro ne respecte pas ses propres règles – le Traité de Lisbonne, les critères de Maastricht, le statut de la BCE. Je m’étonne avec quelle effronterie on passe outre aux règles et que ça marche sans problème.»

Dans les anciens pays du bloc de l’Est, le rejet contre une UE aspirant à toujours plus de pouvoir s’étend: «La rage de règlementer est encore plus grande que dans le CAEM [Le CAEM était le Conseil d’assistance économique mutuelle du bloc de l’Est], et dans les anciens pays du bloc de l’Est, l’opposition grandit. L’UE ferait bien de ne pas galvauder toutes les sympathies à cause d’un gouvernement économique. L’Europe puise sa force dans la diversité et la compétition. Maintenant, on essaye de tout unifier. Mais nous ne sommes pas tous pareils.»  •

«La décision sur les revenus et les dépenses des pouvoirs publics fait partie intégrale de l’autonomie démocratique»

Préceptes découlants du jugement du Deuxième Sénat du Tribunal constitutionnel allemand du 7 septembre 2011

1. L’article 38 de la Loi fondamentale allemande (LF) protège les citoyens électeurs d’une perte substantielle de leur puissance souveraine, garantie par le droit constitutionnel, notamment en cas de transferts étendus, voire universels, des tâches et compétences du Bundestag sur des institutions à caractère transnational. La dimension juridique défensive de l’article 38, alinéa 1, LF s’applique aux configurations qui risquent de miner les compétences du Bundestag, actuel ou futur, d’une manière qui rendrait impossible, au niveau juridique ou pratique, la représentation parlementaire de la volonté du peuple visant la réalisation de la volonté politique du citoyen.

2a) Dans l’Etat constitutionnel, la décision sur les revenus et les dépenses des pouvoirs publics constitue une partie fondamentale de l’autonomie démocratique. Il incombe au Bundestag de décider, de manière responsable, des revenus et dépenses. Or, le droit de décider du budget représente un élément central de la formation démocratique de la volonté politique.

b) En leur qualité de représentants du peuple, les députés doivent disposer, même dans un système de gérance inter-gouvernemental, du contrôle sur les décisions budgétaires fondamentales.

3a) En matière de budget, le Bundestag allemand ne doit pas, sous réserve d’une approbation constitutive préalable, transférer sa responsabilité financière, par un transfert politiquement indéfini, à des acteurs tiers. Il lui est notamment défendu, même par la création de lois, de se livrer à des mécanismes à effets financiers qui aboutissent à des charges incontrôlables du budget, que cela se fasse en raison d’un concept d’ensemble ou d’un jugement de mesures isolées.

b) Il n’est pas permis de fonder des mécanismes permanents violant le droit international public contractuel qui aboutissent à une reprise de la responsabilité pénale pour les décisions fondées sur la volonté d’autres Etats, d’autant plus quand ceci peut avoir des conséquences difficilement prévisibles. Chaque mesure de soutien solidaire et d’envergure qui relève des dépenses de la main publique, au niveau international aussi bien que sur celui de l’UE, doit être autorisé par le Bundestag, dans chaque cas individuellement.

c) En plus, une influence suffisante du parlement, sur la manière d’utiliser les fonds mis à disposition, doit être garantie à tout moment.

4. Les dispositions des traités européens ne se trouvent pas en contradiction avec le concept de l’autonomie nationale budgétaire, conçue comme la compétence non transférable des parlements des pays membres, parlements légitimés directement par la démocratie, mais au contraire elles le présupposent. Leur respect strict garantit que les actions des organes de l’Union européenne disposent, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Allemagne, d’une légitimité démocratique suffisante. La conception contractuelle de l’union monétaire en tant que communauté de stabilité, est la base et l’objet de la loi allemande d’approbation.

5. Quant à la probabilité de prendre la responsabilité de garanties, le législateur dispose d’une marge de libre arbitre qui doit être respecté par le Tribunal constitutionnel. Il en va de même de l’estimation de la capacité de charge future du budget fédéral et de la performance économique de la République Fédérale Allemande.

(Traduction Horizons et débats)