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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°17, 4 mai 2009  >  Mortalité des abeilles, pertes de colonies: conséquences économiques et écologiques [Imprimer]

Mortalité des abeilles, pertes de colonies: conséquences économiques et écologiques

hd. Ces dernières années, de fortes pertes de colonies d’abeilles ont été constatées en Suisse de même que dans d’autres pays d’Europe et aux Etats-Unis. Le Centre de recherches apicoles de la station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP est à la tête d’un réseau international qui a pour but d’analyser l’étendue et les causes de ces pertes mystérieuses.
A côté d’autres facteurs, l’acarien varroa semble jouer un rôle déterminant dans les pertes de colonies enregistrées. Les chercheuses et les chercheurs d’ALP ont démarré de nouveaux projets de recherche afin de trouver des solutions durables pour lutter contre ce parasite.
Au cours de la conférence de presse du Département fédéral de l’économie DFE du 31 mars, intitulée «Mortalité des abeilles – pertes de colonies? Que se cache-t-il derrière ces mots?», les différents aspects de ce problème d’envergure mondiale, dont les conséquences pourraient s’avérer désas­treuses économiquement et écologiquement, ont été examinés de tous les côtés. Le Centre de recherches apicoles a également présenté sa nouvelle offensive en matière de recherche.

L’abeille mellifère, qui existe depuis plus de 30 millions d’années, a dû affronter d’innombrables modifications de son environnement dont les glaciations et a survécu à de nombreuses nouvelles maladies ainsi qu’à des ravageurs tout en s’adaptant à de nouvelles sources de nourritures. L’abeille a-t-elle de nos jours épuisé ses capacités d’adaptation à son environnement? L’avenir de l’abeille mellifère est-il compromis par les mortalités de colonies observées ces dernières années en Europe et ailleurs dans le monde? Afin de mieux comprendre les différents phénomènes qui pourraient être responsables des mortalités de colonies, il est important de connaître au plus près certains fonctionnements qui régissent la colonie d’abeilles.
La colonie est considérée comme un super-organisme composé d’individus, les abeilles. Leur durée de vie varie de quelques semaines à plusieurs mois selon que l’on a affaire à des abeilles d’été ou d’hiver. Durant la belle saison, plus de mille abeilles naissent par jour et il en meurt autant. En hiver, la colonie n’élève plus de jeunes abeilles et la mortalité naturelle est basse. Les abeilles d’hiver naissent d’août à octobre et elles assureront le passage à la nouvelle saison. Agées de cinq à sept mois, c’est sur elles que reposent la poursuite de l’élevage au printemps suivant. Si pour une raison ou une autre leur durée de vie est réduite, même de manière minime, le redémarrage de prin­temps sera compromis de même que la survie de la colonie. Les pertes de colonies enregistrées en Europe interviennent principalement durant le repos hivernal. C’est la raison pour laquelle la recherche concentre ses travaux sur les facteurs qui pourraient influencer la durée de vie des abeilles hivernantes.

Pesticides en cause?

Durant le printemps et l’été, il arrive que l’on observe des affaiblissements plus ou moins importants de colonies d’abeilles comme cela s’est passé au printemps 2008 dans le sud de l’Allemagne. Dans ce cas, le phénomène a été mis en relation avec l’usage de pesticides. Il y a lieu de faire une différenciation entre ces cas clairs et localisés d’intoxications, d’une part, et les mortalités importantes de colonies survenant sur plusieurs continents principalement durant l’hivernage des colonies et dont les causes ne sont pas établies, d’autre part.

Valeur économique et écologique de la pollinisation

Si le nombre de colonies d’abeilles venait à diminuer fortement, cela pourrait avoir des conséquences économiques et écologiques importantes. Une étude franco-allemande publiée en 2008 estime que la valeur écono­mique de la pollinisation par les insectes dans le monde est de 153 milliards d’Euro, soit près de 10% de la production alimentaire destinée à l’homme. Une autre étude nord-américaine estime que le tiers des denrées alimentaires consommées en Amérique du Nord sont pollinisées par des animaux et que l’abeille mellifère est de loin la plus efficace. Ceci est dû notamment à son comportement de pollinisateur généraliste, capable de butiner une grande diversité de plantes différentes, et sa capacité à informer ses congénères sur les sources de nourriture. Les estimations de la valeur économique de la pollinisation par les insectes ne tiennent compte que des plantes cultivées. L’apport des abeilles sur les plantes sauvages est difficile à évaluer et s’exprime mal en valeur monétaire.
Diversité botanique et faunistique d’une région, beauté du paysage, qualité des sols sont cependant des éléments à considérer dans un tel contexte.
Selon une estimation de la station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP de 2002, la valeur totale de la récolte de fruits et de baies en Suisse s’est élevée à 335 millions de francs dont 80% sont à mettre au compte de la pollinisation par les abeilles mellifères. En Suisse, la contribution économique d’une colonie d’abeilles atteint en moyenne 1500 francs par année (produits de la ruche et pollinisation des fruits et des baies). Les valeurs sont encore plus élevées si l’on prend en considération la pollinisation des grandes cultures (féveroles; colza; tournesol), des graines (luzerne; trèfles rouges; légumes) et des cultures maraîchères (haricots, tomates, courges, concombres).    •
Contacts/renseignements: Jean-Daniel Charrière,

Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, Centre de recherches apicoles, Schwarzenburg­strasse 161, 3003 Berne, tél: +41 31 323 82 02,
e-mail: jean-daniel.charriere(at)alp.admin.ch

Ampleur des pertes de colonies d’abeilles et analyse des facteurs potentiels

En Europe, en Chine et aux USA, les apicultrices et les apiculteurs sont régulièrement frappés par des pertes de colonies d’abeilles soudaines, massives et inexplicables (> 400 000 000 d’euros de dommages par an, sans compter les déficits financiers dus au défaut de pollinisation qu’entraînent ces pertes!). Les colonies atteintes peuvent présenter divers symptômes (par ex. CCD = Colony Collapse Disorder). Ce recul considérable de pollinisateurs peut engendrer des consé­quences économiques et écologiques encore plus préjudiciables (par exemple défaut de pollinisation des plantes cultivées et sauvages importantes) vu que, ne connaissant pas les facteurs, ni les apicultrices et les apiculteurs ni les autorités vétérinaires ne peuvent prendre des mesures efficaces.

Situation initiale complexe

Il semble que toute une série de facteurs joue un rôle dans ces pertes: 1) les maladies, 2) les facteurs environnementaux (nourriture, pesticides) et la conduite du rucher, 3) la diversité génétique et la vitalité des abeilles. Par ailleurs, les interactions entre facteurs sont inévitables, puisque toutes les colonies d’abeilles en Suisse sont infectées par l’acarien ectoparasite Varroa destructor. Ces interactions ont été jusqu’à présent peu étudiées et sont donc mal connues. On sait cependant que toutes les colonies d’abeilles infestées par V. destructor meurent en l’espace de deux à trois ans si elles ne sont pas correctement traitées. Pour connaître l’ampleur des pertes de colonies et pour élaborer des solutions, il est nécessaire de recenser les populations d’abeilles et de déterminer leur dynamique, à l’exemple du programme de monitoring suisse. Pour garantir la comparabilité des données, des standards internationaux qu’il convient d’appliquer avec conséquence doivent être fixés.

Réseau de recherche international

Un réseau international de scientifiques, d’apicultrices et d’apiculteurs ainsi que de représentantes et de représentants de l’industrie est donc absolument indispensable pour bien comprendre les pertes de colonies d’abeilles et élaborer des mesures de lutte efficaces. Le réseau COLOSS (comptant actuellement 130 membres de 35 pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique) dirigé par le centre de re­cherches apicoles (CRA) d’ALP a pour objectif de coordonner la recherche internationale afin de permettre le développement et l’application de mesures de lutte durables. A cet effet, il y a lieu d’établir des standards COLOSS internationaux destinés à récolter des données fiables. Cette approche intégrée aidera à endiguer les conséquences des pertes de colonies, qui sont préjudiciables aux apicultrices et aux apiculteurs, à l’agriculture et à l’environnement.

Deuxième offensive contre les varroas

Il faut agir dès maintenant, rapidement et de façon conséquente. Etant donné qu’actuellement le seul facteur certain de la perte des colonies est l’infestation par Varroa destructor, le CRA a lancé une nouvelle offensive pour lutter contre ce parasite.    •

Contacts/renseignements: Peter Neumann,
Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP Centre de recherches apicoles, Schwarzenburg­strasse 161, 3003 Berne, tél: +41 31 323 82 38
e-mail: peter.neumann(at)alp.admin.ch
Peter Neumann assume des mandats auprès du Department of Zoology an Entomology, Rhodes University, Grahamstown 6140, South Africa, et au Eastern Bee Research Institute of Yunnan Agricultural University, Heilongtan, Kunming, Yunnan Province, Chine.