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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°18, 5 mai 2008  >  Crise de céréales mais pas d’OGM en Afrique [Imprimer]

Crise de céréales mais pas d’OGM en Afrique

Le cas de la République Démocratique du Congo

par Joseph M. Kyalangilwa, Président du Great Lakes Forum International (Suisse)

Ces dernières semaines, toutes les capitales du monde sonnent l’alarme sur la pénurie des principales céréales de grande consommation. Il s’agit notamment du riz et du maïs dont le prix monte vertigineusement sur les marchés. Les premières causes de l’envolée du prix des céréales seraient les productions industrielles des biocarburants utilisant d’énormes quantités de cette denrée alimentaire comme matières premières.

Il est vrai que certains continents comme l’Amérique et l’Europe utilisent déjà le biocarburant dans leurs automobiles et aéronefs. A notre connaissance, l’Afrique qui, du reste, regorge encore d’énormes réserves en pétrole à exploiter rationnellement, ne peut pas se permettre le luxe de transformer en biocarburants ses maigres productions en céréales actuelles. L’Afrique doit plutôt profondément repenser sa politique agricole. Celle-ci devra s’inscrire dans la catégorie des projets prioritaires à court et à moyen termes des gouvernements de tous les Etats africains.

Pas d’OGM en Afrique

Mais attention, que les pays africains s’interdisent formellement à faire appel à l’usage des OGM (organismes génétiquement modifiés) que les producteurs occidentaux cherchent à tout prix à introduire en Afrique pour des buts inavoués. Nous en connaissons les conséquences néfastes, car, les Etats africains qui acceptent les OGM doivent savoir que de ce fait, ils placent leurs pays sous le joug de la politique néocolonialiste tant voulue par certaines puissances occidentales.
Il est dès lors vivement recommandé aux parlementaires africains de contrôler vigoureusement les politiques agricoles des gouvernements de leurs Etats respectifs. Ces programmes doivent occuper la place de choix dans les projets à court et à moyen termes pour les cultures vivrières et, à long terme pour les cultures pérennes. Au cas où les gouvernements s’abstenaient d’introduire au Parlement les projets de lois prohibant l’usage des OGM dans l’agriculture, que les Députés en proposent les lois.

Expropriation d’une bonne partie des terres arables

C’est vraiment inacceptable à l’heure actuelle, de constater qu’en Afrique, les bonnes terres de certains Etats indépendants et souverains, soient encore occupées à plus de 90 % par les cultures d’exportation (café, thé, tabac, cannes à sucre appartenant à un millier de colons étrangers qui s’en autoproclament propriétaires. Ces derniers fortement soutenus par les gouvernements des anciennes puissances colonisatrices, qui ne cessent de dénigrer, par leurs médias interposés, les dirigeants légitimes des Etats africains résolument engagés à récupérer, en faveur de leurs populations, une bonne partie des terres arables.
A ce sujet, les Etats africains doivent continuer à demeurer solidaires comme ils le font si bien jusqu’à présent. Les dizaines de millions de populations autochtones ont besoin d’une grande partie de bonnes terres de leurs ancêtres spoliées sous la colonisation, afin d’y cultiver les produits vivriers de consommation courante (riz, maïs, manioc, ignames, haricots, patates douces, sorgho, soja, pommes de terre, arachides, haricots, bananes etc.) pour subvenir aux besoins de leur sécurité et indépendance alimentaires. Il est inadmissible que certains pays africains disposant de grandes forêts équatoriales, par exemple entre autres le Cameroun qui importe annuellement plus de 400 000 tonnes de riz alors que le riz pluval y pousse facilement. Les pays africains devront investir les milliards de leurs petro-dollars dans les projets agricoles mécanisés et dans le soutien permanent des paysans agriculteurs en mettant à leur disposition les semences améliorées et les équipements aratoires appropriés. En outre, les gouvernements doivent encadrer les agriculteurs par les agronomes expérimentés.

Le cas de la République Démocratique du Congo

La RDCongo est un pays très vaste (2 345 410 km²) qui occupe la troisième place en Afrique derrière le Soudan (2 509 000 km²) et l’Algérie (2 384 000 km²), dispose des potentialités agricoles qui, si partiellement elles sont mises en valeur, lui permettent d’assurer en peu de temps la sécurité et la souveraineté alimentaires de ses populations et en exporter le surplus.
En effet, jusqu’en 1960, la RDCongo réalisait 60% de ses recettes en devises provenant des exportations des produits forestiers et agricoles (productions vivrières et pérennes).
Il est utile de rappeler que 60% de la superficie du Congo sont constitués d’importantes forêts équatoriales denses; 3,5% par les plans d’eau dont 15 lacs totalisant 180 000 km² et une trentaine de grandes rivières totalisant 20 000 km de berges. Tous ces cours d’eau et lacs regorgent des réserves en poissons. Le lac Tanganyika par exemple est le plus poissonneux du monde et occupe une superficie de 32 900 km² et une profondeur de 1433 m dont 642 m sous le niveau de la mer. Selon les études scientifiques, plusieurs espèces de poissons vivent dans les différents niveaux de la profondeur de ce lac. Il n’existe pratiquement pas encore des unités de pêches industrielles dans les lacs congolais pour couvrir les besoins des populations. Il existe cependant les projets bien élaborés d’implantation d’unités de conserveries de sardines sur les côtes des eaux congolaises du Lac Tanganyika (Kalemie, Fizi, Baraka et Uvira). Ces projets ont été élaborés dans les années 1972–74 par les experts allemands dans le cadre de l’ASSINEZ (Association internationale d’industrialisation de l’Est du Zaïre). Dans le même cadre étaient prévues les usines métallurgiques de raffinage d’or de l’Est du Congo, de super-concentration et de fonderie de cassitérite, wolframite, coltan (Colombo-tantalite), la mise en boîtes de concentrés de tomates du Kivu, les nouvelles sucreries au Kivu et Province Orientale, les cimenteries de Katana et de Kisangani etc. Les études de faisabilité de ces projets existent à Cologne: elles étaient aussi au ministère du Plan à Kinshasa et à la division de l’Economie à Bukavu. Nous les avions consultées à Cologne et à Bukavu. La Pharmakina (entreprise pharmaceutique allemande à Bukavu) doit aussi les avoir. Les députés provinciaux et nationaux des régions concernées doivent être les grands fouineurs …
Les potentialités agricoles sont vastes dans ce grand pays. Les étendues des terres arables sont énormes, elles sont de 80 000 000 d’ha ou 800 000 km² dont 1% seulement est cultivé; le problème d’occupation de terres par les colons étrangers n’existe donc pas du tout. Quant à la végétation, elle peut supporter 40 000 000 de têtes de gros bétails d’élevage industriel. Les provinces de l’Est du Congo possèdent les plus grandes étendues de pâturages naturels pour les élevages. Ainsi l’achèvement de la route nationale no 2 Kisangani-Bukavu-Uvira et la restauration des chemins de fer Kalemie-Kasaï et Kalemie-Kindu devaient-ils permettre l’approvisionnement en poissons et en viande des provinces Orientale, Equateur, Kinshasa d’une part, Katanga, Kasaï et Maniema d’autre part.
Comme cultures vivrières, le pays produit facilement: bananes, manioc, riz pluvial, riz de marais, maïs, sorgho, haricots, arachides, soja, kunde, ignames, patates douces, (pommes de terre, orge et légumes au Kivu), éleusine, taro et comme fruit: mangues, avocats, ananas, cœur de bœuf, papayes, agrumes, maracuja et tant d’autres variétés.
Quant aux cultures pérennes, le Congo est grand producteur de: huile de palme, cafés Arabica et Robusta, thé, cacao, hévéa, coton, quinquina, tabac, canne à sucre. Dans les forêts on trouve beaucoup de caoutchouc naturel et une multitude de fruits de cueillette.
Si la RDCongo possède tous les atouts pour assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires de ses populations, il y a cependant les préalables à remplir par le gouvernement en place issu des élections. Le peuple qui a tant souffert et qui a attendu impatiemment plus de 40 ans pour être dirigé par ses mandataires, ne veut plus de discours mielleux. Ce peuple veut vivre les actions concrètes en commençant par l’indépendance alimentaire. Les productions vivrières étant de court et moyen termes, les paysans agriculteurs demandent premièrement que le gouvernement relance les productions locales de semences améliorées, la garantie de leur distribution et l’encadrement technique des fermiers.

Où produire les semeces sélectionnées?

Il y a tout simplement une extrême urgence de ressusciter tous les centres de recherches agronomiques de l’INERA (Institut national d’Etudes et de Recherches agronomiques). Nous indiquons ces centres dans le tableau I.
Outre la remise urgente en activité des deux centres de Gandajika et de Yangambi et des stations agronomiques de l’Etat indiquées ci-avant, le gouvernement du Congo devra créer d’autres centres dont au moins un par province pour superviser les stations expérimentales qui y existent et en créer d’autres. En outre, le gouvernement devra aussi encourager et subventioner les fermes semencières-pilotes des organisations privées qui soutiennent tant mieux que mal, depuis des décennies, quelques cultivateurs dans les milieux ruraux. Le pays est immense et seules les productions de semences sélectionnées des services de l’Etat ne pourront jamais suffir. D’autre part, bientôt les 26 entités provinciales seront opérationnelles avec leurs institutions propres. Or, il faudra multiplier les semences dans pratiquement chaque province et s’approcher près des paysans agriculteurs pour les encadrer sur le terrain. Il va sans dire que les ingénieurs agronomes congolais formés dont beaucoup d’entre eux au chômage actuellement, ne suffiront pas pour couvrir les besoins du pays. Pour suppléer à cette insuffisance, on aura à recourir à l’embauche des Techniciens supérieurs en développement rural (TDR) que forment les Instituts supérieurs de Développement rural (ISDR) du pays.

La RDCongo est capable de nourrir ses populations

Pour mener les bonnes études de faisabilité, notamment en ce qui concerne la sécurité et l’indépendance alimentaires d’un Etat, on doit entre autres connaître le nombre réel de sa population et la superficie des terres arables. Or, en République Démocratique du Congo on s’est toujours contenté des estimations du nombre d’habitants. Le seul recensement fiable qui a été effectué récemment, est celui d’identification et d’enregistrement des électeurs potentiels (juin-décembre 2005). Il s’est agi de connaître le nombre de citoyens congolais âgés de 18 ans et plus. Cette tranche représentant 33% de la population congolaise (soit 25 696 964 enregistrés), tout calcule fait, le pays doit en 2007 être habité par 77 869 588 d’âmes). Nous espérons que ce chiffre sera confirmé par le prochain recensement général des populations congolaises.
C’est en tenant compte du nombre d’habitants trouvés ci-avant que nous allons déterminer les besoins en denrées alimentaires de grande consommation. Nous allons également tenir compte que du fait de l’insécurité récurrente dans les milieux ruraux, le pays connaît actuellement un grand exode rural. Démontrons maintenant comment la RDCongo est à même de garantir la sécurité et la souveraineté alimentaires de ses populations (cf. tableau II).

Denrées alimentaires de grande consommation: riz et maïs

Ces productions sont réalisables en deux saisons culturales par année en n’oubliant pas que les agriculteurs congolais produisent leurs nourritures en cultures intercalaires. Autrement dit, ils ne doivent pas défricher les nouveaux champs pour chaque culture. Ainsi sera-t-il possible d’occuper pratiquement les 80 millions d’ha de terres arables. A notre avis, nous croyons que tous les pays de l’Afrique centrale qui disposent d’énormes étendues de forêts, doivent faire de l’agriculture un programme prioritaire, non seulement pour la sécurité alimentaire de leurs populations respectives, mais également aux besoins des autres pays africains sans terres arables. Ainsi, dans un bref avenir, l’Afrique Centrale deviendra le grainier de toute l’Afrique. La coopération interafricaine permettra à coup sûr, aux pétro-dollars africains de ne plus aller enrichir davantage les super riches occidentaux. Nous savons sous quelles conditions les partenaires occidentaux consentent leurs aides au développement aux Etats africains!    •

Tableau I

CulturesCentresStationsProvinces
1.    Cotonnier
Gandajika
Gandajika
Bambes
Boketa
Kasaï Orienta
Pr. Orientale
Equateur  
2.    Palmier Elaïs 
 
YangambiPro. Orientale
3.    Cacaoyer
Yangambi
BongaboEquateur
4.    Riz
Yangambi
Gandajika
Bambesa
Boketa
Loeka
Mukumari
Kasaï Oriental
Pr. Orientale
Equateur
Equateur
Pr. Orientale
5.    Soja
Gandajika
M’Vuazi
Boketa
Kasaï Oriental
Bas-Congo
Equateur
6.    Haricots           
Mulungu
M’Vazi
Sud-Kivu
Bas-Congo
7.    Maïs            
Gandajika
Mulungu
Boketa
Bambesa
Kasaï
Oriental
Sud-Kivu
Equateur
Pr. Orientale
8.    Fruits        
 Yangambi 
M’VuaziBas-Congo

9.    Arachides           

Bambesa
M’Vuazi
Gandajika
Boketa
Pr. Orientale
Bas-Congo
Kasaï-Oriental
Equateur
10.    Hévéa            YangambiBongabo
N’Gazi
Mukumari
Kondo
Equateur
Pr. Orientale
Pr. Orientale
Bas-Congo
11. Caféier Robusta             
YangambiBambesa
Bongabo
Kondo
Pr.Orientale
Equateur
Bas-Congo
12.    Caféier Arabica           

MulunguSud-Kivu
13.    Pyrèthre       

MulunguSud-Kivu
14.    Sorgho 

Mulungu
Gandajika
Kipopo
Sud-Kivu
Kasaï-Oriental
Katanga
15.    Eleusine        

MulunguSud-Kivu
16.    Cowpia (Vigna unguiculata)           

GandajikaKasaï-Oriental
17.    Mil           

GandajikaKasaï-Oriental
18.    Haricots (Phaseo­pulus lunatus)           

GandajikaKasaï-Oriental
19.    Quinqina

MulunguSud-Kivu
20.    Théier           

MulunguSud-Kivu
21.    Pisciculture

KipopoKatanga
22.    Elevage       
Yangambi

Nioka
Gabu
Mont-Hawa
M’Vuazi
Mulungu
Kipopo
Gandajika

Pr. Orientale
Pr. Orientale
Pr. Orientale
Bas-Congo
Sud-Kivu
Katanga
Kasaï-Oriental
23.    Foresterie           
YangambiKipopo
Mulungu
Nioka
Bambesa
Katanga
Sud-Kivu
Pr. Orientale
Pr. Orientale



Tableau II

Libellés

Nombre/Quantités

1.    Populations totales (arrondies)   
78 000 000
2.    Nombre total de ménages (8 personnes)   
9 750 000
3.    Populations urbaines (25% de O1)   
19 500 000
4.    Populations rurales (75% de 01)   
58 500 000
5.    Nombre de menages ruraux   
7 312 500
 6.    Nombre de paysans cultivateurs (80% de 05)   
5 850 000
7.    Nombre d’ha cultivés pour le riz   
2 300 000
8.    Nombre d’ha cultivés pour le maïs   
1 800 000
9.    Consommation riz/ménage/an en kg   
300
10.    consommation maïs/ménage/an en kg   
360

  


Tableau III

Cultures
vivrières
Nombre d’ha
emblavés
Besoins de
semences
Productions
en tonnes
Consomm.
locales/an
           Excédent à
exporter
Riz pluvial
2 300 000103 500 t 4 600 0002 925 000 t
1 675 000 t
Maïs
1 800 000
90 000 t
7 200v000
3 510 000 t
3 690 000 t