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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°32, 11 août 2008  >  Courant d’Eire sur l’Europie [Imprimer]

Courant d’Eire sur l’Europie

L’UE après le choc irlandais

Le matin du 13 juin, au lendemain du scrutin irlandais, les premières urnes à peine ouvertes, les jeux étaient déjà faits: à Dublin, cœur historique du Oui à l’Europe lors des précédents référendums, le Non était largement en tête. A Marseille, le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes qui participait à l’une de ces grands messes où les subventionnés de la Commission parlent aux subventionnés de la Commission, le visage défait, s’est dit «effondré» par le résultat qui s’annonçait. Le titre de la réunion organisée par le mouvement européen était: «Paroles d’Europe». Le Non ne faisait visiblement pas partie du vocabulaire attendu.
Puis est venu le temps de l’analyse. En pleine recherche de notoriété, le Président du Groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé fit, le premier, part de son évaluation de la situation: «Il y a, à l’évidence un problème entre l’Europe et les citoyens», mais la solution qu’il préconisa ensuite laisse songeur: «Il faut que les citoyens recollent à l’Europe», ou comment rapprocher le piano du tabouret… Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont concertés pour tenir un langage commun : «La France et l’Allemagne regrettent le résultat du référendum», dont ils chercheront à minimiser la portée en rappelant qu’une vingtaine de pays avaient déjà ratifié le traité. Ils décidèrent d’isoler le Non irlandais en soulignant également la faible participation que les sondages annonçaient alors. Las, les chiffres de participation ne cessèrent de croître durant l’après-midi pour afficher un solide 54%. Le Non était franc et massif.
Ainsi, l’épisode irlandais montre le visage tout relatif de la démocratie européenne: Un référendum, lorsqu’il est négatif, est une crise, la seule solution étant de faire voter à nouveau. Dès lors, pourquoi imprimer deux bulletins de vote? L’«élite» européenne se pose toutes les questions, sauf les bonnes : et si ce n’était pas le peuple le fautif mais le traité? N’est-ce pas l’ensemble d’un projet qui éloigne un gouvernement des gouvernés qui est rejeté par les peuples d’Europe?
Certains tentent même le tour de force d’attribuer le désamour des citoyens des Etats-membres de l’UE pour l’Europe à la longueur du débat institutionnel qui depuis 2001 ennuierait profondément les électeurs. Pour le Chancelier autrichien Alfred Gusenbauer, il n’est plus question aujourd’hui de «continuer des débats institutionnelles qui ennuient tout le monde dans toute l’Europe». D’autres utilisent l’argument de la nécessité, qui remet effectivement en cause l’utilité des élections comme le Premier ministre espagnol Zapatero: «Il n’est pas possible que l’Irlande, avec tout le respect pour son choix démocratique, puisse stopper un projet aussi nécessaire» – ce que l’inégalable Alain Duhamel appelle «le despotisme irlandais». Quant à Daniel Cohn-Bendit, il impute le Non au «caractère fondamentalement égoïste des peuples».

Désamour ou clairvoyance?

Pour les «petits pays» de l’UE qui n’avaient pas encore compris qu’ils n’avaient plus voix au chapitre le référendum irlandais va laisser quelques séquelles. Et ce n’est pas un hasard si c’est de la petite République tchèque que vint le premier couac, tonitruant. Le président Vaclav Klaus déclara «qu’il ne signerait pas un traité devenu caduc en vertu des dispositions de la Convention de Vienne sur les traités internationaux». Le second vint du président polonais qui assura que «bien que le Parlement lui ait donné l’autorisation de le faire, il ne signerait la loi de ratification que pour autant que les Irlandais disent Oui».
Un recours ayant été déposé auprès de la Cour de Karlsruhe contre le traité de Lisbonne, le président de la République fédérale allemande a, lui aussi, suspendu sa signature.
Les juristes tchèques viennent de lever un nouveau lièvre. Le vote de la chambre basse du Parlement tchèque et le recours dont il fait l’objet auprès de la Cour suprême de Prague portait sur une traduction «non officiel du traité». Les autorités italiennes, «archivistes» des traités européens, ayant omis de transmettre le traité dans sa version tchèque officielle au gouvernement de Prague, la Cour suprême pourrait refuser de statuer sur la demande d’avis du Sénat, puisque la Constitution lui impose de ne se prononcer que sur des textes officiels de droit primaire. C’est l’ensemble de la procédure de ratification qui pourrait ainsi être remise en cause. D’autres pays pourraient se trouver dans la même situation, en particulier la Hongrie dont le Parlement a voté quelques jours à peine après la signature du traité à Lisbonne, visiblement sans document officiel consolidé en langue Magyar.

Monsieur B.

Source: La lettre de l’Indépendance no 48, juillet 2008



«Le Non irlandais doit être respecté!»

Le ministre irlandais des Affaires étrangères Michael Martin a rappelé, lors d’une réunion des mi­nistres des Affaires étrangères de l’UE, à Luxembourg le 16 juin, que le Non au référendum du 12 juin était «une décision démocratique du peuple irlandais», ajoutant qu’il était «encore beaucoup trop tôt» pour «commencer à proposer des solutions». De son côté, le président des juristes européens, Jean-Luc Sauron, donne raison à Gerry Adams, président du Sinn Féin («C’est la fin du traité de Lisbonne») et au président de la République tchèque, Vaclav Klaus («Le processus de ratificatin est fini»): «Il est en effet difficile juridiquement de leur donner tort (…); la nature ayant horreur du vide, c’est le statu quo qui devrait s’appliquer à l’Union, en clair, le traité de Nice, signé en 2001 (…); Je ne vois pas au nom de quoi on pourrait exiger des Irlandais qu’ils revotent, Français et Néerlandais n’ayant pas revoté.»

Les Français contre le traité de Lisbonne

Le quotidien «Sud-Ouest» a eu la bonne idée de demander à l’IFOP (Institut français d’opinion publique) de procéder à un sondage sur ce qu’aurait été le vote des Français si le traité européen de Lisbonne avait été soumis au référendum. Le Non l’emporterait par 53% (33% s’abstenant). Ce sondage traduit, selon l’IFOP, «la persistance d’un euro-sceptisme dans l’hexagone et montre que le clivage de 2005 perdure»: 72% des ouvriers, 63% des employés, 56% dans ruraux voteraient contre.
A rapprocher du sondage publié dans Métro (L’Indépendance no 47) mentionnant un rejet à 61%; en fait le Non l’emporterait beaucoup plus nettement, après une campagne et un vrai débat explicatif sur le traité de Lisbonne.

Les deux visages de François Fillon

François Fillon, Premier ministre français, a déclaré le 12 juin dernier: «Si le Non l’emporte en Irlande, le traité de Lisbonne n’existera plus» et, cinq jours plus tard, le 17 juin: «Le processus de ratification du traité de Lisbonne va se poursuivre, malgré le Non irlandais».

Source: La lettre de l’Indépendance
no 48, juillet 2008