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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°10, 23 mars 2009  >  Une nouvelle bulle financière ne résoudra pas le problème [Imprimer]

Une nouvelle bulle financière ne résoudra pas le problème

Que cache la «grande réforme de la santé» voulue par Obama?

par Karl Müller

L’article ci-après remet en question l’affirmation du nouveau président américain Obama que l’énorme déficit budgétaire de 1,75 billion de dollars doit servir au bien-être de la population des Etats-Unis et à l’éco­nomie mondiale. L’auteur de l’article part du constat que, notamment, les dépenses prévues par Obama pour la «grande réforme de la santé» ne doivent pas servir en premier à la santé publique, mais à une forme moderne d’un techno-capitalisme suspect (biotechnologie, technologie génétique, nanotechnologie, etc.), ce qui peut mener vers une nouvelle bulle spéculative. Et tout cela pour maintenir la domination mondiale du dollar au profit des bénéficiaires de cette domination.

Le gouvernement américain met les Etats européens sous pression. Le 8 mars, le journal anglais «Financial Times» rapportait que le conseiller en économie du nouveau président, Lawrence Summers, avait insisté auprès des Etats européens pour qu’ils investissent beaucoup plus dans la lutte contre la crise financière et économique. Les programmes prévus actuellement ne seraient pas suffisants. On ne pouvait pas laisser le soin à la Chine de remettre en marche la conjoncture mondiale.
Summers vantait par là le modèle de son propre gouvernement qui a présenté un budget pour le 1er octobre 2009, date d’entrée en vigueur pour 2010, comprenant le plus grand déficit depuis la Seconde Guerre mondiale: il s’agit d’un déficit de 1,75 billion de dollars – ce qui représente plus de 12% du produit intérieur brut des Etats-Unis.
Ce déficit particulièrement élevé s’explique par le fait que les dépenses de guerre à venir devront être comprises dans le budget, de même que les énormes sommes du budget qui doivent se répandre dans le monde de la finance et par le «programme conjoncturel» de Barack Obama d’un volume de 787 milliards de dollars.
Quant à Obama, il promet que son «programme conjoncturel» et sa politique de dépenses apporteront un changement dans le bon sens.
Toutefois, cette promesse ne prend pas même partout aux Etats-Unis, où des analystes plutôt de gauche, tels que Michel Chossudovsky («America’s fiscal collapse»; www.globalresearch.ca du 2/3/09) ou Robert James Parson («Obama prescrit une dose massive de confiance»; Le Courrier du 18/2/09) en arrivent à la conclusion que le programme d’Obama ne servira pas en première ligne à la population du pays ou à l’économie mondiale, mais bien – quelles que soient les promesses – aux multinationales et aux grandes fortunes.

Biotechnologie – une action résistante à la crise et non-cyclique?

Un point important du programme d’Obama est sa «grande réforme de la santé». Au cours des dix prochaines années, 634 milliards de dollars devront être investis. Cela avec des promesses douteuses: les soins devront être meilleur marché et en même temps de meilleure qualité. C’est dans cet esprit qu’Obama avait invité, le 5 mars, 120 «experts» à la Maison blanche pour mettre au point les premiers aspects de son programme.
Les investissements dans le «techno-capitalisme» en sont un des points les plus importants (cf. l’extrait du livre «Mon banquier m’a dit …», pages 1–2 de cette édition). Le 12 mars, Obama a levé les limites imposées jusqu’à présent pour le financement étatique de la recherche dans le domaine des cellules souches.
Les partisans de ces recherches promettent des médicaments nouveaux révolutionnaires pour traiter différentes maladies telles que le cancer, le diabète, le sida, la sclérose en plaques ou la maladie de Parkinson.
La recherche dans le domaine des cellules souches passe pour être au cœur de l’évolution des médicaments dans le domaine biotechnologique. Pour James C. Greenwood, président de Biotechnology Industry Organization, une organisation représentant 1200 entreprises du domaine de la biotechnologie, la décision d’Obama est un premier pas annonçant une percée ((«Lifting the stem-cell research ban is only the first step»; www.belleville.com du 13/3/09). Jusqu’à présent seuls 2% des coûts de la recherche et du développement dans le domaine de la biotechnologie provenaient du budget public. Le reste était à la charge d’investisseurs privés, qui fournirent, par exemple en 2005, 20 milliards de dollars. L’industrie s’attend maintenant à une véritable envolée.
De plus, l’industrie de la biotechnologie demande plus de protection. En effet, le point du programme d’Obama de desserrer les conditions d’importation des génériques biotechnologiques venant de l’étranger, c’est-à-dire des produits imités, sans recherche propre et bon marché, provoqua quelques remous. Après cette décision, les cours des entreprises en biotechnologie américaines étaient tombés de 20%. Toutefois, cela n’a pas inquiété tout le monde.

Analyste de J.-P. Morgan: biotechnologie  =  des flux financiers stables

Un analyste de la banque J.-P. Morgan est cité comme suit sur la page Internet The Street.com, en date du 2 mars: «Nous avons longuement démontré qu’un large programme de biotechnologie serait source de sécurité dans ce domaine macroéconomique instable et qu’il pousserait à une intensification économique, à des perspectives de profits importants et à des flux financiers stables.»
Peut-on penser qu’Obama est en train de mettre en pratique ce programme? Rappelons ce qu’un analyste boursier allemand écrivit après la victoire du président: «Qui recherche une action sûre et non cyclique devrait s’intéresser à la biotechnologie.» (Börsenbrief Heibel-Ticker du 4/11/08).
Il est donc de peu d’importance que l’industrie de la biotechnologie américaine se mette à trembler et annonce qu’elle ne pourra plus, dans les nouvelles conditions imposées, maintenir les importants critères d’admission (p. ex. plus de 10 ans de recherche et de développement pour l’admission de médicaments biotechnologiques). En fait, cela n’aurait d’importance que dans la mesure où il s’agirait vraiment de la santé de la population.

Les entreprises américaines de la biotechnologie connaissent des taux de croissance de 50%

Même avec les plans d’Obama, les brevets actuels des entreprises américaines de la biotechnologie sont assurés pour les prochaines 15 années. A signaler encore que ces entreprises connaissent, alors même que le cours des actions a chuté à court terme, des taux de croissance de 50%. A propos de l’entreprise américaine Celgene, on peut par exemple lire que: «le bilan est d’un éclat brillant avec des tonnes d’argent liquide et très peu de dettes.» Donc, selon un analyste boursier s’exprimant le 27 février: «de bonnes possibilités d’investissements». Les réponses parues dans le même blog vont dans la même direction. Le premier commentaire rappelle les annonces négatives du temps du gouvernement de Bill Clinton et les craintes répandues alors: «C’était une merveilleuse époque pour acheter, car toutes les craintes se révélèrent vaines.» Et le deuxième commentaire dans ce même blog: «Je vais tâcher d’acheter plus d’actions en biotechnologie.»
Il est certain qu’Obama présente la biotechnologie comme une science et une force économique de l’avenir. Obama et son vice-président Biden avaient annoncé dans leur programme une nouvelle forme d’économie américaine pour le XXIe siècle, sous le titre de «Science, technologie et renouvellement pour une nouvelle génération.» Les dépenses publiques pour la recherche devaient être doublées pendant 10 ans pour renforcer la capacité de concurrence de l’industrie américaine basée sur la technologie. La recherche en biomédecine devait être fortement encouragée: «Obama soutient fortement les investissements dans la recherche en biomédecine […] Quand il sera président, Obama renforcera le soutien de l’Etat en faveur de la recherche en biomédecine».
Toutefois: «bio» n’est pas forcément «sain» et que «bio» dépasse largement le domaine médical, c’est ce qu’ont démontré les conseillers du nouveau gouvernement américain. Jeffrey Smith avait déjà écrit à fin novembre 2008 («Obama’s team includes dangerous biotech ‹Yes Men›»; HuffingtonPost.com du 30/11/08), qu’il se trouvait parmi les conseillers d’Obama des gens dont le but était d’intensifier la production et la vente de produits alimentaires génétiquement manipulés. Parmi ces conseillers on trouve Sharon Long, auparavant membre du conseil d’administration du plus grand producteur mondial de semences génétiquement manipulées, Monsanto. Mais aussi Harold Varmus qui rédigea les études «scientifiques» pour le développement de produits alimentaires génétiquement manipulés. Obama lui-même a été cité comme quoi «l’alimentation biotechnologique présente d’énormes avantages».

Une bulle du techno-capitalisme moderne?

«Spiegel Online» a interviewé le 20 janvier la nouvelle conseillère pour les questions scientifiques de la secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Hillary Clinton. Cette conseillère s’appelle Nina Fedoroff, était déjà engagée dans l’Administration Bush, et elle déclara se réjouir fortement de la nouvelle voie dans laquelle s’est engagé Obama, à savoir la politique en matière de cellules souches. Du même coup, elle «mit en garde» ceux qui voudraient renoncer aux OGM dans l’agriculture: «Il me paraît très important que les gouvernements, les universités et d’autres instituts bénéficiant d’un soutien public renforcent considérablement la recherche dans les biotéchnologies végétales.»
Il se justifie donc de prétendre qu’il ne s’agit pas vraiment de l’amélioration de la santé publique ou de fournir de meilleurs produits alimentaires pour tous, mais qu’il s’agit avant tout de beaucoup d’argent et de nouvelles spéculations pour en ramasser encore plus … donc une nouvelle bulle?
Mais aussi, (et peut-être surtout) de développer de nouvelles et terribles armes pour une guerre biologique?
Le directeur de l’Institut pour la classe moyenne de Hanovre, Eberhard Hamer, a mis le doigt - dans une analyse non publiée jusqu’à présent et intitulée «Que pourrait entreprendre le nouveau président Obama?» - sur deux possibilités à la disposition de la nouvelle Administration américaine pour tenter de sauver la domination mondiale du dollar: une guerre contre l’Iran (ou un autre pays) ou/et une politique inflationniste orientée vers une réforme monétaire radicale.
Peut-on penser qu’Obama a pour objectif de créer une nouvelle bulle financière: une bulle du techno-capitalisme moderne, mise en place par d’énormes sommes fiscales et des dettes considérables; une biomédecine douteuse, une alimentation manipulée génétiquement, des nanoparticules discutables et bien d’autres choses … et cela sans prendre égard aux conséquences désastreuses ni aux coûts? Afin de favoriser de nouvelles guerres effrayantes?
Tout ceci après que les bulles de la nouvelle économie, soutenues par l’Etat et faisant fi du bien-être de la population, ainsi que la bulle de l’immobilier ont éclaté. Et tout cela jusqu’au jour où cette nouvelle bulle éclatera elle aussi.
Ce nonobstant, les néoconservateurs retrouvent toute leur effronterie. Ainsi la façon de William Kristol, de s’exprimer dans le «Washington Post» du 26/2/09 où il recommande aux Républicains d’apprendre d’Obama: une nouvelle façon de penser. On avait déjà entendu cela lorsque George W. Bush avait pris le pouvoir.    •