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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°14, 15 avril 2013  >  Des emprunts douteux pour des infrastructures scolaires endettent la génération montante [Imprimer]

Des emprunts douteux pour des infrastructures scolaires endettent la génération montante

Une bombe à retardement menace la Californie

par George Szpiro

Les autorités californiennes ont contracté des emprunts dont le remboursement n’interviendra que dans quelques dizaines d’années – les intérêts en plus. Les générations futures devront faire face à ces anciens engagements financiers.
Ces dernières années, des communes californiennes se sont vu obligées d’agrandir des écoles et de rénover des installations délabrées. Mais en raison de la crise financière, il n’y avait pas de moyens financiers à disposition. Les édiles, commissions scolaires et réunions de parents ont alors imaginé quelques chose de très malin. Ils ont décidé d’émettre des titres appelés Capital Appreciation Bonds (CAB). Il s’agit d’emprunts dont le capital, ses intérêts et les intérêts cumulés – semblables aux emprunts à coupons zéro – ne sont remboursables qu’à l’échéance, mais alors le tout en une fois.

Des prescriptions lacunaires

L’arrangement semblait avantageux pour tout le monde. Des édiles souriants osaient se faire photographier lors d’inaugurations d’écoles et attirer l’attention sur le fait que malgré la crise, ils avaient tenu leurs promesses électorales sans augmenter les impôts. Les écoliers pouvaient emménager dans des classes neuves. Les parents se réjouissaient des nouvelles installations sportives. Les conseillers financiers encaissaient des honoraires. Les personnes les plus satisfaites pouvaient être les contribuables: l’exercice entier ne leur avait pas coûté un cent. Le fardeau était simplement refilé aux contribuables qui habiteraient la ville dans une ou deux générations.
Jusqu’en 2009, la loi californienne ne permettait pas aux autorités municipales d’émettre ce genre de produits financiers. Cependant, l’autorité législative supprima simplement un paragraphe de sauvegarde, ce qui eut pour effet que des emprunts irresponsables ne rencontraient plus d’obstacles. Un boom de la construction démarra. 360 écoles californiennes contractèrent des emprunts pour un total de 3,6 milliards de dollars sur une durée moyenne de 25 ans. Les montants à rembourser, intérêts et intérêts composés compris, atteindront d’ici leur échéance, plus de 18 milliards de dollars.
Le taux d’intérêt mentionné nulle part s’élève ainsi à une moyenne générale de 6,65%, mais des douzaines de localités paient 10% et plus ou s’engagent pour une durée de 35 ans. Avec un intérêt de 10% et une durée de 40 ans, la somme qu’il faudra débourser à l’échéance s’élèvera à presque cent fois le capital emprunté. Les contribuables californiens qui n’avaient jamais voté les emprunts devront ce jour-là affronter des «balloon-payements». Pour arranger les choses, s’y ajouteront les railleries: leurs enfants useront leurs culottes sur des bancs d’école de bâtiments vieux de trente ou quarante ans et devront faire du sport sur des installations sportives délabrées.
Entre-temps, des fonctionnaires californiens ont commencé à dresser l’oreille. Le directeur des finances Bill Lockyer compare les CAB aux machinations de conseillers financiers et de banques d’investissements qui ont abouti, en plus à la bulle immobilière, à la crise financière qui continue à déployer ses effets. Selon Lockeyer, les fonctionnaires et membres des autorités de contrôle des écoles qui, agissant à courte vue en approuvant ces emprunts, devraient être blackboulés.

Pas appris le calcul des intérêts

Pour leur défense, les édiles, administrateurs d’écoles et les parents disent qu’ils n’avaient pas le choix parce qu’autrement, le financement d’investissements incontournables dans le système éducatif aurait échoué. Ils affirment que l’amortissement des dettes ne poserait pas de problème puisque durant les décennies à venir, on pouvait s’attendre à une plus-value des maisons individuelles. A ce moment-là, les revenus de l’impôt foncier permettraient d’amortir la dette. Les décideurs semblent n’avoir rien appris des débâcles du passé le plus récent, alors que l’hypothèse de l’augmentation continue du prix des maisons a précisément été la cause de cette dernière crise.
D’une façon générale, les fonctionnaires et les représentants du peuple au niveau régional semblent avoir peu de connaissances en matière de simples mathématiques financières. Même des médias tels que le réputé «Los Angeles Times» ne croient pas leurs lecteurs capables d’un calcul d’intérêts. Dans les articles à ce sujet on ne mentionne jamais les taux d’intérêt effectifs. Au lieu de ça, on persiste à parler du rapport entre le montant de la dette et du capital emprunté. Mais sans indication de la durée, ce chiffre ne dit rien de la qualité d’un emprunt. Même une directive du département californien des finances, selon laquelle ce rapport ne doit pas dépasser 4, créé peu de clarté. Un rapport de 4,0 pour une durée de 40 ans correspond à un taux d’intérêt de 3,5%, pour une durée de 15 ans par contre à presque 10%.

Freins légaux

Les autorités législatives de la capitale Sacramento se demandent maintenant, comment arrêter ces machinations. Par le passé, d’autres Etats membres des Etats-Unis ont pris des mesures contre de pareils abus. Au Michigan par exemple, les CAB sont totalement interdits, en Ohio, la réglementation de la dette doit se situer année après année dans le même cadre. Ainsi, il est impossible de repousser des dettes durant des dizaines d’années devant soi.    •

Source: Neue Zürcher Zeitung du 25/3/13

(Traduction Horizons et débats)