«Le développement actuel menace les fondements d’une société démocratique et d’une culture de la réflexion vivante»Déclaration de Cologne concernant «l’image que l’université se fait d’elle-même»par des enseignants à l’Université de Cologne, le 24 novembre 2009L’aspiration par l’économie de tous les domaines de la vie ne s’arrête pas aux portes de l’université. Le processus des réformes actuelles menace gravement l’idée et la mission sociale de la haute école: la différenciation entre l’université, les hautes écoles spécialisées et les offres d’études par des discounters (Aldi) ou des marchés électroniques (Saturn) est nivelée. Un résultat défavorable à l’université pourrait même résulter d’une comparaison, puisque les autres offrants peuvent effectivement remplir la promesse d’une qualification professionnelle. C’est une occasion suffisante pour rappeler l’image originelle que l’université se fait d’elle-même. Elle se fonde sur les principes d’universalité, d’autonomie ainsi que d’une volonté incorruptible de la vérité. Bien qu’au cours de son histoire, il y eût toujours eu des manquements et que cette exigence n’ait pas toujours été satisfaite, elle put, précisément grâce à son indépendance, répondre de façon essentielle à ses responsabilités culturelles et sociales. Ce qui est dramatique, c’est qu’aujourd’hui, l’université est apparemment prête à abandonner sans résister cette exigence et même d’accélérer servilement son démantèlement. § 1 Nous exigeons la fin de l’épuration épistémologique de l’université!Au cours du processus de Bologne, l’université vit une délégitimation progressive de la pensée réfléchie face au savoir fonctionnel-opérationnel. Le programme d’études suit actuellement la logique de l’orientation professionnelle et de l’acquisition de compétences, alors que la systématique spécifique et l’orientation de la recherche passent à l’arrière-plan ou ont déjà été totalement remplacées. Cela se reflète aussi dans la tendance de la marginalisation ou de la suppression de petites matières et domaines d’études. Dans l’ensemble, cela signifie une réduction inappropriée de l’idée d’université et prive les étudiants de la possibilité d’acquérir une formation académique. § 2 Nous exigeons l’abandon des processus modulés de programmes d’études BA/MA!La modulation a provoqué une scolarisation de l’enseignement universitaire qui permet à peine un espace pour des études spécifiques orientées. Les filières universitaires BA/MA exigent trop en quantité et pas assez en qualité en visant surtout la compétence et en rendant impossible la réflexion nécessaire. La culture ne peut pas être modélisée, mais elle découle d’une conception de sens à acquérir individuellement. En fait, la qualification professionnelle promise n’est pas acquise, de même il n’y aucune formation correspondante aux critères scientifiques systémiques. § 3 Nous exigeons la re-démocratisation de l’université!A part quelques professeurs et étudiants, des «représentants des milieux professionnels», en grande partie anonymes, ont grâce à la création des agences d’accréditation et du conseil d’accréditation qui les accrédite, été chargés de la compétence de décision pour les filières universitaires de près de deux millions d’étudiants en Allemagne. Par l’installation du conseil de l’université, composé de personnes pour la plupart extérieures à l’université, on a en fait ravi son pouvoir au sénat de l’université en tant qu’autorité législative. Les séances du conseil de l’université se déroulent par ailleurs sous exclusion du public. Des décanats établissent de plus en plus des structures top-down. La souveraineté des acteurs académiques a été réduite. De plus en plus de travaux de recherche et de qualification se font sur demande de la politique et de l’économie afin de prévenir par des justifications pseudo-scientifiques des interventions possibles et ce faisant de légitimer des décisions. En fait, les résultats des recherches sont déjà déterminés avant le début de la recherche. Les thèmes et les méthodes sont ainsi soustraits à l’autorité des chercheurs. § 4 Nous exigeons la suppression des frais d’inscription à l’université!Les frais d’inscription à l’université sont socialement injustes. Celui qui doit gagner ces frais par un travail temporaire étudie moins bien. Celui qui, en raison de son origine sociale, doit prendre un crédit, paie en réalité plus que ceux qui sont mieux lotis. Les frais d’inscription renforcent par ailleurs la précarisation des apprenants et font baisser la qualité des études, parce qu’il n’est pas permis de les utiliser pour la formation structurelle (places à durée indéterminée). Par conséquent, les frais d’inscription à l’université doivent être supprimés et remplacés par des contributions de l’Etat. § 5 Nous exigeons la fin de la disqualification et précarisation des enseignants!Au cours du processus de Bologne, la situation des enseignants s’est détériorée. Le nombre élevé d’heures à donner et la limitation des postes compliquent la qualification et créent une situation précaire pour la relève scientifique. Ce déficit n’est pas compensé par de soi-disant postes de professeurs juniors et la tendance renforcée de la dissertation et de l’habilitation cumulatives, mais au contraire de plus en plus aggravé. § 6 Nous exigeons que les responsables du rectorat et du décanat prennent leurs responsabilités en cherchant le dialogue avec les critiques et les personnes concernées et qu’ils entreprennent les rectifications appropriées!L’intervention dans la culture académique qui a été effectuée au nom de soi-disantes réformes est sans précédent par sa radicalité. Ses effets sont problématiques pour l’actuelle et les futures générations d’enseignants et d’étudiants. La transformation de l’université n’entreprend rien de moins que la dissolution de la culture de formation d’émancipation qui remonte au Siècle des Lumières. Elle cause des dégâts incalculables pour la société toute entière sur les plans scientifique, culturel et économique. Le report de responsabilité en renvoyant à la compétence à d’autres instances (rectorat, Land, Etat fédéral, UE) ne saurait être accepté. § 7 Finalement nous exigeons la garantie écrite de la liberté académique véritable dans la recherche, l’enseignement et les études et une profession de foi de l’université en faveur de sa mission de formation!La réduction économistique des études selon les critères supposés des exigences du marché du travail sert uniquement des intérêts particuliers. La culture en revanche sert toujours l’intérêt général de la société. L’université ne réalise cette tâche qu’en liberté: elle ne doit pas être considérée ni par les administrateurs, ni par les enseignants et les étudiants comme une entreprise du secteur tertiaire. La recherche libre, sans recherche dans la précipitation de fonds fournis par des tiers ni doctrine de recyclage, est la condition préalable pour une croissance de la connaissance et pour l’innovation. Des étudiants formés de façon complète ont du succès dans n’importe quelle profession et ils deviennent des créateurs conscients de leurs responsabilités dans le domaine culturel et dans la société. • Source: www.bildungsstreik-koeln.de/koelner-erklaerung |