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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº6, 13 février 2012  >  «Nous avons à faire à une ingérence massive de l’extérieur» [Imprimer]

«Nous avons à faire à une ingérence massive de l’extérieur»

Interview de Günter Meyer, expert du Proche-Orient, concernant la situation en Syrie

«Bayern 2»: Aujourd’hui se termine le travail de la mission indépendante d’observation de la Ligue Arabe en Syrie. Le rapport, attendu aujourd’hui au Caire, devrait tirer au clair si Damas, le régime d’El-Assad suit ses engagements pour arrêter la crise dans ce pays. Cela ne me semble pas être le cas, à écouter les opposants harcelés. «Le régime fait tirer pour nous empêcher d’approcher les observateurs. On ne peut pas leur parler. Ils sont toujours entourés de gens des services secrets. Les observateurs devraient passer une seule journée ici, dormir et manger chez nous.» Le fait est donc que la mission originale des observateurs, d’arrêter l’effusion de sang et d’obtenir la libération des prisonniers politiques, n’a pas pu être effectuée. Et dans le haut-lieu des protestations de Homs, seulement hier 38 opposants auraient été tués. Au téléphone de «Radiowelt» se trouve Günter Meyer, expert du Proche-Orient de l’Université de Mayence.

Bonjour Monsieur Meyer.

Günter Meyer: Bonjour Monsieur Fargel.

Monsieur Meyer, parleriez-vous d’une «mission impossible» pour les observateurs en Syrie?

Non, pas du tout. Ce que les opposants ne cessent de répéter que la mission aurait échoué – en vérité c’est tout à fait le contraire. La mission a contribué de façon significative à diminuer le nombre de morts. La mission a aussi permis de constater que beaucoup de prisonniers ont été libérés depuis. Et elle a également constaté que ce que les opposants et les médias occidentaux mettent toujours en avant, à savoir que ce serait uniquement le régime répressif des Alaouites qui tirerait sur des manifestants paisibles, n’est pas vrai du tout. Il est absolument évident que nous avons à faire à une organisation terroriste armée, qui est également responsable d’une grande partie des morts dans le pays. Cela s’est tout à fait confirmé aussi dans cette situation-là.
Cela veut dire que nous avons là clairement une façon de voir opposée au régime, une optique massivement renforcée surtout par les intérêts des USA, mais aussi des alliés occidentaux, l’Angleterre, la France et pas en dernier lieu aussi l’Allemagne. Il s’agit là en première ligne d’interrompre l’axe Iran-Syrie-Hezbollah. Eliminer la Syrie signifie qu’il ne peut plus y avoir de livraisons d’armes depuis l’Iran via la Syrie au Hezbollah, qui puissent être dirigées contre Israël.

Mais, Monsieur Meyer, en entendant la manière dont vous décrivez la situation, on croirait à un complot occidental contre la Syrie. Et El-Assad, serait-il à la fin quand même un homme bien?

En aucun cas. Il est évident que c’est un régime répressif et qu’il a exagéré avant tout au début des manifestations quand il a agi avec violence contre les manifestants. Seulement, en très peu de temps, ce conflit de caractère régional s’est élargi en un conflit global dans lequel ce ne sont pas uniquement les puissances occidentales qui défendent leurs intérêts, mais justement les Etats arabes, avant tout le Qatar et l’Arabie Saoudite, qui veulent provoquer de cette manière un affaiblissement de l’Iran. Cela veut dire qu’il ne s’agit plus d’un conflit isolé, mais que nous avons à faire à une ingérence massive de l’extérieur. Et, pas en dernier lieu, la nouvelle de l’arrivée de 600 Moudjahidins en avion depuis la Libye, une action initiée par la CIA. Des agents de la CIA, des agents des services secrets de France et de Grande-Bretagne instruisent des opposants, les équipent à proximité d’Iskenderun (Alexandrette), près de la frontière syrienne, les arment avec des armes qu’ils ont apportées des arsenaux de Kadhafi afin d’initier une guerre civile pour affaiblir le pays dans son ensemble.

Cela veut donc dire que la population syrienne, qui ne se trouve ni d’un côté ni de l’autre, se fait écorcher.

Ce qu’on ne dit pas chez nous dans les médias, c’est par exemple le fait qu’El-Assad a toujours la majorité de la population syrienne derrière lui. Cette étude a justement été faite par le Qatar, c’est-à-dire par la Fondation Qatar, et on y a clairement démontré que 55% de la population syrienne ne souhaite pas la démission d’El-Assad. Dans nos médias, on n’en parle pas du tout.

En somme, Monsieur Meyer, brièvement encore une question: croyez-vous qu’El-Assad tiendra avec son régime de violence?

Il restera en tout cas encore quelques mois au pouvoir. Cela dépendra pour beaucoup de l’importance de l’intervention des forces étrangères dans le pays, qui aggravent encore la situation de façon significative; cela ne se limite pas qu’à la Syrie, mais concerne toute la région.    •

Source: Radio Bayern 2 du 19/1/12
(Traduction Horizons et débats)