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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°27, 2 juillet 2012  >  Comment la tragédie grecque va-t-elle finir? [Imprimer]

Comment la tragédie grecque va-t-elle finir?

ww. Cette question, les politiciens et observateurs politiques du monde entier se la posent aujourd’hui. – Est-ce que ce pays, fier et conscient de sa liberté, va abandonner l’euro et repartir à sa guise avec sa propre monnaie, la drachme? La drachme est une des plus anciennes monnaies du monde. Il y a 2500 ans déjà, on payait avec cet argent à Athènes. Les grandes banques dans les pays européens craignent à juste titre de subir des pertes. Des commentateurs et journalistes proches dessinent donc une image très sombre des risques de cette conversion de monnaie et la déconseillent. La drachme serait faible. Le taux de chômage augmenterait et les importations deviendraient plus coûteuses. Les dettes risqueraient de devenir incalculables pour les Grecs et des troubles sociaux éclateraient. D’autres pays seraient entraînés dans ce tourbillon de difficultés, de sorte que les conséquences pour le système de l’euro et l’«Europe» seraient incalculables. – Est-ce que cette image noire est vraiment réaliste?
En Islande, l’évolution est tout à fait différente. Là-bas, deux grandes banques d’importance du système bancaire et actives sur le plan mondial, ont fait ­faillite. Une autre banque a été nationalisée et l’Etat était presque en faillite. La ­faillite des banques a été réglée sans que les guichets soient fermés, ni les opérations financières et les distributeurs automatiques de billets arrêtés. Les économies des citoyens ont été assurées. Horizons et débats a informé à ce sujet. Les citoyens ont décidé lors de deux référendums de ne pas rembourser des fonds spéculatifs étrangers (qui profitent d’un haut taux d’intérêt) avec les deniers des contribuables. Le pays a dévalué la monnaie, introduit des contrôles du flux des capitaux et se trouve, après un temps relativement court et par ses propres forces de nouveau sur la voie de l’amélioration en pouvant rembourser les crédits de soutien. L’Islande est un exemple de ce qui est possible grâce à ses propres efforts. Moody’s et Standard & Poors ont déjà relevé à nouveau le rating de l’Islande.
Et la Grèce? Sans aucun doute, la nouvelle monnaie serait faible et les importations coûteuses. La Grèce importe actuellement le double de ce qu’elle exporte. Pourtant, ce n’est pas gravé dans le marbre. Pourquoi la Grèce ne devrait-elle pas fabriquer elle-même des réfrigérateurs, des appareils électroménagers et d’autres biens de consommation au lieu de les importer d’Allemagne? De la main-d’œuvre hautement qualifiée, aujourd’hui en chômage, est prête à travailler. La Grèce, un pays d’élevage de moutons, importe même l’agneau de Nouvelle-Zélande. C’est absurde. Même pour l’exportation et le tourisme, une propre monnaie aurait des avantages: les hôtels de luxe d’aujourd’hui, dans ce pays béni par la nature, seraient de nouveau bon marché pour les touristes et seraient bien fréquentés de sorte que de nouveaux employés devraient être embauchés. Le taux de chômage baisserait, car tous aideraient à mettre la maison en ordre et à corriger les erreurs. – Cette perspective est réalisable si la volonté existe. Les autres pays de l’UE pourraient aider.
En outre, l’euro ne disparaîtrait pas, mais serait toujours utilisé comme moyen de paiement – comme c’est par exemple le cas avec le franc suisse en Suisse. Car les euros sur les comptes d’épargne (garantis actuellement par l’Etat) resteraient, et pourraient être utilisés dans l’avenir. Un change obligatoire des économies privées ne serait pas nécessaire du tout. Les salaires et les rentes seraient versés à l’avenir en drachmes et les prix déclarés en drachmes. Les loyers, les dettes et d’autres obligations seraient convertis – selon le revenu – en l’équivalent de la monnaie locale. La Banque nationale grecque fournira suffisamment de drachmes pour la conversion. Une conversion d’une monnaie de ce genre ne serait, et de loin, pas aussi radicale que la réforme monétaire en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. Elle pourrait servir de modèle et détendre le débat tendu concernant l’euro.
Les Grecs n’accepteront pas à long terme de vivre indéfiniment sous la tutelle de la soi-disant Troika (UE, BCE et le FMI) et même les programmes d’aide et d’économie sophistiqués qui sont en train d’être renégociés n’y changeront rien. – Et qu’est-ce qui se passera avec les dettes de la Grèce? Ces dettes, le pays ne peut pas les rembourser, d’une manière ou d’une autre – qu’il garde l’euro ou non. Les banques et les institutions qui ont accordé cet argent sont coresponsables et doivent pour cela, supporter ces dettes.
Un autre aspect, ce sont les dettes d’environ 100 milliards d’euros dans le système de règlement de la BCE «TARGET2». Ces engagements financiers se sont constitués, parce que la Grèce importe plus qu’elle n’exporte depuis de nombreuses années. Avec une sortie, ceux-ci n’augmenteraient plus. Hans Werner Sinn (Info Institut, Munich) voit dans le système TARGET2 – en plus du problème des dettes de l’Etat – une «bombe à retardement».
Ici s’affrontent de hauts engagements toujours en augmentation de pays importateurs du Sud aux avoirs importants de pays exportateurs du Nord, l’Allemagne en particulier.
Il est urgent pour le moment, de ­passer un message clair de la part de l’UE aux citoyens, disant que si un pays membre abandonne l’euro, il n’y aura pas de change obligatoire concernant leurs économies. C’est la seule façon d’éviter la panique, et d’empêcher une prise d’assaut des banques et une fuite des capitaux, qui sont toutes deux déjà en train de se faire.
Il faut espérer que la «tragédie grecque» ne se terminera pas par un drame, mais mènera plutôt à un renouveau.