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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°24, 20 juin 2011  >  Procès contre les protecteurs d’animaux de Vienne-Neustadt: cherchez l’erreur … [Imprimer]

Procès contre les protecteurs d’animaux de Vienne-Neustadt: cherchez l’erreur …

lb. Le procès contre 13 protecteurs d’animaux autrichiens a été ouvert le 2 mai devant le Landesgericht de Vienne-Neustadt et s’est terminé au bout de 14 mois par des acquittements pour tous les accusés. Les jugements ne sont pas encore exécutoires. Le citoyen conscient de la politique démocratique en garde des sentiments mitigés de toute part. Pourquoi?
Dans le fond, concernant cette cause qui continuera certainement à occuper les médias et le public, il faut distinguer entre les dommages causés par les protecteurs d’animaux, les investigations policières et le procès qui vient d’être clos d’après le § 278a du code pénal autrichien.

2006 – 2007: Campagne des protecteurs d’animaux contre un commerce de vêtements

Plusieurs organisations autrichiennes de la protection des animaux (parmi eux l’Association contre les usines d’animaux [VGT] et l’Offensive contre l’industrie de la fourrure [OGPI]) ont lancé en 2006 une campagne contre la maison de mode Bauer, propriété depuis 2000 du groupe Graf qui détient 29 filiales dans plusieurs Etats fédérés.
La maison Bauer n’est pas une maison spécialisée en fourrures, mais elle vend par exemple des vestes d’hiver avec des dou­blures en vraie fourrure. L’entreprise s’est fait prendre dans le collimateur des protecteurs d’animaux lorsque, après des campagnes massives, d’autres entreprises aux structures semblables s’étaient retirées du commerce de la fourrure (par exemple Peek et Cloppenburg, C&A; en Autriche p. ex. Turek).
L’OGPI, qui avait participé de façon décisive à la campagne, a fait savoir que c’était moins les actions de protestation sur une longue période devant et dans les magasins que plutôt le harcèlement personnel systématique et des menaces contre des employés de direction («Agitateurs sur place») qui seraient responsables de leur «succès».1
C’est de manière semblable qu’on a agi contre la maison Bauer. D’abord des membres de la direction ont reçu des courriels dans lesquels on a exigé d’eux qu’ils débarrassent leurs filiales de toutes les fourrures les jours suivants.2 On a travaillé sur plusieurs niveaux: D’abord des stands permanents ont été installés devant les magasins (stands protégés par une autorisation légale en tant que manifestations autorisées), on y a distribué du matériel d’information sur les fourrures et la cruauté envers les animaux. En plus, des actions spectaculaires ont eu lieu dans les filiales. Par exemple des activistes ont parcouru les rayons des magasins en criant «Assassins! Assassins!». Comme la direction des magasins ne s’est pas laissée impressionner par ces débuts, il y a eu des lettres de menace, des vitres cassées et en décembre 2006 des attaques à l’acide butyrique à Vienne et à Graz. Cela a conduit à des fermetures passagères des magasins et au total à d’importants dommages matériels. Finalement les voitures du directeur Peter Graf et de son frère, ainsi que d’une collaboratrice, ont été sérieusement endommagées, (aspergées de laque, pneus crevés …). Spécialement répugnants étaient les agitateurs sur place, soit des membre de la protection des animaux, qui, encagoulés, ont harcelé les membres de la direction de la maison Bauer pendant la nuit en hurlant devant leurs maisons privées etc.
En avril 2007, le directeur Peter Graf en a eu assez et il a exigé du ministère de l’Intérieur de créer une commission spéciale pour la cause de la maison Bauer, car la police n’était apparemment pas en mesure d’arrêter les harcèlements et les endommagements.

Commission spéciale maison Bauer

Erik Buxbaum, à l’époque directeur pour la sécurité publique à Vienne, s’est conformé à la demande de Graf, avant tout parce que celui-ci était en mesure de prouver cette accusation avec un documentation exacte.
En avril 2008, les neuf activistes de la protection des animaux ont été mis en détention provisoire sur la base des soupçons qui pesaient sur eux, et remis en liberté seulement en septembre. Les attaques contre les filiales de la maison Bauer avaient par ailleurs déjà cessé à ce moment-là.
On a essayé d’étayer solidement la base des soupçons afin de la rendre suffisante pour une accusation dans le sens du code de procédure pénale. Bien qu’on ait trouvé des ca­goules et des bombes aérosol, des listes avec des noms et adresses des collaborateurs de la maison Bauer – et sur la clé USB de Balluch une lettre de revendication de l’Animal Liberation Front (ALF) –, l’importance de l’état des preuves pour une inculpation était finalement trop mince.
Par manque de preuves concrètes sur la participation active des personnes inculpées à des actes criminels, le procureur a finalement décidé de fonder la plainte sur le § 278a du code pénal autrichien, qui rend punissable déjà l’appartenance à une association criminelle.

Mars 2010 – mars 2011: le procès

Sous la compétence du procureur Wolfgang Handler et sous la direction de la juge Sonja Arleth, le procès contre les protecteurs d’animaux a finalement commencé le 2 mars 2010 et s’est prolongé jusqu’à fin mars 2011, avant de trouver une fin – provisoire – avec l’acquittement des accusés.
Bien qu’un acquittement ne soit pas du tout en soi une «honte pour l’Etat de droit», certains l’ont prétendu dans le public. Mais malgré tout, le procès semble problématique sous bien des aspects.
D’abord la question se pose de savoir si l’Autriche a besoin dans la loi d’un paragraphe sur la «Mafia» ou le «terrorisme». La critique s’est alors passablement échauffée à propos de cette loi. Bien que le para­graphe, dans sa teneur, soit loin de criminaliser des «ONG inoffensives», la question se pose quand même de déterminer si des menaces, des déprédations et des préjudices causés aux entreprises ne constituent pas en soi des domaines qui pourraient aussi être poursuivis sans ce paragraphe controversé.

Un grand dommage – une accusation fumeuse

Les protecteurs d’animaux, concrètement l’accusé principal Martin Balluch, président de l’Association contre les usines d’animaux, ont été accusés de mener un double jeu: d’un côté, en surface, de jouer les amis paisibles des animaux et de l’autre côté de couvrir des actions de groupes et de personnes prêtes à la violence. Le fait par exemple que l’ordinateur personnel de Balluch ait contenu des lettres de revendication du groupe Animal Liberation Front (ALF) – un groupe britannique de protecteurs d’animaux militants – Balluch l’a justifié par le besoin de se documenter. Le fait cependant qu’il ait invité à plusieurs reprises un activiste de l’ALF – après que celui-ci ait purgé sa peine de prison de plusieurs années pour incendies criminels – à des conférences en Autriche et l’ait désigné de personne intéressante, pouvait éclairer son entourage, mais cela même ne peut pas être poursuivi en justice … Hnat, un autre membre de l’association de Balluch, n’a pas dénié avoir envoyé des courriels menaçants à Peter Graf et à d’autres collaborateurs de la maison Bauer, mais a dénié avoir planifié des actions violentes comme le faisait entendre ce courriel.
Après toutes ces informations concernant les activités des protecteurs d’animaux autrichiens, mises en lumière par les investigations policières, les raisons qui ont mené à ces investigations sont confirmées.
De l’autre côté: Si, au début du procès les points d’accusations n’existaient pas encore, est-ce qu’on n’aurait pas fait mieux de laisser tomber l’accusation?

Fautes de procédure pendant le procès

Au contraire, le ministère de l’Intérieur, la police, ainsi que la juge Arleth se sont permis des inexactitudes et des fautes dans l’exposé des preuves et dans la direction du procès, lesquelles ont été présentées depuis par certaines ONG et les médias comme confirmation que l’Autriche est en «train de devenir un Etat policier» ou que les droits de la société civile seraient du moins sérieusement restreints. Avec ces développements, Balluch et Cie. sont devenus des héros et même des martyrs, considérés par un large public comme les victimes d’une erreur judiciaire.
D’après les observateurs du procès, la juge Arleth aurait donné plus de poids aux dépositions à charge qu’aux dépositions de la défense. Une enquêteuse sous couvert de la police, qui aurait dû rassembler du matériel à charge parmi le groupe du président du VGT n’a pas été désignée depuis le début du procès comme telle, mais a été démasquée pendant le procès par le défenseur des protecteurs d’animaux. Alors qu’à l’origine elle aurait dû déposer comme témoin de l’accusation, elle est devenue finalement témoin de la défense.
Pendant une longue période de plusieurs mois, les accusés auraient été forcés de paraître très souvent devant le tribunal, ce qui leur aurait valu des difficultés professionnelles et financières. Malgré les acquittements, tous auraient des difficultés personnelles suite au procès, c’est-à-dire des «punitions» sans verdict! Bien qu’acquittés, seulement une petite partie des frais d’avocats leur a été remplacée par l’Etat.
Tout cela couvre les lourdes intimidations et les dommages dont ni Balluch ni les autres protecteurs d’animaux ne se sont jamais distanciés. Personne ne parle plus de lettres de menace et d’agitateurs sur place, d’ultimatums et de vitres cassées.
La sympathie du public médiatisé est actuellement du côté des protecteurs d’animaux comme «victimes» du procès, mais des victimes des campagnes contre la fourrure, personne ne parle actuellement. Cherchez l’erreur …    •

Source: www.ris.bka.gv.at/Dokument.wxe?Abrage=
Bundesnormen&Dokumentnummer=NOR400033827&WxeFunctionToken=50671908-36e0-449d-bdc4-f080c6e49c5b
(Traduction Horizons et débats)

1     www.tierbefreier.de/pelz/interview_tb53.html
2    Source des informations directes de Peter Graf
cf. dans l’article «Der Terror gegen Peter Graf» (Florian Klenk, Falter, 10/9/08)
    Teneur du § 278a – Organisation criminelle
    § 278a Celui qui fonde pour un temps indéterminé une association semblable à une entreprise d’un grand nombre de personnes, ou celui qui participe à une telle association comme membre (§ 278 al.3),
1.    destinée, même si ce n’est pas uniquement, à planifier et commettre de façon répétée des actions criminelles graves qui menacent la vie, l’intégrité physique, la liberté ou les moyens financiers ou bien des actions criminelles graves dans le domaine de l’exploitation sexuelle d’êtres humains, de passeurs ou de relations interdites avec des engins de combat, du matériel nucléaire et des matières radioactives, des déchets dangereux, de la fausse monnaie ou des stupéfiants,
2.    qui aspirent à un enrichissement de grande envergure ou à une influence considérable dans la politique ou l’économie
3.    qui cherchent à corrompre et intimider autrui ou bien à se protéger contre les mesures de poursuites, est à punir d’une peine de prison allant de six mois à cinq ans. § 278 al. 4 est valable dans ce sens.