L’Allemagne et la Suissepar Karl Müller Lorsqu’un Allemand, attaché à son pays, entend parler d’«arrogance allemande», d’«absence d’égards des Allemands» et de mentalité «d’hommes supérieurs» il se sent provoqué. Et cela d’autant plus quand un Suisse s’exprime à propos des Allemands de la manière suivante: «Avoir ceux-là comme maîtres du pays? Jamais. On en a déjà plein le dos!» (cf. Horizons et débats n° 33 du 18 août 2008). Les Allemands ont échoué dans leur tentative de retrouver leur libertéAu cours de la deuxième moitié du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle, de nombreux Allemands n’étaient plus satisfaits de la situation dans leur pays. Ils étaient de fiers Allemands et de ce fait ne voulaient pas être les sujets de maîtres absolus mais des hommes libres dans une nation allemande possédant une constitution assurant l’égalité pour tous, sans aucun privilège. Dès 1990, les USA s’engagent pour une grande AllemagneLes Etats-Unis se sont particulièrement investis pour créer, après 1990, la grande Allemagne réunifiée, non pas par amour pour les Allemands, mais afin qu’ils deviennent la seule puissance au monde avec cette grande Allemagne comme vassale la plus fidèle. Condoleezza Rice a écrit un gros livre sur le rôle des Etats-Unis dans la «réunification». Quant à Brzezinski, il a expliqué sans détour le rôle de vassal que devait jouer l’Allemagne. Tentatives de cacher la profonde division du paysC’est le cas lorsqu’on tente de créer de toutes pièces une «identité allemande», par exemple à travers le sport. Mais en règle générale, ces tentatives viennent d’en haut; ce sont des manœuvres de diversion destinées à cacher les profondes divisions du pays: entre l’Est et l’Ouest, entre pauvres et riches, etc. Angela Merkel ne se préoccupe pas de l’AllemagneEn fait, la chancelière fédérale Angela Merkel ne se préoccupe pas de l’Allemagne. Elle préfère se poser en grande spécialiste de politique étrangère, en médiatrice dans les conflits de ce monde, en avocate des droits de l’homme. Les médias ont contribué à lui donner une aura de grande diplomate. Chacun doit être amené à croire que notre gouvernement fait le bien dans le monde, qu’il prend ses responsabilités. Transformation en un pouvoir mondialisé et bellicisteIl est indéniable que les gouvernements allemands ont, depuis 1990, transformé petit à petit l’Allemagne en une puissance militaire: elle est le troisième exportateur d’armements au monde. La politique allemande a transformé l’Union européenne en un projet de mondialisation dont les principes fondamentaux sont le libre-échange et la libre circulation des capitaux, aux dépens de la justice sociale et des valeurs qui doivent régir toute société humaine. Les profits des grandes entreprises du pays ont augmenté considérablement mais les salaires ont diminué. L’Allemagne est le champion du monde du commerce extérieur, dont les patrons rêvent du «toujours plus». Le miroir aux alouettes allemandLes cheminots allemands révèlent que de nombreuses voies et installations du réseau ferroviaire sont dans un piteux état. Mais la «Deutsche Bahn AG» veut voir loin: devenir une multinationale cotée en Bourse. Le tunnel du Lötschberg est, selon une page du site de la firme, une partie centrale «du principal couloir de fret ferroviaire européen Rotterdam-Cologne-Bâle-Milan-Gênes», ce couloir ayant pour but de «rapprocher les pays d’Europe et de renforcer l’économie européenne». En «douceur» contre la Suisse?Un pays dont la population refuse de se plier est une épine dans le pied du gouvernement allemand et des milieux pour qui ce gouvernement fait sa politique. Agir «en douceur» ne veut pas dire forcément utiliser la violence en déclenchant des guerres avec bombes et roquettes pour contraindre les pays et leurs populations à se plier à la recherche de profit des entreprises, mais pénétrer ces pays et les déstabiliser de l’intérieur pour les rendre dociles: en investissant des capitaux pour en diriger les entreprises, par des campagnes publiques pour affaiblir les forces de résistance, par l’arrogance pour imposer le silence et par des accords qui les étranglent. Démocratie directe, fédéralisme authentique et neutralité armée face à une Europe centraliséeTels sont les trois principes qui distinguent la Suisse, mais ils ne correspondent pas à la vision insensée d’une Europe centralisée au service d’un capital errant dans le monde, au service de mégalomanes dont le souci n’est pas le bien-être des populations mais la course au toujours plus, au toujours plus vite, au toujours plus grand. Et si cette vision insensée s’écroule?Que se passera-t-il si cette vision insensée s’écroule comme un château de cartes? Chacun sait que l’avenir n’est pas rose. Faudra-t-il tenter de «sauver le système» par une guerre globale en instaurant une conjoncture de guerre et en allant surexploiter les autres parties du monde? A quoi bon l’immense réarmement actuel? Où doivent mener toutes ces provocations dans les diverses régions du monde, comme actuellement envers la Russie et la Chine, contre la volonté et contre l’intérêt de l’Europe? Il est grand temps d’en revenir à plus de modestie …Après la Seconde Guerre mondiale, les Allemands avaient, au vu des dégâts causés, retrouvé un esprit de modestie et de retenue. Ils étaient nombreux à se rendre compte qu’ils avaient trop longtemps acclamé Hitler et sa mégalomanie. Un sentiment de honte avait envahi nombre d’esprits. La volonté d’affronter leurs responsabilités renaissait. Plus jamais de guerre … et plus jamais de capitalisme, c’est ce que beaucoup souhaitèrent pendant un certain nombre d’années. Mais depuis, 60 années se sont écoulées: 60 ans de lavage de cerveaux, de maniement de la carotte et du bâton, mais aussi de raison d’Etat allemande: inconditionnellement aux côtés de la politique américaine et de la politique israélienne. … à plus de réalisme …Pourtant les Allemands ont vécu les pires expériences historiques en matière de mégalomanie d’une clique avide de pouvoir. Ils savent que cela ne peut mener le pays qu’à l’abîme. … et à plus de confiance dans le fait que les Allemands peuvent aussi être libresNous ne sommes pas, nous autres Allemands, condamnés à être toujours soumis. Nous pouvons aussi nous libérer de nos maîtres qui ne font que diviser le pays pour mieux régner et qui cherchent à jouer leur rôle d’unique grande puissance en dominant les autres peuples et Etats. |