Prendre soin des communes – elles représentent la base d’un vivre ensemble prospèreInterview de Hanspeter Gantenbein, président de la commune de Wuppenau (TG) du 29 mai 2015A une époque où nous sommes confrontés à la tendance de vouloir chambouler nos structures fédéralistes, crées au cours des siècles, pour les remplacer par des formations d’origine étrangère telles les espaces métropolitains, les programmes d’agglomération, les parcs naturels et les programmes interrégionaux – à une telle époque, il serait parfois bon de faire halte et de se rappeler les solides bases du modèle face au tintamarre de la mondialisation. Alors que dans l’administration fédérale bien des fonctionnaires lorgnent vers Bruxelles et veulent, de ce fait, promouvoir la gouvernance centraliste de notre pays, alors que les gouvernements cantonaux passent la plus grande partie de leur temps dans des conférences de ministres – pardon des conférences de directeurs – dans la soit disant «Maison des cantons» en face du Palais fédéral – il est bon de constater que dans tout le pays, la plupart des citoyens dans les communes, tiennent bon et avec un succès étonnant à l’autonomie communale malgré toutes les tentatives d’affaiblissement. Horizons et débats: Monsieur Gantenbein, vous étiez pendant 24 ans membre du Conseil communal du village de Wuppenau, dont 16 comme président de la commune. Pendant ce temps vous avez beaucoup contribué à la cohésion intérieure que toute commune souhaiterait. Ce qui m’a rendu curieuse ce sont d’un côté les finances. J’ai vu dans le protocole de l’assemblée communale de 2014 que les dettes brutes ont baissé de façon considérable depuis 2002. Hanspeter Gantenbein: En 2002, nous avions environ 7 millions de francs de dettes et actuellement nous avons un avoir de 2 millions de francs. Comment la commune de Wuppenau a-t-elle atteint un tel résultat? A l’époque, le canton a effectué un important changement sur le plan de la péréquation financière. Ce qui était nouveau, c’est qu’on a tenu compte de la structure des communes: quelle est la capacité contributive des contribuables? Là, il y a bien sûr de grandes différences. Salenstein a par exemple quatre fois plus de revenu par habitant que nous, la capacité contributive est donc plus importante. On s’est également rendu compte qu’il fallait créer une compensation de surface. Wuppenau a environ 1100 habitants et une surface communale relativement grande: plus de 12 km2. Nous avons beaucoup de hameaux et pas un village. A part de Wuppenau et Hosenruck, nous avons encore 13 hameaux qui sont tous viabilisés. Avec les petites routes agricoles qui relèvent de la responsabilité de la commune, nous disposons d’un réseau routier de 50 km et de 25 km d’égouts qui sont en partie déversés à Wil, à Uzwil, à Weinfelden ou à Zuzwil. Ce sont des tâches que la commune doit accomplir. Sur la base de l’évaluation des structures communales, Wuppenau a reçu plus de péréquations. «Aujourd’hui, à Wuppenau, nous prenons soin d’un budget communal économe: Qu’est-ce qui est nécessaire et qu’est ce qui est souhaitable?»
C’est ce qui me tient le plus à cœur au sein de la famille et de l’entreprise que j’ai dirigée. Dès le début, j’ai dit qu’avec la nouvelle péréquation financière du canton, nous avons une bonne chance de régler nos dettes. Avec un taux d’intérêt de 5% à l’époque, ce poste représentait la dépense la plus importante. Avez-vous réussi à persuader les gens lors de l’assemblée communale? Oui, mes concitoyens m’ont toujours soutenu, c’était très encourageant. Certes, Wuppenau est toujours un lieu rural et là, les gens se concentrent encore un peu plus sur les affaires communales. Où avez-vous fait par exemple des économies car quelque chose «n’était que souhaitable»? Par exemple lors de la dernière assemblée communale, nous avons eu un très bon résultat et nous ne transférons pas simplement les bénéfices aux comptes suivants. Tout ce qui était nécessaire avait déjà été effectué et nous avons pu réaliser quelque chose de souhaitable. Créer des réserves? Exactement, en général on crée des réserves. La dernière fois nous avons décidé d’équiper notre commune d’un système souterrain de collecte de déchets ou bien d’acheter plus tôt que prévu une remorque pour le tracteur du garage communal. C’était quelque chose de «souhaitable». En générale, les gens l’adoptent. «Ce qui est encore plus important que les finances, c’est le vivre ensemble»C’est cette affirmation de votre part qui m’a touchée le plus lorsque j’ai lu le rapport sur votre activité au sein du Conseil communal. C’est naturellement ma requête la plus importante: tout ce qui touche au vivre ensemble a une signification toute particulière dans une commune rurale. Dans ce domaine-là nous pouvons nous distinguer des communes plus grandes. Nous disposons toujours de 30 associations. 30 associations? C’est impressionnant dans un village de 1100 habitants. Oui, cela a toujours été très important pour moi. J’ai eu la chance que j’ai pu dès le début diriger le ressort «Associations/vie communale». L’estime du Conseil communal doit être ressentie dans les associations. Il est important de toujours mentionner la vie communale très vivante, il faut le ressentir, c’est ce que j’ai essayé de placer dans toutes les assemblées et manifestations. Il est important de percevoir consciemment ce bien important qu’est le nôtre. La vie communale, il faut l’encourager, la soutenir. «Au fait, nous sommes prédestinés à promouvoir l’intégration, à remarquer quand quelqu’un a besoin d’assistance sociale et à l’engager de manière sensée.»Il y a certainement aussi à Wuppenau des gens et des familles qui sont dans le besoin et nécessitent du soutien. Comment vous en occupez-vous? A Wuppenau, nous sommes en quelque sorte privilégiés. Nous avons beaucoup de maisons individuelles et nous nous trouvons à la campagne, nous n’avons que peu d’étrangers. Oui, j’ai vu les dossiers de Wuppenau: à peine 7%. J’aurais estimé ce chiffre bien plus bas car ces étrangers ont plus ou moins grandi ici et ne sont pas perçus comme des étrangers. Nous avons en quelque sorte un petit monde parfait ici. Enraciné dans la communeAvez-vous assez de bénévoles qui aident, qui font des travaux bénévoles ou qui participent dans les commissions de la commune? Oui, car ici on n’a pas les terrains à construire les plus chers, pour cette raison de jeunes familles peuvent se permettre d’acheter un bout de terrain. Et ils resteront. Ce sont souvent des gens qui tôt ou tard s’engageront dans la commune. C’était ainsi il y a trente ans, lorsque je suis arrivé ici, tout un quartier a été construit et la plupart des maisons étaient habitées par de jeunes familles. Aujourd’hui, ce quartier à un rôle prépondérant aussi bien en ce qui concerne l’engagement, les impôts, les commissions, la commission scolaire, le Conseil communal, ça s’est développé ainsi. Il en sera de même pour la prochaine génération car ici il n’y a pas de va et vient perpétuel et cela crée la stabilité nécessaire. Les gens sont donc enracinés. Exactement. Nous avons aussi un marché villageois qui s’est très bien développé. Il fête maintenant son cinquième anniversaire et a beaucoup de succès parce qu’on y fait ses courses. L’école relève de l’autonomie communaleVous avez une école à Wuppenau. Il y a donc assez d’écoliers? Le deuxième point des lignes directrices de notre commune concerne la commune scolaire. A Wuppenau, nous avons une école primaire, l’école secondaire se trouve à Schönholzerswilen. A cette heure, les classes sont devenues plus petites, ainsi on a dû réduire les classes primaires de six à quatre. Pour les dix années à venir nous pouvons heureusement de nouveau maintenir une classe par année de façon durable. Et le canton ne s’y mêle pas? Il ne trouve pas que vous n’avez pas assez d’élèves pour une école à vous? Ah non, c’est une affaire de l’autonomie communale. C’est notre affaire à nous seuls de décider. Même si nous formons une commune scolaire avec la commune voisine, je ne pense pas que nous devions fermer une école et envoyer les enfants ailleurs tant que la plupart des élèves vivent dans le village. Des syndicats intercommunaux sont plus sociaux et coûtent moins qu’un «pilotage par le haut»Une petite commune ne peut pas tout assumer elle-même. Avez-vous beaucoup de syndicats intercommunaux? Oui, nous participons par exemple à la Regionale Wasserversorgung Mittelthurgau RVM qui nous approvisionne d’eau de la Thur. La ville de Wil reçoit son eau également de là. Ensuite, nous collaborons avec Zuzwil qui nous livre également de l’eau et tout comme la ville de Wil, nous faisons partie de l’association pour l’élimination des déchets à Bazenheid. … et si je ne me trompe pas, les sapeurs-pompiers avec Schönholzerswilen… C’est juste. Ensuite, les eaux usées qui vont en partie à Wil, et d’autres hameaux aussi à Uzwil, Zuzwil ou Weinfelden. Dans le temps, nous avions une station d’épuration à nous. Il y a des projets pour une toute grande installation à Uzwil pour beaucoup de communes, y inclu Wil. Là, je suis tout à fait de votre avis. Alors vous n’avez plus assez de gens d’ici au sein de la Spitex? Non, nous nous sommes réunis avec Bürglen car nous n’étions plus en mesure de porter les charges. C’était une grande affaire politique. Nous avons dû créer une autre organisation, une nouvelle comptabilité, de nouveaux coûts, toutes ces charges des caisses maladies qui – et cela en plus – ne payent jamais pour couvrir les coûts bien qu’en réalité ils doivent les payer. Car avec la Spitex les gens peuvent rester à la maison au lieu d’occuper des lits d’hôpital chers. Fusionner avec une commune voisine? Les petites communes sont du point de vue humain, social et économique les plus avantageusesAlors on dit que les communes doivent fusionner, si elles ne sont plus en mesure d’assumer leurs obligations. Lorsque les communes deviennent plus grandes, lorsqu’elles s’associent, alors ce n’est plus jamais aussi personnel et plus personne n’a une vue d’ensemble. Oui, la conséquence serait que cela deviendrait bien plus impersonnel – et coûterait beaucoup plus cher. A Wuppenau, j’occupe comme président de la commune un poste à 30 %, et chaque conseiller communal a un poste à 10% pour le ressort qui lui est attribué. Je suis conseiller communal comme les autres, j’ai mes ressorts et assume en plus la fonction de président de la commune. C’est ainsi en Suisse: il n’y a pas d’autorité suprême. Exactement. Nous cinq sont traités de la même manière. Nous avons 1,6 emploi administratif, un ouvrier communal à 60 % et une apprentie. Si nous comptons son emploi à 50?%, puisqu’elle va certains jours à l’école et qu’elle n’apporte pas encore une prestation à part entière, alors cela donne avec mes 30?% à peine trois postes à plein temps pour toute l’administration communale, le domaine de construction inclus – vu la grande superficie de notre commune, nous avons chaque mois x demandes de permis de construire. Car chaque commune a à peu près les mêmes tâches. Mais aujourd’hui se sont deux communes autonomes. Oui, c’est encore personnel. Des 1100 habitants de Wuppenau, j’en connais 700 par leur prénom. C’est un réseau social alors bien sûr, ils viennent vers un conseiller communal ou vers moi et disent: écoute, j’ai un problème. Cela nous préoccupe le plus, car on aimerait aider. La raison pour laquelle presque un cinquième des citoyens assiste à l’assemblée communaleEn fait, je voulais vous demander, pourquoi l’année dernière plus de 19?% des citoyens sont venus à l’assemblé communale – mais en décrivant la vie communale vous avez déjà répondu à cette question. Oui, cette année il y en avait à nouveau autant. Maintenant que vous le dites, je me rends compte de ceci: à Wuppenau, nous avons eu une commune scolaire du primaire et une autre du secondaire. A chaque fois il y avait environ 100 personnes, sur peut-être 600 électeurs, un peu moins qu’à l’assemblée communale. Maintenant nous n’avons plus qu’une seule commune scolaire sur quatre communes avec un total de 2400 citoyens. Lors de l’avant-dernière assemblée budgétaire – il s’agissait de décider du budget et du taux d’impôt – il y a eu 61 personnes, c’est à dire 1,7?%. Ni 4 ni 5, mais 1,7?%! Cela devient impersonnel. Monsieur Gantenbein, je vous remercie de cet entretien. (Interview réalisée par Marianne Wüthrich) L’assemblée communale, une institution typiquement suisse née de la tradition coopérativemw. Dans 80 % des communes suisses, surtout en Suisse alémanique, ce n’est pas le parlement qui exerce la fonction du pouvoir législatif, mais l’assemblée communale. L’exécutif, qui gère les affaires de la commune et qui exécute les décisions de l’assemblée communale, s’appelle dans la plupart des cantons suisses alémaniques «Gemeinderat», et se constitue de 5 à 7 membres, qui – sauf dans les grandes villes – exercent leur fonction en général hors de leur profession régulière. Dans le canton de Zurich par exemple, il y a seulement 12 communes dotées d’un parlement (dont les villes de Zurich et Winterthur), les 157 autres communes ont une assemblée communale. Ainsi, les citoyens de la ville de Thalwil (avec plus de 16?000 habitants) se sont prononcés lors de plusieurs votations contre un parlement. 1 Daniel Kübler et Philippe Rochat. Sind Gemeindeversammlungen noch zeitgemäss? Überlegungen anhand einer Umfrage im Kanton Zürich, statistik.info 15/09, www.statistik.zh.ch |