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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2014  >  N° 30, 22 décembre 2014  >  Parents, citoyens et experts s’opposent à une baisse du niveau de formation dans leurs cantons [Imprimer]

Parents, citoyens et experts s’opposent à une baisse du niveau de formation dans leurs cantons

La version finale du Plan d’études 21 est inappropriée

En peu de temps des comités qui s’engagent pour une bonne école publique se sont formés dans les cantons suisses. En Argovie, à Schwyz, à Zurich et à Saint-Gall des initiatives ont été lancées, celle du canton de Soleure est prête à démarrer. Dans d’autres cantons des comités de parents, d’enseignants et de citoyens inquiets se forment afin de s’opposer à l’introduction tacite du Plan d’études 21.

rl. Les initiants des différents cantons ont en commun la volonté de garantir une bonne école publique qui prend en compte chaque enfant et aussi la société moderne.

Une didactique inappropriée

De plus en plus de parents se plaignent de voir leurs enfants privés d’une formation solide. Sous pretexte d’«autonomie», les élèves travaillent de plus en plus sur des fiches de travail – donc seuls et livrés à eux-mêmes. A la maison les parents peinent pendant des heures à comprendre les travaux du «plan hebdomadaire» ou les «présentations» de leurs enfants et les enseignants sont dégradés au statut de simples «accompagnateurs» ou de «coaches» d’apprentissage. Très peu de parents connaissent la didactique «systémique-constructiviste» sur laquelle ce genre d’enseignement est basé. Celle-ci est plus que controversée et n’est pas appropriée à une bonne école publique, mais bat de plus en plus la mesure dans les salles de classe.

Les PME ont besoin de bases solides

Beaucoup d’entrepreneurs et de responsables d’apprentis dans les PME se plaignent déjà depuis quelque temps de ces développements erronés. Ils constatent que les jeunes ayant terminé leur scolarité disposent de moins en moins de bonnes bases et ce retard doit être rattrapé aux grands frais des entreprises. C’est précisément ce désastre qui sera ancré avec le Plan d’études 21. Avec ce nouveau plan d’étude les jeunes n’auront plus, à la fin de leur scolarité, les connaissances requises en mathématiques ou en physique. Comme la «version finale» du Plan d’études 21, éditée par la CDIP (Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique) pour les cantons n’est pas en mesure de tenir tête à une critique d’experts, la résistance dans les cantons grandit contre son introduction tacite.

Eviter la critique des experts

Des scientifiques de l’éducation de renommée tels Walter Herzog, Roland Reichenbach, Mathias Binswanger, Jochen Krautz, Hans-Peter Klein, Konrad Liessmann et bien d’autres soutiennent toutes les initiatives en cours avec leurs connaissances scientifiques. Les éléments clé du plan d’études, l’«orientation sur les compétences», les «cycles» tout comme les nouveaux «objectifs dépassant les matières» ont curieusement été exceptés des soi-disant «consultations», alors que ces éléments-là sont précisément les points faibles. Cela signifie la dissolution des classes d’âge avec leurs objectifs, la suppression d’objectifs d’apprentissage clairs et l’influence idéologique sur les élèves.

Saisir la chance d’un débat ouvert

Les différentes initiatives cantonales en faveur d’une bonne formation à l’école publique offrent au grand public la possibilité de discuter le contenu du Plan d’études 21 de façon détaillée et de le stopper le cas échéant dans sa forme actuelle.

Le Plan d’études 21 «bouffe» des millions

Dépenser de l’argent pour la formation est en général une bonne chose. Investir dans la génération future assure la survie de notre société. Mais l’argent doit être investi de façon sensée. Le Plan d’études 21 ne donne aucune garantie. Ses bases théoriques sont déjà surannées, de nouvelles études les contredisent. Ce plan coûtera des millions sur le dos des contribuables pour la reconversion des enseignants, pour le nouveau matériel pédagogique et pour une très vaste «évaluation». On empêche ainsi une saine compétition des cantons pour une école publique meilleure et plus efficace. Et de surcroît, on finance un système de formation encore plus bureaucratique et centraliste. Mais peu importe les coûts! Insistons sur un meilleur plan d’études qui coûterait moins.

Argument trompeur: l’«harmonisation»

Le plan scolaire actuel ne peut déjà pas tenir ses promesses. Le paysage éducatif en Suisse sera tout aussi mauvais mais une flexibilité ne pourra pas être assurée. Si aujourd’hui un élève lors d’un changement de canton se voit dans la situation de devoir tout seul, sans ses nouveaux collègues, rattraper certaines matières scolaires, avec le nouveau plan scolaire ce sera la règle pour tous les élèves: chacun devra bosser les compétences pour lui tout seul. Un enseignement en commun sur une même matière n’est pas encouragé par le plan d’études, bien au contraire, il est même empêché vu l’enseignement en «cycles».
Déjà la dispute autour des langues – quelle langue, dans quel canton – montre qu’une harmonisation en Suisse n’est pas évidente et que chaque canton a ses priorités. Pour cette raison le Plan d’études 21 n’est certainement pas adéquat pour une «harmonisation», bien que cela serve de légitimation officielle.

Comment s’y prendre avec les critiques

Comme le plan d’études est mauvais sur le plan professionnel, inutilisable en pédagogie, donc plus que contestable, il faut l’imposer maintenant avec un power play politique.
La plupart des médias ont pris une position neutre face aux initiatives lancées par les parents et leurs requêtes ont été reprises de façon objective. Ainsi une large discussion a pu naître. Malheureusement, afin d’empêcher une discussion au niveau cantonal, certains médias ont taxé les critiques du Plan d’études 21 de sympathisants de la droite extrême.
Si les promoteurs du Plan d’études 21 peuvent compter sur les deniers publics, passant par la CDIP ou le département de l’instruction publique respectif et commencent l’introduction propagandiste du plan d’études, les parents concernés, tous les citoyens et contribuables inquiets, eux, n’ont aucune prise juridique pour arrêter ce projet monstrueux. Ils sont obligés de mettre un terme au plan d’études au moyen d’initiatives cantonales demandant une modification de la loi scolaire.
Les promoteurs du plan d’études peuvent maintenant relever le défi d’une discussion ouverte et honnête à l’échelle cantonale.    •

Plan d’études 21 – qui décide des plans d’études suisses?

rl. La genèse du Plan d’études 21 est tout aussi bizarre que l’histoire de sa réalisation politique. A huis-clos, on a peiné pendant des années sur ce projet. Il est évident qu’on a suvi les instructions de l’OCDE et aussi des tables rondes de l’UE sans en déclarer l’origine (cf. Horizons et débats n° 25 du 11 juillet 2012). Ainsi les «compétences» et les «cycles» étaient sacro-saints et n’ont pas été mis en question jusqu’à aujourd’hui, bien que la recherche les considère dépassés depuis longtemps. Des collaborateurs qui n’étaient pas conformes sont partis et la collaboration de scientifiques de l’éducation suisse externes, d’enseignants ou de parents était indésirable.
Après des années, en juin 2013, on a présenté à un public déconcerté un projet de plan d’études de 550 pages avec plus de 4000 compétences à atteindre: illisible! Et jusqu’à l’heure actuelle qui l’a lu? – ni les politiciens, ni les enseignants, ni les directeurs d’école, ni les présidents des comités scolaires.
En octobre 2014, la critique de ce plan d’études était devenue tellement manifeste qu’une révision générale était de mise. Mais que s’est-il passé?
Après une sorte de «consultation» du projet de plan d’études ayant contourné les plus grands problèmes avec un questionnaire préfabriqué, les auteurs se sont retirés dans leur laboratoire financé par la CDIP. Le résultat: un résumé de quelques phrases (réduction du nombre de pages), la cosmétique de quelques notions (les termes brûlants remplacés) et finalement on a noté par exemple, que le papier ne refuse pas l’encre, que l’enseignant remplit un rôle très important dans l’enseignement (newspeak selon Orwell). Mais, on n’a pas touché à la conception fondamentale! Une gifle évidente pour chaque critique sérieux.
Avec véhémence, le chef du CDIP de Suisse orientale a finalement annoncé que le Plan d’études 21 est maintenant disponible auprès des cantons et sera mis en application. La garantie étant donnée que même les directeurs cantonaux de l’instruction publique de l’UDC – liés par la CDIP dans la réalisation du plan d’études – accepteront l’entreprise, on ose maintenant, dans l’agenda politique, transmettre ce plan d’études plus que mauvais aux cantons pour la mise en application.
Résumons: un plan d’études conçu derrière des portes closes selon des instructions secrètes et développé à un niveau démocratiquement non légitimisé, c’est-à-dire par la CDIP, devrait maintenant être réalisé par les cantons sans discussion!

Sans professeur fort, pas de bonne école

rl. Le Plan d’études 21 ne prend pas en compte le résultat le plus récent et le plus important concernant le bon enseignement: la méga-analyse du Néo-Zélandais John Hattie! Pendant plusieurs années, Hattie a évalué 800 méta-analyses internationales sur l’école et l’enseignement. Il a différencié entre les facteurs efficaces et les facteurs moins efficaces ayant un impact sur l’enseignement. Parmi ces facteurs, il y en a que l’école ne peut pas influencer, comme par exemple le milieu familial, et d’autres que l’école peut influencer, comme par exemple le rôle du professeur. Ces facteurs sont pertinents pour une bonne politique de la formation.
Ainsi un professeur qui se dirige activement vers les élèves, qui travaille avec eux, qui leur donne un écho concernant leurs performances, est décisif pour un bon enseignement.
Par contre les didactiques constructivistes accompagnées par des animateurs de l’apprentissage n’ont guère d’apport positif pour la qualité de l’enseignement! (Hattie, John. Visible Learning, p.?26)
Une bonne école publique a besoin d’un enseignement en commun et de fortes personnalités en tant qu’enseignants. Vu sa conception idéologique constructiviste, le Plan d’études 21 ne permet pas une telle approche!