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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°4, 31 janvier 2011  >  Cette initiative inutile donne une fausse impression de sécurité et ne permet pas de réduire les cas de suicides [Imprimer]

Cette initiative inutile donne une fausse impression de sécurité et ne permet pas de réduire les cas de suicides

par Andrea Geissbühler, conseillère nationale UDC/BE*

Le titre de l’initiative semble crédible. Qui se permettrait de se déclarer opposé à la «protection contre la violence par les armes»? Cependant, cette initiative au titre trompeur ne tient pas ce qu’elle promet. Elle ne combat ni l’utilisation abusive et criminelle et donc illégale des armes, ni les causes réelles de la violence conjugale et des suicides. Si on veut réellement combattre les abus, il faut  en premier lieu appliquer avec conséquence la sévère loi actuelle. J’appartiens à la police et sais pertinemment que l’initiative n’entreprend rien contre la possession illégale d’armes et ses abus criminels. 80% des abus se font à l’aide d’armes illégales. Dans mon travail, je suis quotidiennement confrontée à la violence. Toutefois, la réalité ne correspond pas à ce que les idéologues qui ont lancé l’initiative veulent faire croire. En tant que policière, je sais que la plupart des meurtres sont commis avec des armes illégales. Et cette initiative ne peut décidément pas augmenter la sécurité.
Nous éprouvons tous le besoin et avons le droit de nous sentir en sécurité. Les initiateurs  utilisent abusivement ce besoin de sécurité en faisant de nous, les femmes, le jouet en faveur de leurs intérêts. Ils promettent que l’initiative renforcerait la sécurité, surtout pour les femmes, ce à quoi s’oppose le Conseil fédéral dans son message en affirmant que les risques de menaces – notamment pour les femmes – ne diminueraient en rien.
Prétendre que l’initiative protègerait contre la violence par les armes est jeter de la poudre aux yeux. C’est profiter abusivement du malheur des uns afin d’imposer son idéologie. «Moins d’armes sauvent des vies» est une promesse simpliste et trompeuse pour les naïfs et les illusionistes. L’initiative ne peut pas garantir cette securité promise. C’est diffuser un semblant de sécurité. Pire, c’est cacher les véritables causes de l’utilisation abusive des armes et jeter le doute sur des citoyens honnêtes. C’est tout particulièrement tromper les femmes qui ne peuvent en aucun cas profiter du fait qu’on retire leurs armes aux hommes.
Et je pointe du doigt cette initiative: le fait qu’elle ne s’en prend qu’aux armes à feu est cousu de fil blanc. Car, les armes à feu ne sont, en fait, qu’un aspect mineur dans le travail de la police. Certes, ces armes sont dangereuses quand elles sont utilisées illégalement. Mais en réalité, on assiste à une utilisation bien plus fréquente d’autres objets, ou tout simplement de la violence physique pure, que d’aucuns utilisent pour intimider les plus faibles. Mais pour les initiateurs il ne s’agit pas de trouver une solution à la violence dans la société, c’est les armes à feu de l’Armée qui les intéressent politiquement, de même que celles des tireurs sportifs et des chasseurs, notamment aussi des femmes.
On tente encore de faire croire qu’en Suisse les armes ne sont pas enregistrées, alors que chaque canton tient un registre des acquisitions d’armes dans un système d’information électronique. C’est ainsi qu’on peut suivre le parcourt de toutes les armes acquises légalement dans le pays. A partir du printemps prochain, ces registres seront mis en réseaux, ce qui permettra de s’informer sur tout le territoire. Il ne semble donc pas qu’un registre fédéral centralisé apporte un progrès, mais bien un surcroît de bureaucratie, et des dépenses supplémentaires.
Cette initiative sur les armes est un leurre, n’apportant rien pour réduire les suicides. Rendre l’accès aux armes plus difficile ne peut sauver des vies. Il s’agit, dans ces cas, de graves problèmes sociaux ou psychiques qui incitent certains à se saisir d’une arme. Il n’y a aucune relation prouvée entre la disponibilité des armes à feu et le taux des suicides. Des études effectuées en Australie, en Finlande, au Canada et aux Etats-Unis démontrent d’ailleurs que des lois plus sévères poussent les gens à trouver d’autres moyens violents d’en finir avec la vie – par exemple en s’empoisonnant ou en se jetant devant un train. Mais le taux général des suicides ne diminue malheureusement pas.
Je suis contre cette initiative sur les armes du fait qu’elle donne l’illusion d’un combat général contre les abus d’armes. Elle ne sert strictement à rien contre l’acquisition illégale d’armes et leur utilisation criminelle. Une véritable sécurité n’est assurée que par l’application conséquente de la loi actuelle. Nous voulons une véritable sécurité et pas un semblant.    •
*    Intervention lors de la conférence de presse du 28/1/11 à Berne. (Traduction Horizons et débats)